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GREVES AU GABON : Les effets de l’usure du pouvoir

Le climat social est bien délétère en ce moment au Gabon et la tension déjà palpable ces derniers jours est montée d’un cran. L’Etat a mis sa menace à exécution : il vient de refuser de verser les salaires des grévistes du personnel de la santé. Mais ces derniers, malgré tout, semblent bien décidés à aller jusqu’au bout de leur mouvement.

« Cette suspension de salaire constituera le prix à payer pour l’obtention de nos revendications », avait d’ailleurs prévenu le secrétaire général du SYNAPS, parlant au nom de ses camarades militants. La crise sociale que traverse le Gabon, en plus d’être longue (elle dure depuis des semaines), est profonde.

Elle est alors comme le cheval de Troie par le moyen duquel s’expriment malaises, ras-le-bol et autres lassitudes du même genre, tous jetés à la figure d’un pouvoir qui dure depuis de longues décennies. Et elle irrite le président gabonais qui, à défaut de pouvoir la briser d’un geste du petit doigt, comme au bon vieux temps, compte la soumettre en pressant le délicat mais sensible cordon de la bourse. Les jours à venir diront s’il avait eu raison. Mais déjà on perçoit, à travers ces mouvements d’humeur, comme des signes actifs d’une fin de règne difficile pour un Bongo installé aux commandes de son pays depuis plus de 40 ans. Cette crise résonne comme un signe des temps.

Car, elle eût été simplement inimaginable, même dans le rêve du citoyen gabonais le plus fou, au temps où Bongo était encore au faîte de sa splendeur, dans un Gabon richissime, et qui pouvait tout se permettre sans retenue aucune. Mais les temps ont changé, les hommes aussi et le pétrole ne coule plus à flot comme jadis on le voyait. Reste à savoir si le doyen des présidents africains saura l’entendre de cette oreille. La tentation, dans les cas du genre, est si grande de ne voir que les manquements d’autrui, en refusant d’assumer la part qui vous revient dans le désordre dont volontiers on se plaint. Mais franchement, on peut se demander ce qu’un chef d’Etat peut proposer après 40 années de « bons et loyaux services ».

Du neuf ? Du vieux ? Ou alors du neuf avec du vieux ? Mais à ce difficile exercice de contorsionnisme intellectuel, les fonctionnaires gabonais préfèrent sans doute voir apporter des solutions concrètes et immédiates aux problèmes de leur vécu au quotidien. Ils demandent de meilleures conditions de travail ainsi que l’augmentation de leurs primes. Comment ce Gabon, considéré comme l’un des pays les plus nantis d’Afrique, avec tous ses revenus que lui rapportent son pétrole, son bois, ses ressources minières, peut-il manquer de satisfaire les besoins d’une population qui ne compte pas, à la date d’aujourd’hui, 2 000 000 d’âmes ?

Mystère et boule de gomme. Et revoilà posée la sempiternelle question de l’usage que font les dirigeants du continent africain, des ressources des pays dont ils ont la charge. La longévité au pouvoir a ceci de pernicieux qu’en même temps qu’elle lasse ceux qui subissent parce que devant supporter trop longtemps le poids d’un homme, d’un régime ou d’un système, elle finit par user même celui qui commande, ordonne et dirige. Au final, il entend, voit et perçoit absolument tout à travers le seul prisme de son propre esprit, lui-même usé et fatigué, et partant, incapable de saisir la bonne opportunité de la nouveauté qu’apporte tout changement. On voit alors le diable partout sauf là où il se cache réellement. « Le service minimum est une exigence éthique et morale », disait le Premier ministre gabonais qui pensait par là inciter les grévistes à ass

urer le minimum nécessaire à la marche des divers centres de santé du pays. Nul ne peut sérieusement en douter. Mais la suspension des salaires n’est certainement pas la meilleure des voies pour arracher pareille concession à des fonctionnaires lassés et déterminés et qui tiennent à recouvrer des droits qu’ils considèrent légitimes. Dans le meilleur des cas, elle ne peut que pousser à une malheureuse radicalisation à l’extrême du mouvement syndical déjà remonté face aux nombreuses rebuffades qu’il a déjà dû essuyer. De part et d’autre, il faudra sans doute songer à revenir à de meilleurs sentiments, si toutefois le souhait des uns et des autres est de voir s’installer pour bientôt un climat social apaisé.

source: le faso.net

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