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Mini Forum de la Diaspora Gabonaise: « Pour que la démocratie arrive au Gabon, la peur doit changer de camp » (BDP /Coalition)

Ci-dessous, le texte intégral du discours de communication conjointe « Bongo Doit Partir » – Coalition Gabonaise Pour le Salut National et le Refus de l’Arbitraire lu lors du mini forum de la diaspora gabonaise du samedi 11 décembre 2010.


DU SAMEDI 11 DECEMBRE 2010

Mesdames et messieurs,

Chers compatriotes,

Je m’adresse ici à vous  pour le compte du BDP et de la Coalition Gabonaise Pour le Salut National et le Refus de l’Arbitraire.

Nous avons, en tant que BDP et Coalition Gabonaise Pour le Salut National et le Refus de l’Arbitraire, été invités à prendre part à cette manifestation hautement positive et salutaire, non pas dans le cadre d’un collectif de Gabonais de la diaspora, mais bel et bien dans un esprit patriotique par lequel, face au silence parfois complice des uns et des autres, il était important qu’un certain nombre de choses soient dites en vue d’orienter un peu mieux la conversation nationale, surtout dans un contexte où le discours politique national a été confisqué par une clique d’hommes et de femmes s’activant, depuis 43 ans, à faire du Gabon le patrimoine privé d’une seule famille.

Nous avons été invités, en tant que BDP et Coalition Gabonaise Pour le Salut National et le Refus de l’Arbitraire, à faire le point sur la situation politique du pays. Soit.

Mais vous conviendrez avec moi que cette tâche n’est pas aisée. Dans la mesure où tout jugement politique se base sur la gestion du patrimoine commun au sein de la cité, et dans la mesure où gérer ces biens détermine le plus souvent l’avenir de toute une nation, comment parler de politique sans parler de la gestion catastrophique que les Bongo ont faite du Gabon au cours des 43 dernières années ?

Comment parler de politique sans parler de ce petit pays d’un petit million d’habitants, chasse gardée par excellence de la Françafrique depuis De Gaulle et Foccart ?

Comment parler de politique sans toucher à ce qui fait que le Gabon, malgré la force de ses immenses recettes financières provenant à plus de 85% des industries extractives, sans oublier les industries du bois, demeure encore aujourd’hui dans un état de sous-développement lamentable et la population gabonaise compte parmi les plus déshéritées de la planète ?

Je ne reviendrai donc pas longuement sur la litanie habituelle, que les Gabonais connaissent et subissent tous depuis 43 ans de dynastie bongoïste au Gabon, c’est-à-dire ce qui fait que chez nous, malgré d’immenses richesses, la précarité se soit généralisée, la pauvreté se soit accentué et la dictature proposée comme seul outil de développement, non pas du pays, mais des villas et des comptes en France, aux Etats-Unis, et ailleurs, d’une certaine famille.

21% de chômage, une corruption généralisée qui continue à nous classer au 110ème rang des pays les plus corrompus au monde, une incompétence notoire à trouver des solutions simples aux problèmes simples du Gabon,  les assassinats directs et indirects de Gabonais, un enfant sur cinq qui meurt avant son cinquième anniversaire, des infrastructures routières, hospitalières et scolaires inexistantes, et enfin, la confiscation des libertés qui ont fait dire au département d’état américain que les citoyens Gabonais sont incapables de changer démocratiquement leurs dirigeants. Mon Dieu, comment a-t-on pu en arriver là avec le Gabon riche que nous connaissons tous ?

Ne cherchez pas. La réponse se résume en deux seuls mots : les Bongos. Et la solution, me demanderez-vous ? Elle se résume en trois mots : les Bongo doivent partir.

Au sortir de l’époque coloniale, le Gabon a connu une courte expérience multipartite entre 1960 et 1967. Mais, après la mort de son premier Président, Léon Mba, la Françafrique a vite fait de placer à la tête de la République gabonaise son meilleur agent du moment, à savoir : le tristement célèbre Omar Bongo. C’est lui qui se chargera ensuite, sur les conseils du sinistre Jacques Foccart et de leurs amis forestiers, de mettre brutalement fin au multipartisme pour instaurer le monopartisme. C’est ainsi que débutera au Gabon le long règne du parti unique sous la férule du PDG (le Parti Démocratique Gabonais), dont la naissance officielle remonte au 12 mars 1967. De 1967 à 1990, le PDG, qui n’est en réalité « démocratique » que de nom, s’est imposé au Gabon comme le seul parti politique. C’était le parti-Etat qui ne pouvait, par conséquent, accepter aucune contradiction au sujet de la gestion des affaires publiques. Toute la logique de ce parti-Etat reposait essentiellement sur l’influence personnelle de son chef suprême. La personnalisation outrancière de l’appareil étatique, par le truchement du PDG, a engendré des dérives autoritaires comme dans d’autres pays d’Afrique subsaharienne. Cette position exclusive faisait finalement d’Omar Bongo un dieu incarné au Gabon.

