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Crise libyenne : Jean Ping parle

Actuellement à Paris, où il tente une médiation entre les deux parties impliquées dans la crise en Libyenne, le président de la Commission de l’Union africaine (UA) s’est exprimé sur le cas de la Libye. Dans cette interview accordée le 23 mars à RFI, Jean Ping revient largement sur la résolution 1973 des Nations Unies en faveur de l’intervention militaire au pays du Guide libyen. Il évoque également la tenue d’un sommet sur la Libye le 25 mars à Addis-Abeba.

Samedi dernier à Nouakchott, le comité de l’Union africaine a appelé la cessation immédiate des hostilités en Libye. Est-ce que ça veut dire que vous êtes contre l’opération militaire internationale actuelle ?

Je crois qu’il y a beaucoup de confusion. Tout ce qu’on a fait le samedi à Nouakchott, était programmé depuis le 10 mars, c’est-à-dire une semaine avant les décisions du Conseil de Sécurité de l’ONU. Le 10 mars, le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine, au sommet, avait déclaré qu’il faut rejeter une intervention de l’extérieur, qu’il faut une cessation immédiate des hostilités internes, qu’il faut aider à l’évacuation des étrangers, y compris les travailleurs africains étrangers en Lybie, et que les aspirations du peuples libyen à la démocratie, à la liberté, soient prises en compte.

Dès lors vous saviez que le dimanche nous devions nous rendre en Lybie, et le lundi à Bengazi pour discuter avec le Conseil national de transition. Puis le Conseil de Sécurité a pris sa décision à l’ONU le 17 mars, et le 19 mars à Paris une réunion a eu lieu pour engager immédiatement les hostilités. Vous voyez bien qu’on ne pouvait plus se rendre en Lybie et à Bengazi. On organisera une réunion le 25 mars à Addis-Abeba, où les Libyens de Tripoli et de Bengazi sont invités à prendre part à cette rencontre avec les membres du Conseil de Sécurité, de l’Union européenne, de la Ligue arabe, etc. Nous avons donc un calendrier clair.

Il y a votre initiative diplomatique, mais à côté de cela il y a cette intervention militaire internationale. Quelle est votre position ?

La position de l’Union africaine est claire, elle a été exprimée le 10 mars. Ensuite, trois membres africains du Conseil de Sécurité de l’ONU, à savoir l’Afrique du Sud, le Nigeria et le Gabon, ont voté pour la résolution 1973, alors qu’ils auraient pu s’abstenir. Ils ont voté pour en dépit du fait que la décision que nous avions prise le 10 mars, sept jours avant cette réunion, indiquait clairement que nous ne sommes pas pour une intervention militaire extérieure. Et lorsqu’on leur demande pourquoi cette position, ils nous expliquent qu’ils ont été amenés à voter oui dans les circonstances de négociations et de recherche d’un consensus. Je crois même que parmi ces trois Etats, certains sont en train de s’expliquer sur leur position.

Vous penser à l’Afrique du Sud et au Gabon…

Oui !

Ils sont en train d’expliquer que finalement ils auraient préféré voter ou s’abstenir. C’est ça ?

Ils expliquent très bien qu’ils ont voté, mais dans le sens de la compréhension de la décision de l’Union africaine.

Alors, est-ce que ça veut dire que le 17 mars en votant pour la résolution de l’ONU, ces trois pays ont engagé l’Union africaine en faveur de cette intervention militaire ?

Vous savez, nous n’allons pas nous opposer à une décision prise par la communauté internationale. Nous avons marqué nos réserves, voyez-vous ? La réunion de Paris par exemple, aucun Africain n’était présent. La Ligue arabe était présente, mais pas l’Union africaine. Et lorsque l’Union européenne et les autres préparaient la résolution et l’application, personne n’est venu nous voir. Madame Ashton et même Alain Juppé sont allés au Caire, personne n’est venu nous voir.

C’est aussi petit peu pour ça que vous êtes resté à Nouakchott et n’êtes pas venu à Paris le 19 mars…

En partie, parce à Nouakchott on avait un programme en cours, et on nous a dit : «interrompez votre programme. Venez à Paris !», non. Pour quoi faire, on ne savait pas trop bien.

