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Gabon : Déclaration de Zacharie Myboto , Président du groupe parlementaire des forces du changement

DECLARATION DE MONSIEUR ZACHARIE MYBOTO, PRESIDENT DU GROUPE PARLEMENTAIRE DES FORCES DU CHANGEMENT
A L’OCCASION DU CONGRES DU PARLEMENT REUNI POUR L’ADOPTION DU PROJET DE REVISION DE LA CONSTITUTION
-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-
Monsieur le Président du Congrès,
Mesdames et Messieurs les membres du Bureau du Congrès,
Monsieur le Premier Ministre, Chef du Gouvernement,
Mesdames et Messieurs les membres du Gouvernement
Mesdames et Messieurs les parlementaires et chers Collègues,
Mesdames et Messieurs,
Chers compatriotes,
La Constitution étant la mère des lois, sa révision est toujours un acte fondateur qui interpelle chacun d’entre nous, Mesdames et Messieurs les parlementaires et chers collègues et le met face à sa responsabilité devant l’histoire de notre pays qu’il contribue à construire.

Nous sommes aujourd’hui à la septième révision de notre loi fondamentale depuis la Conférence nationale en 1990. A la différence des révisions des années 91, 94 et 95 qui avaient fait l’objet d’un consensus au niveau des forces politiques en présence et à l’échelon national, celles opérées en 1997 et 2000 ne l’avaient pas été, encore moins les deux dernières, celle du naufrage de la démocratie en 2003 contre laquelle j’avais voté et la présente, objet de tant de controverses au Parlement et dans l’opinion publique, notamment sur la légitimité contestée et contestable de son initiateur.

Cependant, s’agissant de la loi fondamentale, il nous a paru responsable de donner au peuple gabonais notre position.

Oui, dans les discours de l’Exécutif depuis un peu plus d’un an, il est souvent fait référence à sa volonté de bâtir un Etat de droit reconnu et respecté, un Etat de démocratie et de liberté.
Dans cet esprit, nous attendions un projet de révision constitutionnelle novateur, audacieux et référentiel proposant entre autres :

1. Le retour au scrutin uninominal à deux tours pour l’élection du Président de la République et des députés afin de dégager, en cas de besoin, la majorité absolue qui confère la légitimité réelle à l’élu. La raison budgétaire avancée pour s’y opposer est puérile et ne tient pas devant la volonté de construire un Etat véritablement démocratique, garantissant paix et stabilité.

2. La limitation à deux le nombre de mandats du Président de la République, la charge étant très lourde et épuisante. Les Etats-Unis l’ont compris depuis longtemps ; la France également sans le mettre pour le moment dans la Constitution, d’autres pays africains en font un point d’honneur. Sur ces deux points, le Gabon a connu un recul.

3. La suppression du poste de Vice-Président de la République dans la mesure où l’option du régime semi-présidentiel avec un Premier Ministre sorti de la majorité parlementaire est claire. Autant la présence d’un Vice-Président élu en même temps que le Président de la République (tel le cas du Gabon en 1967 ou des Etats-Unis) est normale dans un régime présidentiel, autant ce poste au Gabon est ornemental car nommé par le Président de la République, le Vice-Président de la République ne joue aucun rôle significatif dans le fonctionnement régulier des Institutions.

S’agissant du texte de révision proposé, il y a des modifications sans objet, tant les textes initiaux, clairs et complets, ont été maintenus. Ce sont les cas :

1. De l’article 2 modifiant le paragraphe 3 du préambule en ajoutant l’expression « non avilissantes » après valeurs traditionnelles, confondant ainsi malencontreusement « pratiques ou agissements » à « valeurs ».

2. De l’article 4 modifiant le paragraphe 15 du titre préliminaire qui supprime le groupe de mots « tous les dix ans » pour l’organisation du recensement général de la population alors que c’est une disposition qui contraint l’Etat à respecter une périodicité de portée internationale.
3. De l’article 9 modifiant l’article 12 qui porte sur la prestation de serment du Président de la République en retirant les groupes de mots «la main gauche posée sur la Constitution, la main droite levée devant le drapeau national ».

La prestation de serment du Président de la République étant un acte d’une importance capitale, comment expliquer le retrait des symboles forts que sont la Constitution et le drapeau national du texte du serment ? Une véritable hérésie.

