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Les élans d’Ali Bongo

L'héritier (ici, en visite en Côte d'Ivoire, en janvier) abrège souvent réunions et palabres. AFP

Par Vincent Hugeux.

Fils et successeur d’Omar Bongo, le nouveau président gabonais a tenté en huit mois d’imposer son style. Quitte à hérisser les barons de l’ancien régime.

C’est la gageure de l’héritier: comment se faire un prénom sans renier sa filiation? Défi d’autant plus délicat lorsque, à l’instar d’Ali Bongo Ondimba, alias « ABO », le légataire succède à un personnage dont la longévité, l’entregent, l’habileté manoeuvrière, la science des équilibres ethniques ou régionaux et l’art des ralliements monnayés auront vitrifié l’échiquier politique. Et quand la gestion rentière et patrimoniale d’un pactole pétrolier déclinant a engourdi les énergies.

« Lui, c’est lui; moi, c’est moi. » Fêtard repenti, initié dans l’ombre d’un patriarche qui lui confia brièvement les Affaires étrangères puis une décennie durant la Défense, Ali fait sienne la célèbre formule depuis son élection controversée du 30 août 2009. Avec un indéniable volontarisme, il s’évertue à bousculer la routine dans laquelle ronronne depuis des lustres une élite apathique. Question de style et de lexique d’abord. Fini, les oracles chuintés de papa, ses admonestations goguenardes et ses largesses de chef de village omniscient, craint et respecté. Adepte d’une modernité parfois ostentatoire, Bongo fils abrège réunions et palabres, prie son entourage d’éconduire les plaideurs, tranche, délègue et professe la « culture du résultat ». Il arrive d’ailleurs à cet homme pressé de chapitrer les ministres jugés trop indolents.

Une brassée de mesures symboliques

Tout en veillant à les ménager, Ali a écarté plus d’un baron de l’ancien régime. Il a aussi rajeuni et « resserré » l’équipe qui officie au Palais du bord de mer de Libreville. Dans son entourage, moins de courtisans, et davantage de quadras, parfois recrutés parmi les « rénovateurs », ce courant dont lui-même fut l’animateur au sein du Parti démocratique gabonais (PDG).

D’emblée, ABO a dégainé une brassée de mesures symboliques. A commencer par cet audit de l’administration, réputée pléthorique, histoire de débusquer les fonctionnaires fantômes. Autres chantiers ouverts: l’environnement, la rationalisation d’un réseau touffu d’agences d’Etat à l’utilité aléatoire, la refonte de la fiscalité et la lutte contre la corruption.

Sur le terrain de l’économie, l’ex-ministre de la Défense prône la valorisation au pays des ressources naturelles: l’or noir bien sûr, mais aussi le manganèse, le fer, l’uranium et le bois, premier employeur privé. Si elle obéit au louable souci de faire naître une industrie de transformation gabonaise, l’interdiction d’exporter les grumes à l’état brut, décrétée sans préavis, dessine les limites de la méthode Ali. Faute de scieries où les écouler, les « forestiers » voient grossir des stocks invendables. Initialement fixée au 1er janvier 2010, l’échéance sera d’ailleurs différée à la mi-mai. S’agissant du pétrole, la création récente de la GOC – Gabon Oil Company – vise à raffermir l’emprise du pays sur une richesse qui fournit 42% du budget national.

Les syndicats brandissent le spectre de la grève

Qui s’en étonnera? L’ambition réformatrice du prince héritier, soucieux d' »assainir pour repartir sur des bases saines » – elles ne l’étaient donc pas… – suscite des résistances plus ou moins feutrées. « Nettoyer » les fichiers de la fonction publique expose à s’aliéner une partie de la clientèle électorale du PDG, alors que se profilent les législatives cruciales de 2011. De même, on ne saurait sous-estimer la capacité d’inertie des caciques détronés. Mais c’est avant tout sur le front social que le fils aîné du défunt « doyen » risque gros. Enseignement, hydrocarbures, transport : les syndicats brandissent volontiers le spectre de la grève. Tandis que, dans les bas quartiers de Libreville ou de Port-Gentil, l’impatience de celles et ceux qui campent sous le seuil de pauvreté – soit plus d’un Gabonais sur deux – ne cesse d’enfler. Et il est peu probable que l’instauration d’un « revenu minimum mensuel » suffira à désamorcer leur amertume.

Ali, jadis prénommé Alain, s’est donc fait un prénom. Il lui reste à changer de surnom. Et à prouver qu’à 51 ans, « Baby Zeus » peut se muer en « Zeus » et faire parler la foudre.

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