Les conséquences de cette situation, nous continuons à les subir sous le fils après la mort du père : confiscation des libertés politiques, confiscation du discours politique, confiscation des opportunités économiques, tribalisation de la gestion du patrimoine national, et ce depuis 43 ans.

N’en déplaise à notre frère André Mba Obame, le Gabon n’était pas une démocratie jusqu’à la mort de Bongo. Le dire, c’est justement vouloir détourner le débat national qui s’impose vers de faux semblants et contribuer à la confiscation, à la falsification du discours politique au Gabon. Sous Omar Bongo, le Gabon était une dictature. Sous Ali Bongo, le Gabon continue à être une dictature. Rien n’a changé. Il y a continuité dynastique tant au niveau de l’idéologie dictatoriale qu’au niveau de la confiscation du pouvoir politique par une seule famille.

Il faut donc simplifier le discours et non le compliquer.

Hier, Omar Bongo s’était cousu, avec l’aide de Mba Obame, une constitution sur mesure lui garantissant le pouvoir à vie. Ali Bongo, par la suite, a utilisé cette constitution chiffon pour se hisser au pouvoir, et aujourd’hui, dans un bel élan de continuité, Ali Bongo a entrepris des modifications constitutionnelles visant non seulement à exclure la diaspora gabonaise du débat politique en inventant des prétextes sur la nationalité des uns et des subterfuges sur les professions des autres, mais aussi à museler une bonne fois pour toutes les Gabonais en se donnant les pleins pouvoirs qui lui permettrait, selon ses humeurs, de suspendre la constitution.

Voilà donc à quoi se résume le débat politique national aujourd’hui :

1)      Il y a, d’une part, un pouvoir dynastique dont la dictature se renforce par la confiscation de la destinée nationale. Omar Bongo avait confisqué le pouvoir, tandis qu’Ali Bongo lui, utilise les bases laissées par son père pour confisquer la destinée nationale.

2)      Il y a, de l’autre, une opposition complice qui, depuis la présidentielle de 2009, a pratiquement offert le pouvoir à Ali Bongo, se distinguant plus par ses incohérences que par l’idée d’une prise de pouvoir réelle. Entre grèves de la fin à Medouneu, promesses de défenses d’un vote jamais défendu, rencontres incongrues avec celui qu’on dit a volé l’élection, les incohérences sont si flagrantes qu’elles sautent aux yeux.

Et quand on ajoute à cela le fait qu’une élection à peine perdue, cette même opposition s’apprête à aller à une autre alors même que les conditions qui ont mené à la perte des élections présidentielles restent les mêmes, on a pratiquement envie de s’arracher les cheveux.

Prenons donc, pour ne pas être trop long, un certain nombre d’idées phares pour orienter rapidement notre propos.

Parlons d’abord du projet de révision constitutionnelle en cours au Gabon actuellement.

Comme vous le savez tous, l’actualité politique au Gabon est particulièrement marquée par la présentation officielle du projet de révision constitutionnelle initié par le pouvoir exécutif. Nous estimons que ce projet qui porte sur 36 articles, n’est pas de nature à faire progresser le processus démocratique gabonais dans le bon sens. Il s’agit, en effet, d’une énième initiative gouvernementale qui vise notamment à renforcer la dictature du pouvoir PDG-Bongo au détriment du peuple gabonais. Avec une Constitution ainsi révisée, le Gabon court assurément le risque de consacrer le principe de l’hyper-présidence qui concentre tous les pouvoirs entre les mains d’un nouveau despote soi-disant « éclairé », mais dont l’ADN politique demeure monolithique. Ainsi, le rôle du Parlement gabonais ne se limitera plus qu’à une portion congrue. Il perdra, par exemple, le contrôle sur le pouvoir exécutif dans toute situation exceptionnelle de conflit interne et externe. Que ce soit en cas de guerre civile ou d’une guerre contre un autre Etat, les représentants du peuple gabonais n’auront rien à dire sur les décisions du Président de la République et de son Gouvernement. Très concrètement, toutes les mesures seront prises par ordonnances sans que le Parlement ne soit invité à délibérer. C’est plutôt une conception rétrograde, et très grave, du fonctionnement moderne digne d’un Etat démocratique ! En conséquence, le pouvoir législatif et le pouvoir judiciaire se retrouvent, de par ces dispositions, complètement noyés dans le pouvoir exécutif, assurant ainsi la fin de toute séparation des pouvoirs.