Pour ces trois articles, les arguments du Pouvoir n’ont pas résisté à la pertinence et à la justesse des développements contraires du Parlement.
L’autre série de modifications proposées porte des dispositions restrictives des libertés. Dans cette optique, les rajouts aux articles suivants sont sans ambages :

• A l’article 5 qui traite des modifications de l’article 3 sur la souveraineté nationale, il est ajouté à l’alinéa 2 le groupe de mots « ni entraver le fonctionnement régulier des institutions de la République » après le libellé initial qui est «aucune section du peuple, aucun groupe, aucun individu ne peut s’attribuer l’exercice de la souveraineté nationale » fin de citation. Ce rajout qui protège a priori les tenants des Institutions y compris dans l’exercice autocratique du pouvoir consacre la volonté de l’Exécutif de régner en maître absolu sans inquiétude aucune.

• L’article 6 crée un alinéa 4 à l’article 4 qui permet de maintenir en fonction en cas de force majeure dûment constaté par la Cour Constitutionnelle saisie par le Gouvernement, le ou les membres de l’institution concernée jusqu’à la proclamation des résultats de l’élection organisée dans les délais fixés par la Cour Constitutionnelle.

En d’autres termes, le Président de la République peut dorénavant proroger la durée des mandats des élus y compris le sien sur la base d’un cas de force majeure constaté par la Cour Constitutionnelle. Quand on sait que même pour une élection légalement programmée, les problèmes de budget ont constitué un cas de force majeure pour justifier son report, on est en droit de s’attendre à toutes sortes de cas de force majeure.

Non, respectons les dispositions constitutionnelles et légales en la matière pour chaque élection, toute autre situation contraire devant faire l’objet d’un consensus préalable de la classe politique comme en 1995 pour la prorogation du mandat des députés, par référendum, jusqu’en 1996.
D’ailleurs cet alinéa qui concerne la durée des mandats n’a pas de place à cet article.

L’article 7 qui porte modification de l’article 10 appelle les deux observations suivantes :

1. L’exigence aux candidats à la présidence de la République de résider au Gabon depuis douze mois au moins est une véritable atteinte à la liberté. En effet un compatriote peut être amené à quitter le Gabon, indépendamment des motifs professionnels ou de maladie parce qu’il y est en insécurité au plan politique. Il revient ensuite au Gabon moins de douze mois avant l’élection, la situation s’étant éclaircie. Pourquoi ne doit-il pas être candidat. C’est une disposition inique, injuste.

2. « Tout candidat bénéficiant d’une autre nationalité au titre de laquelle il a exercé des responsabilités politiques ou administratives dans un autre pays ne peut se porter candidat ». Cette disposition est aussi inique parce qu’elle protège l’autre pan de personnes ayant la double nationalité. En effet a-t-on pensé au dilemme d’un président de la République bénéficiant de la nationalité d’un autre pays et dont ce pays est en conflit ouvert avec le Gabon, nécessitant des mesures impérieuses pour l’intérêt supérieur de la République ? L’interdiction d’être candidat doit aussi concerner ce cas.

La modification de l’article 22 prévue à l‘article 12 soulève un problème de fond avec l’ajout : « à ce titre, les questions de défense et de sécurité relèvent de son autorité directe ». Cette rédaction qui n’est pas loin dans les faits de la mouture initiale qui parlait de « domaine de compétence exclusive » est contraire à l’alinéa 22 de l’article 1er de la Constitution qui dispose que les forces de défense et de sécurité nationales sont au service de l’Etat, contraire aussi aux articles 8 alinéas 3 et 4, 27 et 28 alinéa 2 de la Constitution.

Dans ces trois articles, pour nous résumer, il est clairement établi que dans la conduite de la politique de la nation dont font partie la défense et la sécurité publique, le président de la République a une compétence liée et partagée avec le Premier Ministre et le Gouvernement. En conséquence stipuler spécialement que les questions de défense et de sécurité relèvent de l’autorité directe du Président de la République est une exclusion voilée du Premier Ministre et des Ministres concernés de leur compétence en la matière. C’est la porte ouverte à la dictature et partant à la restriction des libertés.

L’article 16 qui porte sur l’article 35 prévoit que les chambres du Parlement se renouvellent intégralement un mois au moins et six mois au plus avant l’expiration de la législature en cours.
Le renouvellement aura lieu six mois au plus avant le terme du mandat en cours au lieu de deux mois au plus jusqu’ici. Aucune raison valable ne soutient ce délai de six mois.

S’il est avancé l’assurance de l’élection après la clôture du contentieux électoral pendant cette période et la possibilité pour le parlementaire en fin de mandat de se faire une santé financière. Que dire alors du nouvel élu qui va devoir attendre, impatient, pendant six mois ? Est-ce sérieux d’avancer cet argument quand il s’agit d’une question aussi importante qua l’élection des parlementaires ? C’est léger et je n’en dis pas plus.