Vous ne vouliez pas faire de la figuration en quelque sorte…

Exactement !

Sur le fond, ce que disent les populations civiles de Bengazi, c’est que s’il n’y avait pas eu les frappes aériennes de la coalition, samedi soir dernier, sur l’armée libyenne, la ville aurait été reprise par l’armée et il y aurait eu un bain de sang…

Je crois qu’elles ont cette interprétation qui sans doute juste, je ne peux pas me prononcer là-dessus. Mais la différence qu’il y avait entre les évènements en Libye, en Tunisie et Egypte, c’est qu’en Tunisie la révolution était pacifique. Personne n’est allé avec des chars du côté des jeunes révolutionnaires. En Libye, c’était deux forces militaires, de chaque côté il y avait de l’armement lourd. Cela s’apparentait beaucoup plus à une guerre civile. Et les risques, c’était la partition et la somatisation du pays.

A votre avis, est-ce que cette intervention militaire internationale en Libye peut faire avancer une solution ou la retarder ?

Je crois que c’est la raison pour laquelle je suis là. Vous avez noté avant votre arrivée que j’étais en train de m’entretenir avec un envoyé spécial de madame Ashton. Je me suis également entretenu avec Alain Juppé et le Secrétaire général de l’ONU, pour savoir quels sont les objectifs visés et quelle est l’étape suivante. Si la phase suivante consiste à utiliser la diplomatie, c’est la voie que nous préconisons et nous y sommes déjà.

Votre priorité aujourd’hui est donc de réunir autour d’une table, les partisans et les adversaires du colonel Kadhafi en fait…

Cela a toujours été le plan de départ, je vous le réaffirme, cela a été décidé le 10 mars par les chefs d’Etat. Nous ne sommes pas sortis de ce calendrier fixé par les chefs d’Etats.

Alors ce que disent les adversaires sur le colonel Kadhafi au Conseil national de transition, c’est qu’il n’y a rien à négocier avec monsieur qui est un menteur. Est-ce que ce n’est pas un problème pour vous ?

Vous savez, nous parlons avec eux, nous savons qu’ils ont accepté de nous recevoir, tout comme Kadhafi et les autorités de Tripoli l’ont fait. C’est donc à partir de là que les choses vont s’engager.

Vous prenez donc une solution politique, est-ce que ça veut dire que vous souhaiter que le colonel Kadhafi reste au pouvoir ?

Non, Non, Non. Nous souhaitons une chose : c’est que l’on réponde aux aspirations du peuple libyen à la démocratie, à la liberté et à l’Etat de droit. Pour y arriver, nous pensons qu’il faut engager une négociation. Mais n’allez surtout pas imaginer que nous voulons que les choses restent en l’Etat, ce n’est pas possible.

Le Conseil national de transition dit que jamais le colonel Kadhafi n’acceptera le verdict des urnes…

Oui, beaucoup de gens le disent. Des pays africains vont même plus loin, en disant qu’il n’acceptera rien du tout. C’est tout à fait possible, et c’est cela que nous cherchons à voir.

Et c’est pour cela que vous voulez parler avec lui…

Exactement !

Mais ce sommet du 25 mars, c’est demain. Ce sera nécessairement reporté, est-ce que vous avez une autre date indicative ?

Mais pourquoi voulez-vous que ça soit reporté ? La partie libyenne a accepté, il y a trois jours, l’intégralité de ce que je viens de vous dire. Pas seulement le cessez-le-feu, mais aussi le paragraphe 4 quant à la légitimité des aspirations du peuple libyen à la démocratie, à la réforme politique et à la sécurité.

Vous dites que le camp Kadhafi a accepté de venir à cette réunion à Addis-Abeba. En revanche, vous n’avez toujours pas de réponse du Conseil de transition de Bengazi…

Nous attendons l’acceptation formelle des gens de Bengazi pour venir à Addis-Abeba. S’ils ne viennent pas, nous allons proposer de les rencontrer soit à Bengazi, soit au Caire, soit à Tunis. Comme je l’ai dit dès mon entrée en fonction, je ne suis ni pour la précipitation, ni pour la diplomatie du mégaphone.
Publié le 24-03-2011 Source : RFI Auteur : Gaboneco

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