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Gabon, les pillards parlent aux Français

La mort d’Omar Bongo fait rejaillir 40 ans de passé tumultueux qu’entretient la France avec le Gabon. La françafrique dans tout son lustre : corruption, clientélisme et fraudes électorales.

Le 16 juin dernier, soit une huitaine de jours après le décès d’Omar Bongo, Lors Aikins Adusei, un commentateur politique et militant anti-corruption de longue date, publiait sur le site internet Modern Ghana, un long article intitulé « La dissimulation des fonds africains détournés et le silence des médias occidentaux ». Article qui a fait grand bruit, tant sur le continent africain qu’en Europe, particulièrement en Suisse – on se demande bien pourquoi ? – et aux États-Unis. Sa thèse, pas véritablement originale, résonne tout de même d’un écho particulier à la lumière de l’actualité gabonaise, et de la manière dont elle est couverte par les médias français. En particulier les explications qui nous sont distillées sur les troubles consécutifs à l’élection de Bongo-Junior et les raisons d’un « vague » sentiment anti-français.

Françafrique : les galons de la corruption
Aikins Adusei écrivait notamment : « La corruption est importante en Afrique parce que les institutions bancaires européennes et particulièrement en Suisse, en France, à Jersey, en Grande-Bretagne, au Luxembourg, au Liechtenstein, en Autriche, mais aussi aux États-Unis, acceptent les dépôts de fonds des leaders africains sans se poser de question sur leur origine ». Avant de renchérir, « selon les Nations Unies, ce sont environ 148 milliards de dollars qui sont détournés annuellement par les leaders politiques, les multinationales, les hommes d’affaires et les fonctionnaires locaux, avec la complicité des banques et des gestionnaires de fortune, en Europe et en Amérique du Nord ».

Aikins Adusei règle, rapidement, le cas du Nigérian « Sani Abacha » et du Kenyan Arap Moi, dont les placements mondiaux avisés ont fait l’objet d’un recensement et d’un rapport de 110 pages du cabinet d’investigation Kroll, pour le compte du gouvernement. Puis l’auteur consacre de larges développements à Omar Bongo, un autre « ami de 40 ans » de nos chefs d’Etat. (« Selon France24, une enquête de police a établi que Bongo et sa famille possèdent au moins 33 propriétés en France, dont un hôtel particulier acheté 18,8 millions d’euros en juin 2007 avec des fonds détournés, situé rue de la Baume près du palais de l’Elysée à Paris. Le président Sarkozy y a notamment été vu, accueilli par Bongo… »).

La couleur de l’argent© PieRAprès avoir rappelé à ses lecteurs les aventures du consultant Kouchner, généreusement rétribué pour des conseils en matière de santé publique d’utilité discutable, notre Ghanéen de service remet le couvert avec véhémence : « Kouchner n’est pas le seul, en France, en Europe et en Amérique à avoir bénéficié des transactions douteuses avec l’establishment politique et économique africain. Il a récemment été mis en évidence qu’Omar Bongo a financé secrètement les campagnes électorales de Jacques Chirac et de François Mitterrand avec des fonds volés à son pays. La question est : qui l’a aidé à détourner et dissimuler en France sa fortune mal acquise ? Le fait est que Bongo a été capable de voler, et de diriger son pays de manière déplorable grâce à l’aide qu’il a reçu de ceux, en France, qu’il a aidé à gagner les élections ». Diantre.

Pour la France, « Gabon banania »
Sans tomber nécessairement dans les excès de langage du Don Quichotte Ghanéen, force est de constater que les « sales histoires » franco-gabonaises ont rarement bénéficié dans ce pays d’une couverture médiatique digne de ce nom. D’autant que ceux qui s’y risquent se font, la plupart du temps, remonter les bretelles de manière plus ou moins discrète. France 2 et son reportage sur les propriétés françaises du Président Bongo en mars 2008, outre un succès d’estime en terme d’audience, avait surtout suscité de vives protestations du gouvernement gabonais pour une diffusion effectuée « au mépris des intérêts mutuels et de l’excellence des relations liant la France et le Gabon ».

Le refrain est connu. Mais qui se souvient, comme le rappelle Laurent d’Ersu dans son article de La Croix du 8 juin, que le président Sarkozy avait réservé son premier coup de téléphone de président élu à Omar Bongo pour le remercier de ses « conseils » et avait inscrit le Gabon dans son premier déplacement en Afrique ? On encore, de l’arrêt de la Cour d’Appel de Bordeaux assorti de l’exécution provisoire, condamnant, le 29 septembre 2008, le président gabonais à verser 457 347 euros au fils de René Cardona, qui avait dû verser une « rançon » de 300 millions de francs CFA en août 1996 sur le compte personnel d’Omar Bongo pour obtenir la libération de son père, emprisonné à Libreville pendant 48 jours en pleine épidémie de fièvre Ebola à la suite d’un différend de nature commerciale ?

Une affaire pas très claire de vente au président Bongo, d’une entreprise d’armement naval et de pêche en eaux troubles. Une somme qui atteignait tout de même plus d’un million d’euros avec les intérêts, avait indiqué Maître Jean-Philippe Lebail, l’avocat de René Carbona, fin février 2009, confirmant les informations du quotidien Sud-Ouest. La saisie-exécution, le 13 février 2009, de plus de 4 millions d’euros sur 9 comptes bancaires ouverts au nom du président Bongo, dans les livres du Crédit Lyonnais (2 comptes de dépôt, 2 comptes sur livret et un compte-titre) et de la BNP (2 comptes-chèques, 1 compte d’épargne et un compte-titre) n’était-elle pas, elle aussi, passée quasiment inaperçue de la presse française ? « Pourquoi les médias occidentaux ignorent-ils le rôle de leurs institutions dans les pactes de corruption ? », s’interrogeait Lord Aikins Adusei dans son article du 17 juin. Ne serait-ce pas tout simplement le message que tentent de nous transmettre les Gabonais, en particulier ceux de Port-Gentil, s’il l’on en juge par la légère exaspération dont il semble faire preuve envers la France ces derniers jours à la suite du résultat de leur élection présidentielle ?

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