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Gabon : L’introduction de la biométrie peut se faire en 45 jours affirme François Ondo Edou

Pour l’opposition dans sa grande majorité, la biométrie est une des conditions essentielles pour garantir un minima de transparence du processus électoral. Elle peut-être à l’ordre du jour pour le scrutin de 2011. Une exigence approuvée par le pouvoir mais dont l’application est renvoyée pour le long terme. Le gouvernement évoque « le coût exorbitant » de l’opération et certaines voix de la majorité républicaine opposent « l’impossibilité du vote électronique », suggérant ainsi un lien entre biométrie et vote électronique. Interviewé par l’hebdomadaire NKu Le Messager, François Ondo Edou, directeur général des élections au ministère de l’Intérieur de 2006 à 2007 qui a suivi de près ce dossier, apporte une dose de clarté sur cette question qui divise pouvoir et opposition. Selon ce dernier, pour un collège électoral d’environ 500.000 personnes, les inscriptions sur une base biométrique peuvent se faire en deux mois au maximum et pour un coût global de 6 milliards de FCFA.

La question de la biométrie est au centre du débat politique national aujourd’hui. Ancien directeur général des élections, vous avez longtemps travaillé sur ce dossier, qu’entendez-vous par la biométrie ?

La biométrie est une technique visant à établir l’identité d’un individu par un procédé de reconnaissance d’une ou plusieurs de ses caractéristiques personnelles qui sont uniques à chacun d’entre nous : ADN, empreintes digitales, voix, rétine de l’œil, sang, photo, écriture etc. Ces caractéristiques personnelles sont aussi infalsifiables, c’est-à-dire qu’on ne peut pas tricher avec ça. Contrairement à une idée que certains tentent de véhiculer, la biométrie ne crée pas l’identité d’une personne, elle la sécurise. Ainsi, grâce à cette technique, on est sûr que la personne qui s’identifie est bien celle prétendue être. Nous comprenons aisément pourquoi ce procédé a été utilisé tout dernièrement dans l’opération de recensement des agents de l’Etat. La même technique utilisée dans l’élaboration du fichier électoral permet de résoudre, une fois pour toutes, le sempiternel problème des inscriptions et votes multiples.

En votre qualité de directeur général des élections, vous avez pris part, comme expert, à la concertation politique majorité/opposition de 2006. Cette rencontre a permis des avancées sur la voie de la transparence électorale que l’opposition réclame depuis 1990. Est-on parvenu à un accord sur la question de la biométrie au cours de cette rencontre ?

Je voudrais très sincèrement saluer le professionnalisme dont vous faites montre en venant aussi collecter l’autre information ; l’information différente de celle que distillent les canaux officiels. L’information officielle, vous le savez, a ceci de particulier qu’elle est souvent orientée parce que visant un objectif politique déterminé quand elle n’est pas tout simplement tronquée. La démocratie s’abreuve à la source du débat contradictoire qui constitue en quelque sorte son levain. C’est lui qui permet d’éclairer les points d’ombre volontairement laissés obscurs par certains hommes politiques au gré de leurs intérêts partisans, points qui sont pourtant porteurs de vérités. Ils ont toujours tendance à étouffer leurs contradicteurs, ce qui leur permet de préparer et de servir aux citoyens un cocktail de contre vérités et de vérités, le tout donnant l’impression de vrai. Ce n’est plus l’information, c’est l’intox.

Pour revenir à votre question, on peut noter avec regret que ceux du camp de la majorité ayant pris part à ces négociations, ceux qui savent ce qui s’est dit et ce qui s’est fait au cours de cette rencontre historique n’interviennent pas dans ce débat. Ceux qui le font aujourd’hui donnent plutôt l’impression de ne pas trop savoir ce dont il s’agit. Certains vont même jusqu’à confondre biométrie et vote électronique. C’est lamentable ! En effet, c’est à l’issue de la concertation de la classe politique nationale, demandée par l’opposition en mai 2006 et acceptée par feu président Omar Bongo Ondimba, que le principe de l’introduction de la biométrie pour la confection du fichier électoral avait été retenu. Les débats étaient assez vifs et longs, mais au bout du compte on est parvenu à un accord. Omar Bongo, arbitre du jeu, voulait, avant l’extension du procédé à l’ensemble du pays, qu’une étude appropriée fut faite et que l’expérimentation de la biométrie commençât dans la commune de Libreville à l’occasion des législatives de 2006. Cette décision se heurta malheureusement au refus de la Cour Constitutionnelle qui, s’appuyant sur le principe de l’égalité des citoyens face au vote, estimait qu’il ne pouvait y avoir deux types de gestion du fichier électoral intégrant deux cartes électorales différentes. L’une contenant des informations de type biométrique et l’autre n’en disposant pas.

En juillet 2007, réunis à nouveau autour de l’ancien chef de l’Etat, les mêmes acteurs politiques gabonais confirmaient l’adoption de la biométrie pour son application à l’ensemble du territoire national aux élections locales de 2008. S’il y a aujourd’hui dans l’un des deux camps des personnalités qui ne le reconnaissent plus, c’est qu’il y a un réel problème d’éthique chez nos hommes politiques. Quand on donne sa parole et quelle que soit la situation particulière qui peut intervenir, on la tient. On assume. Cela relève non seulement de l’honnêteté intellectuelle mais de l’éthique et des bonnes mœurs politiques.

