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Groupe Total : l’enfant chéri de l’État français

La société Total est une entreprise pétrolière française privée. Elle fait partie des six plus grosses compagnies pétrolières mondiales. C’est la plus grande entreprise française en terme de chiffre d’affaires, la quatrième entreprise d’Europe et la sixième entreprise mondiale (classement Forbes 2009).

Intégrant un ensemble de 721 sociétés, elle constitue le cinquième groupe pétrolier du monde. Elle exerce son activité dans plus de 130 pays, depuis l’exploration, le développement et la production de pétrole et de gaz naturel jusqu’au raffinage, à la distribution, au commerce et au transport maritime de pétrole brut et de produits pétroliers. Elle exerce aussi ses activités dans la chimie (pétrochimie et fertilisants). Elle détient des participations dans les secteurs du charbon et de l’électricité mais aussi dans le groupe pharmaceutique Sanofi Aventis. Elle s’intéresse aux énergies nouvelles : le solaire, la biomasse et le nucléaire.

Mais dès le départ de son histoire le groupe Total, ou son ancêtre la Compagnie française des pétroles, a bénéficié des largesses de l’État. Et même quand l’État français, avec Elf Aquitaine, a voulu bâtir une entreprise publique réalisant toutes les tâches qui sont aujourd’hui celles de Total, cela a été finalement pour permettre à ce groupe de s’en emparer, lui donnant ainsi les moyens de doubler ses capacités productives.

C’est pendant la Première Guerre mondiale que le gouvernement français, notamment Clemenceau, prit conscience de l’importance du pétrole pour faire la guerre. Or à cette époque un seul pays fournissait 80 % du pétrole du monde : les États-Unis.

À la fin de la guerre, la France était dans le camp des vainqueurs. Elle put se substituer à l’Allemagne et prendre le contrôle de 25 % de la Turkish Petroleum Company (rebaptisée par la suite Iraq Petroleum Company). C’est alors, en 1924, qu’est née la Compagnie française des pétroles (CFP). Elle avait été lancée pour gérer les parts du gouvernement français dans l’Iraq Petroleum Company, associant dès le départ capitaux d’État et profits privés. En 1985 elle a pris le nom de Total CFP, puis Total tout court en 1991.

En 1999, le groupe Total a augmenté d’un tiers ses capacités productives en prenant le contrôle de la société belge PetroFina (créée elle-même en 1920). Cette entreprise fut rachetée au milliardaire belge Albert Frère, qui conserve encore 5 % du capital de Total via deux holdings, le groupe Bruxelles Lambert et la Société nationale à portefeuille.

En 2000, Total a pris le contrôle d’Elf Aquitaine, dont il détient 99,5 % des actions. L’ancêtre d’Elf datait de 1939, quand on découvrit du gaz en Aquitaine. En 1951, ce fut la découverte du gisement de gaz de Lacq. À partir de 1945, l’État mit sur pied une activité de prospection et de production du pétrole, notamment dans le Sahara algérien. Et en 1960 il s’attaqua aux activités de raffinage et de distribution en créant l’Union générale des pétroles (UGP). Des journaux comme Le Figaro et Paris-Presse se firent alors l’écho des protestations de « majors », comme la Shell.

Puis les raffineries de l’UGP se multiplièrent en France et dans le monde. Le conglomérat d’entreprises et de marques réunies par l’UGP fut finalement unifié entre 1962 et 1967 pour devenir le groupe Elf. Il s’agissait pour l’État, en même temps qu’il mettait sur pied une grande entreprise pétrolière, de conserver un accès au pétrole, en dépit de la décolonisation.

Dès lors, on put dire : « Il ne se passe rien, en particulier en Afrique, dont l’origine ne soit pas Elf. » Pour piller l’Afrique et la vider de son pétrole, le groupe Elf se livra pendant des années à la corruption des dictateurs en place, télécommandant à l’occasion des guerres civiles, et faisant ainsi vivre tout un réseau d’éminences grises, en Afrique, notamment au Gabon, et en France, qui agissaient dans la coulisse au mieux des intérêts d’Elf et de la Françafrique. Le procès Elf a mis un peu de lumière sur le fonctionnement de cette « pompe Afrique/à fric ».

Longtemps entreprise publique, Elf fut finalement privatisé en 1994, étape nécessaire pour le faire tomber ensuite, avec la bénédiction de l’État, dans l’escarcelle du groupe Total, lui permettant alors de doubler effectifs et capacités productives et de devenir la multinationale actuelle. Et depuis, Total poursuit l’œuvre d’Elf en Afrique et ailleurs, en Birmanie ou en Irak, comme d’autres affaires l’ont montré. En 2004, l’Afrique pesait toujours pour 42 % dans sa production de pétrole.

Le naufrage du pétrolier Erika ou l’explosion de l’usine AZF à Toulouse ont montré d’autres facettes aussi peu ragoûtantes de la société Elf, pardon Total, qui a pu se hisser au sommet des grandes entreprises françaises grâce au marche-pied de l’État, mais aussi en charriant de la boue et du sang.

Jacques FONTENOY
Lutte Ouvrière n°2171 du 12 mars 2010

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