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Gabon : Le talon d’Achille de l’émergence

Malgré la flopée de réformes engagées depuis le discours du 16 octobre 2009, le gouvernement tarde à traduire dans les faits ses engagements malgré sa souscription aux neufs valeurs et normes de conduites pour la réussite du programme du président de la République. L’Absence de contrôle serait l’un des facteurs qui freine l’impression de la marque de gouvernance souhaitée par Ali Bongo.

Le Conseil des ministres du 19 octobre 2009 restera gravé dans les mémoires des Gabonais, car jamais l’administration gabonaise n’avait connu pareil coup de karcher dans ses rangs. Porté à la tête du pays le 16 octobre 2009, Ali Bongo a marqué les esprits par des réformes osées dès son tout premier Conseil des ministres, avec notamment le remplacement de la quasi-totalité des hauts cadres de l’administration publique et parapublique du pays.

Pressé d’imprimer sa marque de gouvernance, le nouveau président a consacré les trois premiers mois de son mandat à une kyrielle de réformes qui ont touché pratiquement tous les secteurs et bouleversé des pans entiers de l’économie. L’instauration de la journée continue, les audits de la Fonction publique et surtout l’arrêt de l’exportation de grumes de bois constituent les plus emblématiques de ces réformes.

Dès son discours d’investiture, Ali Bongo avait indiqué que la priorité sera donnée à l’action pour sortir rapidement le pays de la léthargie dans laquelle l’avaient plongé les remous politiques survenus durant les quatre mois de transition politique et qui ont mis à mal la cohésion sociale mais aussi l’économie du pays. Il s’était engagé solennellement à remettre rapidement les Gabonais au travail et à privilégier l’action pour poser les bases du «Gabon émergent». Il avait également promis de bouter hors du pays la corruption et restaurer la justice pour tous, afin de bâtir «un Gabon exempt de la corruption et de l’injustice».

Ali Bongo avait aussi précisé que sa gestion de l’Etat sera axée sur la valorisation de la compétence et sur une meilleure circulation de l’élite, une rupture très attendue pour tourner le dos à la fameuse géopolitique dont les avatars ont gangrenés toutes les sphères de l’administration publique et des institutions du pays depuis plus de 40 ans.

Eblouis par l’ampleur des réformes et grisés par la soudaineté de la mise à l’ écart des puissants intouchables de l’ancien régime, les Gabonais, en tous cas beaucoup d’entre eux, avaient pensé que la rupture tant souhaitée et attendue était arrivée.

Douze mois après, et malgré la flopée de réformes et le volume d’annonces du gouvernement, les fruits tardent à remplacer les fleurs. Fertilisées par l’atonie de contrôle de réformes initiées, les «gabonitudes» reprennent petit à petit le dessus, la marque de rupture s’émousse et, si l’on n’y prend pas garde, elle ne sera bientôt qu’un vague souvenir d’une forte espérance.

Certes, douze mois dans la vie d’une nation c’est peu de chose, diront certains, et on ne peut s’attendre à des résultats concrets dans l’immédiat. Toutefois, les premiers mois d’un régime sont déterminants pour imprimer la marque de sa gouvernance, l’ampleur et la consistance de la rupture à opérer. Mais Il serait infondé de dire que le régime n’a pas perçu la grande aspiration des Gabonais pour une rupture profonde et qualitative. La profusion des réformes, la multiplication des chantiers et la démultiplication des engagements qui s’amoncellent sont destinées à combler cette aspiration.

Cependant, à quoi bon se lancer dans une telle débauche d’énergie si le suivi et le contrôle de la mise en œuvre de ces différentes réformes sont inexistants ? Il suffit d’observer ne serait-ce que distraitement l’exécution de la cohorte de réformes initiées jusqu’ici pour évaluer le taux de volatilité de mesures de suivi et de contrôle.

Pourtant, lors du Conseil des ministres du 12 novembre 2009, le président avait engagé les 30 membres du gouvernement à souscrire à neuf valeurs ou normes de conduite pour marquer leur engagement pour l’intérêt supérieur du peuple gabonais, garantir ainsi dans l’entreprise de la rupture.

«Acceptant solennellement de se consacrer entièrement à la réussite du programme du Président de la République, Chef de l’État, Son Excellence ALI BONGO ONDIMBA, en vue de bâtir les fondements d’une nouvelle gouvernance, de promouvoir un partage juste et équitable des richesses nationales et d’œuvrer activement pour un développement socio-économique durable ; nous, membres du Gouvernement gabonais, souscrivons aux neufs valeurs et normes de conduites ci-après :

1. Déclaration des biens

Dès l’entrée au Gouvernement chaque membre du Gouvernement a l’obligation, conformément aux textes en vigueur, de se soumettre au préalable à une déclaration de biens personnels ou de fortune.



2. Respect de l’Intérêt général

Chaque membre du gouvernement doit affirmer et pratiquer son attachement au principe de la primauté de l’intérêt du peuple et du pays. Il doit en conséquence exercer ses fonctions conformément à l’intérêt public et dans le respect de la dignité des personnes, tels que le prévoient la Constitution de la République gabonaise, la Charte des Droits de l’homme et d’autres instruments internationaux promouvant les droits de la personne ratifiés par le Gabon.



3. Honnêteté et intégrité


Dans la perspective de la moralisation de la vie publique, tout membre du gouvernement a un devoir non seulement de probité dans toutes ses relations, mais aussi de préservation de la dignité, de l’honorabilité et de la réputation de la fonction. En tant que modèle social et de responsabilité, il doit éviter toute conduite pouvant compromettre son intégrité, son honnêteté et la confiance de la population.