Autrement dit, le deuxième problème majeur que pose ce projet de révision concerne la mise sous tutelle du pouvoir judiciaire : le Président de la République ne peut en aucun cas prétendre être le « garant de l’indépendance de la justice ». Si tel est le cas, il faut se demander par rapport à quoi, ou à qui. La justice doit en réalité se sentir indépendante. Imaginons un seul instant que la justice gabonaise décide de mener une enquête sur les Biens Mal Acquis, une affaire dans laquelle se trouve impliqué Ali Bongo (actuel Président illégitime de la République gabonaise), comment pourrait-il lui-même garantir l’indépendance du pouvoir judiciaire censé organiser des perquisitions sérieuses à son domicile privé ainsi qu’à la Présidence même ? Autre chose, comment le Président de la République peut-il garantir l’indépendance de la justice dans des affaires touchant les membres de son entourage familial, amical ou gouvernemental en cas de soupçon avéré en matière d’enrichissement illicite ou bien de meurtre ? Quand un Président de la République exerce une mainmise sur les juges d’instruction et toutes les autres juridictions, nous nous situons dans une dictature absolue et non plus dans un Etat de droit. C’est donc une évolution dangereuse, que chaque gabonais doit combattre avec toute la vigueur qui s’impose.

Enfin, nous ne saurions aborder l’actuel projet de révision constitutionnelle sans revenir sur l’injustice fondamentale faite aux Gabonais de la Diaspora. En son article 10, cette nouvelle version de la Constitution voudrait davantage verrouiller le système électoral en refusant toute participation en tant que candidat aux Gabonais de la Diaspora. Il leur est demandé de résider pendant une durée de 12 mois sur le territoire national, puis de ne pas avoir bénéficié d’une autre nationalité ayant favorisé l’exercice à l’étranger de quelque fonction politique ou même administrative. Voilà comment les bongoïstes, du point de vue de la moralité politique et du sens démocratique, se permettent de tenter de priver de leur droit naturel des personnes qui ont eu la nationalité gabonaise dès leur naissance et qui, de surcroît, n’y ont jamais renoncé. C’est une atteinte très grave au droit des Gabonais de la Diaspora. Ces derniers sont considérés comme des parias. Pour le pouvoir illégitime actuellement institué au Gabon, le Gabonais de la Diaspora est devenu une créature à abattre. Le seul rôle qui lui est réservé consiste à mettre un bulletin qui ne compte jamais dans une urne gardée dans la cuisine de l’ambassadeur ou à aller faire la queue pour 200 euros tous les 7 ans.

Nous (c’est-à-dire, le BDP et la Coalition Gabonaise Pour le Salut National et le Refus de l’Arbitraire) considérons que toute révision ou modification de la Constitution gabonaise doit au préalable s’appuyer sur un principe clair et consensuel, à savoir : instaurer au Gabon tous les paramètres d’une véritable démocratie dans laquelle les citoyens gabonais résidant aussi bien sur le territoire national qu’en dehors de celui-ci se sentent impliqués. Cela signifie donc que toutes les structures représentatives des Gabonais (associations, mouvements, partis politiques, etc.) doivent être invitées à soumettre leurs propositions autour des points d’achoppement suivants :

1)      1/ la question de la vacance du pouvoir présidentiel ;

2)      2/ l’éligibilité et la nationalité des candidats ;

3)      3/ la limitation du nombre de mandats présidentiels ;

4)      4/ la durée du mandat présidentiel ;

5)      5/ le fichier électoral ;

6)      6/ le code électoral ;

7)      7 / l’accès équitable, des Gabonais de toute sensibilité politique, aux médias d’Etat.                 

8)      8/ l’indépendance de la Justice ;

9)      9/ la séparation des pouvoirs entre l’Exécutif, le Législatif et le Judiciaire ; etc.    

Autrement dit, le Gabon a actuellement besoin d’une conférence nationale pour que résulte de ce débat national le seul vrai consensus qui puisse à la fois pacifier durablement le Gabon et lui permettre un développement optimal.

Au-delà d’un tel processus, il ne restera rien d’autre aux Gabonais que les violences révolutionnaires. Comme l’a souvent répété le Dr. Daniel Mengara, le régime en place ne laisse de choix aux Gabonais qu’entre la résignation à accepter l’inacceptable ou la violence.

