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Société / Être belle à moindre coût, à Libreville

(REPORTAGE)
Jadis haut lieu de vente de « fripes » et autres « moutouki », vêtements souvent de seconde main, le marché de Mont-Bouët, dans le 3ème arrondissement de Libreville, par la pléthore de produits cosmétiques qu’il propose désormais à moindre coût, contribue à embellir la gent féminine locale au point de faire mentir le célèbre adage : « la beauté à un prix ». Reportage.

PLUS BELLES QU’AVANT

Teint hâlé, extensions capillaires multicolores, raides ou bouclées, sourcils rehaussés de noir, couche de brillance sur des lèvres souvent pulpeuses, motifs « psychédéliques » ornant le bout de faux ongles, bref, autant d’éléments qui figurent dans le « kit » de la « parfaite Librevilloise » et pour le bonheur des hommes.

« Les femmes, maintenant, sont plus belles. Même si tu es un homme marié, quand tu vois ça, tu es déjà séduit », commente, avec humour, un quinquagénaire.

« Quand une femme est belle, c’est un art », remarque, à son tour, un jeune célibataire.

Il y a peu, pour s’offrir diverses toilettes, nombre d’entre elles n’hésitaient à casser leurs tirelires – ou celles de ces messieurs, très attachés au « look » de leur moitié.

Aujourd’hui, force est de constater, du quartier neuf étages (centre- ville), aux abords du quartier Nzeng- Ayong (6ème arrondissement), que la donne, et les apparences physiques de ces dames, ont bien changé.

Pour s’en rendre compte, une visite, aux premières heures de la journée, de préférence au marché Mont-Bouët, suffit à convaincre les plus sceptiques.

Sous un soleil de plomb, le plus grand centre commercial à ciel ouvert de la capitale reçoit une vague déferlante de femmes, tout âge confondu et de toutes origines sociales. A l’apparence sophistiquée, ou au charme plus subtil, elles prennent d’assaut les multiples stands consacrés aux cosmétiques et autres accessoires de beauté.

Non sans une certaine volupté, installées derrière leurs étales de bois, les vendeuses, en majorité originaires d’Afrique de l’Ouest (Bénin et Togo), ne rechignent pas à renseigner, conseiller, et si besoin est, appâter bruyamment la clientèle.

« Ma copine, tissage? », « Tantine ! Viens voir ici », autant d’invitations à l’achat qui rythment le passage de prospects potentiels.

ACCESSIBILITÉ DES PRIX

Bien souvent pourtant, ce ne sont pas tant les gesticulations et égosillements des commerçantes qui suscitent l’intérêt de la clientèle, mais plutôt l’accessibilité des prix proposés.

Dans les interstices de Mont-Bouêt, exposés sous d’immenses parasols, recouverts de nappes en plastique qui les « protègent du soleil et de la pluie », les crèmes de beauté, lotions, tissages, rouges à lèvres, ou déodorants, s’observent à perte de vue, presqu’aussi loin que peut porter le regard de ces mères, demoiselles…

Ici, les « aficionados » de la beauté au féminin, des plus nantis aux bourses les plus humbles, semblent y trouver le meilleur rapport qualité/prix.

Pour illustration, en déboursant la modeste somme de 100 FCFA, l’une ou l’autre « fashion-addict » (accroc à la mode), peut acquérir, en entrée de gamme, un crayon de beauté.

En outre, quelques sous de plus (500 FCFA) suffisent pour s’attacher les vertus d’un lait éclaircissant, ou d’un déodorant ; Idem pour les diverses déclinaisons du vernis à ongle (200 FCFA), mèches et extensions capillaires (600 FCFA), et presque autant (500FCFA) pour les Gloss (brillants à lèvres).

« J’ai l’habitude de venir m’approvisionner en produits cosmétiques au marché et je trouve qu’ici les prix sont accessibles à ma poche », relève Henri-Nadia, jeune étudiante en information et communication des entreprises.

« Ce sont les mêmes produits qui sont vendus un peu plus chers dans les grandes surfaces, du coup, je préfère les acheter au marché pour économiser un peu », confie, une autre fidèle de Mont-Bouët, la trentaine avancée.

En raison de la « crise économique qui est venue changer les choses » de moins en moins de femmes sont enclines à passer devant les caisses des grands magasins, contrairement à celles des marchés, « où il est toujours possible de négocier », parfois plus qu’il n’en faut.