4. Équité

Les membres du gouvernement sont tenus d’exercer leurs activités professionnelles avec diligence et impartialité. Leur conduite doit être exemptée de toute collusion avec les intérêts personnels, de préjugés et de favoritisme. Dans cet esprit, le respect scrupuleux de la déontologie administrative doit être promu dans les pratiques publiques.

5. Responsabilité


Chaque membre du Gouvernement doit être conscient de ses responsabilités constitutionnelles. C’est pourquoi il est tenu d’accorder une importance capitale à sa charge et à toute mission qui lui est confiée. Il en assume la réussite ou l’échec selon le principe de l’imputabilité davantage en cas d’identification d’inconvenances ou de conflits d’intérêt. Tout comme il est astreint à l’obligation de réserve, à la confidentialité dans le traitement des informations ainsi qu’au secret des délibérations.



6. Solidarité

Chaque ministre s’engage à faire preuve d’esprit de cohésion et de solidarité à l’égard du Premier Ministre, Chef du Gouvernement et de partenariat vis-à-vis de ses collègues de sorte que toute décision ou toute acte du Gouvernement soit régi par le principe de collégialité et engage chaque membre dans sa mise en œuvre.



7. Transparence

Chaque membre du Gouvernement s’engage à utiliser et justifier, en toute transparence, avec efficacité et compétence les ressources mises à sa disposition pour le bien public, en garantissant qu’elles sont accessibles. Dans cette perspective, tous les ministres doivent rendre compte de leur gestion et des actions de leurs départements respectifs. Par ailleurs, ils sont tenus de porter à la connaissance des usagers l’organisation des concours, l’existence de postes vacants au sein des administrations, de rappeler ou d’indiquer les conditions ou les critères d’accès aux différents emplois publics permanents ou non permanents.



8. Compétence et performance

Eu égard aux hautes responsabilités qui sont les siennes, chaque membre du Gouvernement doit agir avec compétence, diligence et perspicacité. Il doit fonder le recrutement et la promotion des collaborateurs exclusivement sur les critères objectifs de la compétence, du mérite et de probité morale. De même, les Ministres sont tenus de favoriser le développement du travail en équipe qui permettra de capitaliser les connaissances et les compétences visant l’excellence professionnelle et la solidarité collective.

Les membres du Gouvernement sont tenus d’une obligation de résultats. Dans cette optique, un agenda gouvernemental, comportant les résultats attendus et un échéancier sera élaboré pour chaque département ministériel. Du fait de cette contrainte, les Ministres doivent d’une part marquer leur passage au Gouvernement par des actions concrètes et d’autre part, aller autant que nécessaire sur le terrain afin d’avoir une lisibilité objective de la situation du pays. Leur performance sera mesurée, chaque trimestre, par leur aptitude à atteindre ces résultats.


9. Loyauté et fidélité



Tout membre du Gouvernement doit en toute circonstance, fidélité et loyauté au Président de la République, Chef de l’État »


Pourtant, depuis la signature de ces engagements censés imprimer la marque de la nouvelle gouvernance et irriguer l’ensemble du corps social, le président de la République s’est plaint plus d’une fois de l’atonie de son gouvernement sans pour autant que des rectifications visibles ne soient envisagées. On en veut pour preuve cet aveu d’impuissance du premier ministre face aux entreprises impliquées dans les chantiers du cinquantenaire, au terme d’une réunion avec les dirigeants de celles-ci le 22 juillet 2010. «Nous circulons tous les jours dans les rues de Libreville, vous aussi d’ailleurs. Nous entendons ce que les Gabonais disent au regard de la manière dont les travaux que vos sociétés respectives exécutent, avancent. L’opinion émet de forts doutes sur la capacité réelle de vos entreprises à tenir les délais tout en respectant les règles de l’art. Nous constatons qu’il y a d’énormes retards et que dans certains cas, les travaux ne sont pas faits conformément au cahier de charges. Nous sommes réellement dans le doute».

Doit-t-on désespérer de voir le Gabon tourner véritablement le dos aux scories de l’ancien régime ? Ali Bongo n’en doute pas, même s’il reste réservé sur la nature de la rupture. Il inscrit lui son action dans la droite ligne de la politique de redressement née du discours du 1er décembre 2007 de son prédécesseur à la tête du pays.

«J’ai déjà indiqué que le terme de rupture était un terme qui était inapproprié dans la mesure où les décisions que j’ai eu à prendre étaient des choses auxquelles le président Bongo pensait déjà. Je vous rappelle son discours célébrant ces 40 ans de pouvoir. Dans ce discours il avait dressé un inventaire de tout ce qui allait et tout ce qui n’allait pas, il a donc fait lui ce devoir d’inventaire. Donc moi je l’applique parce que lui, il n’en a eu ni le temps, ni la santé», argumente le chef de l’Etat.

«Dans ce sens, ce n’est pas une rupture, c’est quelque chose qui était programmé. Nous nous sommes d’abord engagés vers une meilleure gouvernance et donc c’était réduire les dépenses. Là nous sommes en train d’adopter un budget qui va faire en sorte que nous aurons un outil pour aussi remettre le pays au travail, car nous voulons absolument consacrer tous nos efforts à améliorer le sort des Gabonais». Poursuit-il. Or, ce qui a le plus fait défaut à la gouvernance de l’ancien régime ce n’est ni le temps, ni la santé du président mais la qualité de la gestion de contrôle et de la sanction.

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