La vraie question qui se pose à nous Gabonais est donc la suivante : allons-nous accepter l’inacceptable ou nous conduire en peuple fier et dire que le Gabon ne sera jamais la chasse gardée d’une seule famille ?

Il ne faut s’y tromper, chers amis. Et ceci est l’avertissement du BDP à tous ceux qui ne savent pas ou prétendent de ne pas voir ce qui attend notre pays. Actuellement, il n’y a pas mille choix pour changer le Gabon.

Ceci n’est pas une question de BDP ou pas, mais une équation mathématique bête et simple : le Gabon ne peut changer que par deux voies : la voie la plus facile est qu’Ali Bongo se lève un beau matin, conquis par la grâce divine pour dire aux Gabonais : « Hier, la vierge Marie m’a parlé. Je quitte le pouvoir. Vous n’avez pas besoin de me forcer. Regardez, je donne le pouvoir à Pierre Mamboundou et à André Mba Obame. Au Revoir. Je m’en vais planter les choux à Makongonio. »

Vous conviendrez avec nous que ceci est impossible, à moins qu’on ne vive sur la planète des fous.

L’autre voie, c’est celle de l’insurrection par laquelle les Gabonais s’activeraient, par tous les moyens à leur disposition, à refuser cette prise en otage du Gabon par une seule famille. Ce que cette prise d’otage veut dire c’est que même les enfants des pédégistes qui soutiennent Ali Bongo ne peuvent espérer un jour devenir présidents du Gabon tant  qu’un Bongo est vivant ! Et avec la modification de la constitution actuellement en cours, cette certitude que seuls les Bongo peuvent devenir présidents au Gabon se renforce. C’est tout simplement inacceptable. Nous, au BDP, accepterions qu’un autre pédégiste puisse occuper le pouvoir. Ce serait déjà un petit changement. Mais pas les Bongo. Qui a dit que seuls les Bongo ont le droit de diriger le Gabon ?

L’avertissement du BDP s’exprime aussi à un autre niveau. Nous entendons de plus en plus des fantasmes s’élever ici et là par des rumeurs qui font que, parce que des vidéos circulent par-ci par-là, la France est prête à enlever Bongo du pouvoir, ou qu’un coup d’état est en préparation ou que la France est prête à mettre Mba Obame au pouvoir.

Nous disons, attention : la rumeur n’a jamais défait un régime. Une vidéo sur Internet n’a jamais défait un régime. Le fait que des juges français poursuivent les biens mal acquis ne sont pas ce qui débarrassera le Gabon d’Ali Bongo. N’ayez pas la mémoire courte. E n’est pas la première fois que les médias français s’emballent contre le régime des Bongo. Ce n’est pas la première fois que la justice française s’en prend à un Bongo. Il faut arrêter les fantasmes qui consistent à croire que ce sont les Français qui viendront changer le Gabon pour nous et que tout ce que nous avons à faire c’est dormir sur nos lauriers.

Ce qui changera le Gabon, c’est une action forte des Gabonais disant fortement qu’ils refusent la mainmise des Bongo sur le pays et s’organisant concrètement pour défaire la dictature des Bongo, par leurs propres moyens, et non par l’illusion des vidéos circulant sur Internet dont le but est de nous endormir en nous faisant croire que quelqu’un, à notre place, changera le Gabon.

Même Nicolas Sarkozy l’a dit aux Africains à Dakar en 2007. Vous voulez la démocratie, imposez-là vous-mêmes en la demandant. Ce n’est pas la France qui viendra vous la donner.

Un journaliste français nous l’avait bien dit en 2009. Il nous avait dit que les plaintes, les scandales et tout cela est bien car cela contribue à tourmenter le régime. Mais ce n’est pas cela qui change un régime. Pour ce journaliste, le problème du Gabon est que le pays est trop calme. Un calme complice où pouvoir et opposition s’accordent pour confisquer le débat politique au profit d’intérêts personnels.

Pour nous au Gabon, la solution est simple : pour que le Gabon change, la solution consiste à faire que le Gabon ne soit plus trop calme. Pour que la démocratie arrive au Gabon, la peur doit changer de camp. Tout simplement.

Je vous remercie.

Lu par le Dr. Jean-Aimé Mouketou

Pour le compte de:

  • Dr. Daniel Mengara, Président « Bongo Doit Partir »
  • Monsieur Aymar Ibondzy-Pandzou, Secrétaire Exécutif, Coalition Gabonaise pour le Salut National et le Refus de l’Arbitraire

Mini Forum de la Diaspora Gabonaise
Samedi 11 décembre 2010
Amphithéâtre B1 de l’Université Paris 8 Vincennes-Saint-Denis à Saint Denis
Paris, France.

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