FAIBLES COUTS DE PRODUCTION

Cette tendance à la baisse des prix s’expliquerait par le faible coût de production de ces marchandises. « Il faut quand même reconnaître qu’ils ne sont pas tous fabriqués de la même manière », a précisé un grossiste d’origine sénégalaise. Mieux, ils proviendraient même de plusieurs points géographiques.

S’il est vrai, qu’il y a encore quelques années, l’Asie, et précisément la Chine possédait le « monopole » en matière de production et d’exportation de cosmétiques vers l’Afrique, à des prix défiant toute concurrence, force est de constater qu’aujourd’hui, la donne a, elle aussi, bien changé.

Certains pays de la sous région d’Afrique centrale, et d’Afrique de l’ouest, se mettent désormais à l’ouvrage, nous a-t-on confié. Et dans ce secteur, le Cameroun voisin, le Bénin, la Côte-d’Ivoire, mais aussi le Nigéria tiennent le pavé haut.

Et les étiquettes font lever les derniers doutes. « Fabriqué au Cameroun, Zone CEMAC », peut-on lire sur une vignette apposée sous un pot de crème corporelle, plébiscité par les Librevilloises. Made in Nigeria, observe-t-on, sur un autre. Un contexte qui, in fine, permettrait aux grossistes de la place de proposer des produits à moindre coût.

« Je n’ai donc pas besoin de gonfler les prix et je peux me permettre de revendre à des prix qui sont bons pour tout le monde », relève une autre détaillante ouest-africaine.

« Quelle que soit la provenance de ces crèmes et autres crayons, ils sont
bienvenus parce qu’ils aident les femmes à s’arranger », commente une Librevillioise d’un âge avancé.

« GROGNE DANS LES GRANDES SURFACES »

Toutefois, si des femmes de la première ville du pays tendent à préférer pour leur beauté les articles vendus « debout-debout », à la sauvette, les gérants de magasins spécialisés affichent, pour leur part, leur embarras sur fond de mise en garde.

Selon Nadia, magasinière établie dans le 3ème arrondissement, « si les vendeurs des marchés pratiquent des prix bas, c’est que contrairement à nous ; ils ne sont pas soucieux de la qualité des produits qu’ils commercialisent et n’ont pas autant de contraintes dans l’approvisionnement et les charges relatives à notre activité ».

Elle trouve la justification des prix, plus élevés en magasin, (du simple au double en comparaison de Mont-Bouët) par l’importation des cosmétiques directement des États-Unis et d’Europe.

Les maisons de cosmétiques avec qui ces enseignes traitent, conformément à leur statut de représentants de marques et distributeurs agréés au Gabon, posséderaient des coûts de fabrication « onéreux », auxquels s’ajoutent les taxes douanières, le loyer et les charges. Toutes choses qui déterminent la fixation des prix des articles proposés aux prospects.

UNE VÉRITABLE SOURCE DE REVENUS FINANCIERS

Alors que les grandes surfaces peinent à attirer une clientèle de plus en plus rare, les commerçantes de Mont-Bouët, elles, se « frottent les mains ».

« On ne peut pas vendre pour perdre. Si nous sommes là tous les jours, c’est que quelque part, on gagne quelque chose », relève, à demi-mot, Vanessa, vendeuse proposant des solutions pour des soins corporels, qui rejoint ainsi le sentiment de nombre de personnes impliquées dans « l’industrie des cosmétiques » dans les dédales du marché.

Des grossistes, en haut de tableau, en passant par les vendeurs et revendeurs, chacun avoue trouver son compte dans ce véritable « business » de la beauté féminine, qui loin de s’arrêter à la vente de biens, alimentent même un marché des services.

Ainsi, Marly, esthéticienne d’origine étrangère, spécialiste de la pédicure et de la manucure gagnerait bien sa vie avec les soins qu’elle propose aux clientes. S’approvisionnant directement auprès des grossistes, elle a confié achever ses journées avec en moyenne 10. 000 francs CFA.

S’il apparait que forte des nouvelles pratiques commerciales, la femme gabonaise en général et Librevilloise en particulier, profite des avantages esthétiques et sociaux qu’offrent le secteur des cosmétiques, on ne peut que déplorer le désintérêt qu’elle éprouve à s’y investir en tant qu’opératrice économique.

Bien que principale consommatrice de ces produits, elle ne s’illustre guère, pour l’heure, dans cette filière où s’activent, en majorité, des expatriées.

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