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Vie chère au Gabon : « les Gabonais doivent se connecter à la nature »: Entre colère, résignation et improvisation, la population témoigne

La hausse des prix est aujourd’hui une question qui préoccupe le monde entier. De plus en plus, les tensions augmentent dans les pays pauvres du globe, dont ceux d’Afrique, où plusieurs émeutes ont éclaté ces derniers mois. Afrik.com publie cette semaine une série d’articles dans lesquels les Africains témoignent des difficultés du quotidien et de leurs attentes. Quatrième étape : le Gabon où, hier, des manifestations ont eu lieu pour protester contre la vie chère.

Depuis plusieurs mois, les prix des produits de première nécessité ont grimpé au Gabon. Du lait à l’huile, en passant par la sardine, le sucre ou la tomate, tout a été revalorisé sur le marché alors que le pouvoir d’achat du citoyen est resté sans changement. Les ménages survivent et toutes les solutions sont inventées pour vaincre la galère.

« Ce n’est pas normal et on ne comprend pas pourquoi les pouvoirs publics sont restés muets devant cette inflation généralisée qui risque un jour de compromettre la paix sociale dans notre pays » nous a lancé une jeune ménagère, la quarantaine révolue. « Il ya quelques mois on achetait un litre d’huile à 800 francs, aujourd’hui il coûte 1300 francs. Ce n’est qu’un exemple parmi tant d’autres et, c’est pénible pour nous qui sommes sans revenus » a-t-elle poursuivi.

Les consommateurs sont les seuls à payer les frais de cette inflation galopante. Les commerçants continuent à faire allègrement leurs affaires en essayant d’adapter les prix à la nouvelle conjoncture. « On a réajusté nos prix par rapport aux prix des fournisseurs en essayant de conserver notre marge bénéficiaire. Ces sont les consommateurs qui subissent la situation » explique Ayat, un commerçant du marché de Nkembo.

Un recul de la qualité des produits accessibles aux consommateurs

Le phénomène de la vie chère n’entraîne pas sensiblement le recul de la clientèle qui continue à acheter, quoique la quantité prime aujourd’hui sur la qualité des produits acquis. « Nous avons toujours nos clients et nos recettes sont restées invariables même si actuellement, les gens ont une forte propension à privilégier la quantité à la qualité » révèle Ayat. « Nous achetons les produits bon marché et à la maison nous évitons le gaspillage. Nous n’avons pas de choix en ce moment où l’Etat semble se désintéresser du problème », déclare pour sa part une étudiante de vingt ans à l’Université Omar Bongo.

Pour Evelyne Moussavou, face à la vie chère, il faut opposer le retour à la nature et aux produits du terroir. « J’ai remplacé le lait et la farine par la pâte d’arachide et la patate écrasée. C’est ce que je donne à mes enfants et nous évitons le plus possible les produits manufacturés. Cela nous permet d’épargner un peu. Je pense que les Gabonais doivent se connecter à la nature pour sortir de la dépendance alimentaire. Les pays Occidentaux ont programmé leur développement en nous assujettissant et en conditionnant nos habitudes alimentaires. » « Le problème de l’inflation et de la crise alimentaire actuelle doit susciter une remise en question de nos stratégies de développement surtout en matière alimentaire. En copiant naïvement les habitudes alimentaires des pays développés nous ne manquerons de rencontrer des difficultés » a-t-elle conclu.

A la recherche de solutions alternatives

Pour André Mbourou, agent de sécurité, « il serait souhaitable que l’Etat revoit à la hausse les salaires des fonctionnaires pour nous permettre de joindre les deux bouts. C’est vraiment difficile en ce moment quand on a une famille nombreuse. Avec mon maigre salaire, j’arrive à peine à nourrir mes enfants et ma femme »

Selon Jacques Roland, membre de l’association végétariene gabonaise, il est temps que l’Afrique arrête d’exporter certains produits alimentaires, notamment les céréales qui servent à nourrir le bétail de boucherie dans les pays Occidentaux. « Il est anormal d’arracher la nourriture dans l’assiette des pauvres en Afrique pour satisfaire les industries de la viande dans les pays développés. Le Gabon doit chercher à développer l’agriculture et à domestiquer la technologie. Ce n’est qu’à travers ces axes que le coût de la vie peut baisser » a-t-il proposé.

Le gouvernement gabonais a tenté de résoudre ce problème, il y a trois mois, en demandant aux industriels de reconsidérer les prix des produits de première nécessité. Les contrôleurs de prix ont été mis alors sur le terrain pour décourager les commerçants véreux. Mais, aucune autre mesure d’accompagnement n’a été prise pour soulager le panier de la ménagère.

Au Sénégal, au Cameroun et en Côte d’Ivoire, le peuple est descendu à la rue pour exiger de leurs gouvernements des solutions. Ces émeutes de la faim et de la vie chère ont été étouffées et réprimées, conduisant à des arrestations et parfois même à des fusillades. « Nous croyons que le gouvernement gabonais saura anticiper et n’attendra pas que le peuple descende à la rue » estime Justin Ibinga, Comptable retraité.

par Pierre Eric Mbog Batassi
Notre correspondant à Libreville

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