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Guinée: «Le principal défi de Doré sera de tenir tête à la junte»

L’opposant Jean-Marie Doré a été désigné mardi comme Premier ministre d’une délicate transition en Guinée, une étape importante peu après la signature d’un accord de sortie de crise prévoyant une élection présidentielle «dans six mois» pour un retour des civils au pouvoir.
La leader syndicale et figure de proue de la contestation Rabiatou Sérah Diallo ainsi que le premier vice-président de la junte et ministre de la Sécurité dans le gouvernement sortant, le général Mamadouba «Toto» Camara, ont été nommés vice-Premier ministre.
Âgé de 71 ans, Jean-Marie Doré est président de l’Union pour le progrès de la Guinée (UPG, opposition) et porte-parole des Forces vives (opposition, syndicats et société civile). Il avait été blessé pendant la répression sanglante par les forces de sécurité d’une manifestation de l’opposition, ayant fait plus de 150 morts le 28 septembre à Conakry.
Dominique Bangoura, docteur en science politique et présidente de l’observatoire politique et stratégique de l’Afrique à l’université Paris 1, revient sur ces nominations et le processus politique en Guinée.
Comment analysez-vous la nomination de Jean-Marie Doré au poste de Premier ministre chargé de la transition?
C’est une avancée importante sur le plan politique, qui relance le processus de transition, si le décret de sa nomination est effectivement signé. On reprend le processus abandonné il y a un peu plus de six mois qui devait permettre l’établissement d’un pouvoir civil après une succession de dictature civile et de régimes militaires en Guinée depuis l’indépendance.
Le gouvernement de transition sera composé de 10 membres du CNDD, 10 de l’opposition et 10 issus des régions. Que cela signifie-t-il?
La composition du nouveau gouvernement reflète une volonté de consensus politique et d’équilibre régional. Après une brève expérience infructueuse sous Lansana Conté, avec Kouyaté, c’est la première fois qu’un homme politique de l’opposition arrive au poste de Premier ministre. Je vois une sorte de partage du pouvoir entre la junte, les partis politiques, et même les forces sociales avec la nomination de Mme Diallo au poste de vice-Premier ministre.
Qui est Jean-Marie Doré? Le fait qu’il soit originaire de la même région que Dadis, la Guinée forestière, a-t-il pu jouer dans sa nomination?
Son origine a effectivement peut-être joué un rôle. Cela peut calmer les pro-Dadis Camara. La principale question, désormais, c’est de savoir si Doré pourra mener la transition à son terme. Il a eu l’honnêteté de dire avant sa nomination qu’il souhaitait se présenter à la future présidentielle. Cela a clarifié les choses, et il semble maintenant que cela ne soit plus d’actualité. Jean-Marie Doré fait partie de l’opposition depuis longtemps, il a beaucoup d’expérience, il a su travailler avec les Forces vives dont il est le porte-parole depuis un an.
C’est important que Doré soit issu d’un parti d’opposition. En 2006-2007 (période de protestation de la société civile, ndlr), le mouvement était conduit par les forces sociales. Aujourd’hui, la donne a changé. Les Forces vives ont retrouvé les partis politiques. Les leaders politiques ont montré leur capacité à mobiliser, en particulier le 28 septembre 2009 au Stade de Conakry. On se souvient de la répression sanglante et des viols collectifs qui ont été menés ce jour-là par les forces armées à l’encontre des citoyens et des militants.
Quel est désormais la principale tâche du Premier ministre issu de l’opposition?
La principale tâche est d’organiser et de réussir une élection présidentielle libre, crédible et transparente. Son principal défi sera de tenir tête à la junte. Est-ce que l’accord signé ce week-end va tenir? Est-ce que les faucons du clan de Dadis ne vont pas tenter de s’immiscer dans ce processus? Lorsque Lansana Conté était malade (2006-2008), ses proches le faisaient parler.
Le risque, c’est que cela se reproduise à nouveau avec les hommes de Dadis. Il faut espérer que le processus de transition permette, parallèlement à la reprise du processus électoral, un début de réforme des forces armées en Guinée. Il faut rassurer l’armée sur ce qu’elle sera après l’élection: lui montrer qu’elle ne sera ni inquiétée par un futur gouvernement civil, ni délaissée par l’Etat.
Un mot sur les deux dirigeants de la junte: Dadis Camara, «en convalescence» au Burkina Faso, est-il définitivement hors-jeu? Sékouba Konaté a-t-il réussi la transition démocratique?
On a vu des photos de Dadis et entendu sa voix ce week-end. Il est clair pour tout le monde qu’il ne pourra pas revenir au pouvoir dans les six mois. Par la suite, il pourrait aussi être inquiété par la justice pénale internationale pour son implication dans les massacres et viols du 28 septembre.
Quant à Konaté, il faut saluer le fait qu’il a su s’imposer et faire signer cet accord. Mais restons vigilants. Les militaires disposent de la force, et on n’est jamais totalement sûr de l’issue de la transition tant qu’on n’y sera pas parvenu. L’important pour la Guinée, c’est d’obtenir le changement, c’est-à-dire une alternance démocratique, tant attendue par les populations depuis plusieurs années.

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