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La Françafrique survivra à Bongo

Omar Bongo Ondimba était incontestablement le dernier pilier de la Françafrique. Depuis qu’il a pris le pouvoir en 1967 jusqu’à sa mort officiellement déclarée le 8 juin 2009, le patriarche de Libreville avait servi tous les chefs d’Etat français et, en retour, avait toujours été servi par eux tous. Fin connaisseur des arcanes de la vie politique française, il avait même financé plusieurs campagnes électorales en France. A ce titre, il bénéficiait du soutien indéfectible de Paris, qu’il avait également aidé à s’extirper de plusieurs guêpiers en Afrique. La solide implantation de la France au Gabon par le biais de sa base militaire et l’exploitation de son pétrole par Elf puis Total, est une preuve supplémentaire de la solide amitié entre l’Elysée et celui qui était le doyen des chefs d’Etat africains.

Les intérêts géostratégiques et économiques de la France au Gabon, ajoutés à la bienveillance sans limite de Bongo à l’égard des hommes politiques français ont renforcé les liens entre le patriarche et l’ancienne puissance colonisatrice. Même Nicolas Sarkozy, l’homme de la rupture, n’a pas pu s’attaquer au roc. La Françafrique, qui s’y frotte s’y pique ! Le téméraire Jean-Marie Bockel, alors ministre de la Coopération, en a fait les frais pour avoir vraiment cherché la rupture. Certes, le privilège de la première visite d’un chef d’Etat africain à l’Elysée après l’élection de Sarkozy n’a pas été réservé à Bongo. Certes, l’affaire des “biens mal acquis” révélée par des associations et la presse françaises a sonné à Libreville comme un crime de lèse-majesté. Mais la Françafrique, même ébranlée, demeure une réalité tenace. Elle survivra à “Papa Ondimba”. Car tant que les chefs d’Etat africains auront besoin de la France pour veiller sur leurs fauteuils et que, en retour, la France devra s’appuyer sur eux pour prolonger son système néocolonial sous le pudique manteau de la coopération, la Françafrique vivra. Tant que les dirigeants africains pourront exercer leur pouvoir à vie, faisant fi de l’alternance et de la démocratie, pourtant exportées sous nos tropiques par la France, la Françafrique s’enracinera toujours davantage. Tant que la Françafrique pourra continuer à rimer avec pillage et soutien à des présidents africains abonnés à la malgouvernance et à l’impunité, elle survivra. Tant que la Françafrique pourra s’appuyer sur des chefs d’Etat comme le Congolais Sassou Nguesso, le Tchadien Idriss Deby et le Camerounais Paul Biya, elle aura encore des jours heureux devant elle.

Toutefois, avec la naissance et le développement d’une opinion publique de plus en plus critique, la Françafrique pourrait revêtir de nouveaux habits. Et ce relookage sera sans doute plus profitable aux peuples africains qu’à leurs seuls dirigeants, obnubilés par les richesses et le pouvoir à vie. “La France sans l’Afrique était une mendiante larmoyante”, comme l’a dit le célèbre opposant burkinabé, Laurent Bado. La Françafrique, c’est la garantie pour la France de perpétuer le pillage systématique des richesses des pays africains.

Le Gabon, malgré son pétrole abondamment exploité par Total, n’a jamais décollé économiquement. Ce pays a même été contraint de demander à accéder au statut de PPTE (pays pauvre très endetté). Voilà pourquoi la Françafrique survivra et aura toujours la latitude de placer et de protéger les hommes et les femmes qui la perpétuent. La France prépare activement la succession de Bongo père, qui pourrait bien revenir à Bongo fils (Ali Ben) ou à Bongo fille (Pascaline). En attendant, fait heureux, la transition se déroule dans le calme au Gabon – dont Ali Bongo, tout-puissant ministre de la Défense et candidat potentiel au fauteuil présidentiel, avait tout de même pris la précaution de fermer les frontières. La tâche pourrait être rude par la suite pour Rose Francine Rogombé, la présidente du Sénat, qui a pris ses fonctions de présidente du pays par intérim dans le strict respect de la Constitution et doit organiser une élection présidentielle dans les quarante-cinq jours. Pour l’instant, elle s’occupe d’organiser des obsèques dignes du père de la nation. Pendant ce temps, tous ceux qui lorgnent le palais du bord de mer attendent sagement que le corps d’Omar Bongo soit porté en terre avant de sortir leurs longs couteaux.

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