Vous affirmez que le président Omar Bongo avait exigé qu’une étude appropriée soit faite sur la biométrie. Quelle suite le ministère de l’intérieur a- t-il réservée à la décision du président ?

Quelle autre suite le ministre de l’intérieur et les hauts fonctionnaires pouvaient-ils réserver à cet ordre ? Nous avons exécuté les instructions du chef de l’Etat en mettant en place très rapidement une commission quadripartite, comprenant des experts de la majorité, de l’opposition, de la Cenap et du ministère de l’intérieur. Cette commission a travaillé sur la question pour définir en détails les modalités de mise en œuvre de la biométrie dans la confection de la liste électorale. Parallèlement, le ministère de l’Intérieur a entrepris un certain nombre d’actions : c’est ainsi que sur le plan technique, divers prestataires compétents dans le domaine de la biométrie ont été consultés afin d’appréhender les contours pour la mise en œuvre d’un nouveau fichier électoral et la production de cartes d’électeurs numérisées avec photo.

Ce travail technique a abouti à des conclusions qui ont fait l’objet d’un rapport remis à l’ensemble des parties. Il ressort de ce rapport que pour un collège électoral d’environ 500.000 personnes, les inscriptions sur une base biométrique peuvent se faire en un temps réduit, deux mois au maximum. Pour ce qui est du coût du projet, je précise que les consultations qui avaient été lancées en 2007 avaient retenu des propositions se chiffrant à environ 6 milliards de francs CFA et non sur 16 ou 20 milliards comme l’a affirmé le Ministre de l’Intérieur dans son interview au journal l’Union. Sur cette question de la biométrie, contrairement à ce qu’affirme Jean François Ndongou, le dossier est bien ficelé. Certains de ses collaborateurs encore en poste au ministère de l’intérieur l’ont suivi de près. Ils connaissent ses contours. Un séminaire de formation des agents enrôleurs a même été organisé courant septembre 2007, ceci pour vous dire qu’un travail sérieux a été fait.

Les adversaires du projet d’introduction de la biométrie dans l’élaboration du fichier électoral avancent que cette opération n’est pas réalisable parce qu’il n’y a pas de courant électrique dans tous les coins du Gabon.

De deux choses l’une. Ou bien ceux qui parlent de cette question aujourd’hui n’ont aucune connaissance du dossier, ce qui est possible. Ou alors ils confondent volontairement la biométrie qui est une technique visant à sécuriser l’identité de l’électeur et le vote électronique qui, lui, fait appel à des machines qui fonctionnent avec le courant électrique. Il ne faut pas mélanger les serviettes et les torchons.

Tous les développements faits par divers acteurs de la majorité sur cette question, ainsi que les arguments utilisés pour tenter de démontrer que l’introduction des données biométriques dans l’élaboration du fichier électoral n’est pas possible, intègrent plutôt les aspects du vote électronique, ce qui n’est ni la revendication de l’opposition, ni l’objet du débat. Nous sommes ici devant un cas flagrant d’intox. Il faut arrêter d’assener des contre vérités ! En vérité, l’étude réalisée par des experts nationaux et expatriés a envisagé tous les cas de figure pour permettre l’inscription des citoyens quels que soient leurs lieux de résidence. Deux types de stations d’enrôlement ont été prévus : 70 stations fixes collecte installées dans les grandes villes et chefs lieux de départements et 50 stations mobiles utilisant chacune un ordinateur portable muni de deux batteries de réserve pour une plus grande autonomie. Mieux, la durée de l’opération a fait l’objet d’une estimation : 45 jours environ.

La biométrie n’intervient qu’en amont du processus électoral, c’est-à-dire au moment de la collecte des caractéristiques personnelles et lors du traitement des données. Ces opérations s’effectuent des semaines, voire des mois avant les élections. Le jour du scrutin, en dehors de la liste électorale sur laquelle figure la photo de l’électeur en face de son nom et la carte d’électeur biométrique, on assiste à un vote classique : des bulletins des candidats, des enveloppes accolées, un isoloir, une urne transparente, de l’encre indélébile. Le dépouillement et le comptage manuel des bulletins se font à partir de dix huit heures suivis de la proclamation des résultats en présence des électeurs et la signature des procès-verbaux. A quel moment intervient le courant électrique dont parlent ceux qui n’ont manifestement aucune connaissance du dossier ?

Le ministre de l’intérieur affirme par ailleurs que le fichier d’état civil est encore défectueux, ce qui expliquerait la réticence du gouvernement à accéder à l’exigence de l’opposition.

Quel rapport ? Vous a-t-il donné une date précise à partir de laquelle il aura corrigé les défaillances constatées ? Sans doute dans…dix huit ans. Sur quel fichier d’état civil s’appuie-t-il pour établir les passeports biométriques, les cartes nationales d’identité ? De quel fichier sont issus les actes de naissance qui lui permettent de procéder à l’opération de révision de la liste électorale actuellement en cours ? Non, soyons sérieux ! Comme on peut le constater, le pouvoir utilise des arguments spécieux, j’allais dire des arguties, pour justifier son refus de voir organiser des élections libres et transparentes. En Côte d’Ivoire, pays qui compte 5.700.000 électeurs, une opération similaire a été réalisée en très peu de temps. Le Gabon peut faire la même chose. C’est un manque de volonté politique qui cache mal l’intention persistante du PDG et ses dirigeants de confisquer le pouvoir. Qu’ils le disent clairement !

Publié le 04-12-2010 Source : NKU Le Messager Auteur : Gaboneco

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