Cette disposition concerne plus particulièrement l’élection législative de 2011 qui pourrait être programmée à partir du mois de juillet pour, d’une part, justifier le refus du Pouvoir d’établir les listes électorales sur la base des données biométriques, sous le fallacieux prétexte du manque de temps, d’autre part, pour sécuriser le déroulement de la CAN 2012. Modifier la Constitution pour un évènement passager comme la CAN montre le peu d’intérêt accordé à la loi fondamentale. Beaucoup de contrevérités sont dites par le Pouvoir au sujet de la confection des listes électorales sur la base des données biométriques. Pouvez-vous, Monsieur le Premier Ministre, faire organiser une émission radiotélévisée réunissant Majorité, Opposition et Experts à ce sujet.

Il est grand temps qu’on en parle, Monsieur le Premier Ministre. A cette même tribune, vous disiez, il y quelques jours que le Gouvernement n’était pas opposé à la mise en œuvre des données biométriques dans l’établissement des listes électorales, que cela devait se faire par étape et qu’il fallait au moins un délai de deux ans en attendant l’informatisation de l’état-civil.

Que je sache, le Gouvernement délivre des passeports biométriques ordinaires, diplomatiques et de service, a organisé le recensement des agents publics et procède actuellement à l’immatriculation des assurés de la CNAMGS sur toute l’étendue du territoire y compris dans les villages les plus reculés. Dans toutes ces opérations, il est exigé les pièces d’état civil, il est fait usage de la biométrie en prenant des photos numérisées et en relevant les empreintes digitales.

Alors, Monsieur le Premier Ministre, quelle valeur accordez-vous, votre Gouvernement et vous-même, à ces trois opérations ?

L’établissement des listes électorales biométriques exigeant les mêmes pièces d’état civil et les mêmes procédures dans la prise des photos numérisées et des empreintes digitales, comment justifiez-vous votre décision de subordonner l’établissement des listes électorales à l’informatisation du fichier d’état civil ? Ressaisissez-vous, Monsieur le Premier Ministre.

Article 31 : L’article 31 qui concerne l’article 84 alinéa 1 stipule, entre autres, la Cour Constitutionnelle statue sur le recensement général de la population.
L’organisation du recensement général de la population est un travail technique fait par des organes de coordination et d’exécution placés sous la responsabilité du Ministère de l’Economie. Ces organes sont :

– la Commission Nationale du recensement,
– le Comité technique,
– la Direction Nationale,
– le Bureau central (ordonnance n° 1/92 du 11 février 1992.
En 2003, les résultats du recensement ont connu une situation difficile.
1 269 732 habitants pour le ministère concerné arrondi à 1 300 000 habitants avec l’accord du PNUD et du FNUAP.

1 517 625 habitants pour la Cour Constitutionnelle soit 217 993 habitants de différence.
La Cour Constitutionnelle n’ayant pas d’expertise technique ne peut pas procéder, à son tour, au recensement.

Cet écart important de chiffres n’a pu permettre la confection du document d’analyse des données du recensement général depuis 2003 comme ce fut le cas en 1993.

Il y a lieu de retirer cette responsabilité à la Cour Constitutionnelle. Le recensement ne concerne pas que les aspects électoraux. Il prend aussi en compte l’habitat et les aspects liés au développement.
L’article 33 : l’article 33 qui porte sur la modification de l’article 89 supprime la disposition qui limite le nombre de mandats des membres de la Cour Constitutionnelle à deux. Le mandat devient renouvelable à souhait. Même si au moment du renouvellement, un tiers (1/3) au moins des membres nommés doivent être nouveaux, on ne résout pas le problème des membres pouvant siéger pendant plus de quatorze ans.

L’autre situation préoccupante est l’appartenance de tous les membres à un seul camp politique.
L’article 36 sur le Conseil National de la Communication (CNC) obéit aux préoccupations émises à l’article 33 pour l’article 89 de la Constitution à l’exception de la durée des mandats.
Pour conclure, le présent projet de révision de la Constitution est, dans ses aspects essentiels, une somme d’arrangements dans la distribution des pouvoirs principalement entre deux Institutions,, le Président de la République et la Cour Constitutionnelle.

La volonté de bâtir un Etat de droit réel, un Etat de démocratie et de liberté tant vantée n’est que lapalissade. En conséquence le Groupe des Forces du Changement de l’Assemblée Nationale et du Sénat voteront contre ce projet de révision de la Constitution.

Zacharie MYBOTO
Député du 2ème siège du département de la Lebombi-Leyou Mounana

B.P. 29 LIBREEVILLE (Gabon)
Tél: (241) 74-00-64 Fax: 72-61-96

REPUBLIQUE GABONAISE
Union-Travail-Justice
Libreville, le 28 décembre 2010.

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