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Gabon : «Nous ne proposons pas une révolution qui va mettre les gens dans la rue», assure Georges Mpaga

Membre éminent de la société civile gabonaise et leader du Réseau des organisations libres pour la bonne gouvernance (Rolbog) qui a récemment publié un rapport d’analyse du système électoral gabonais, Georges Mpaga revient, dans l’interview ci-après, sur l’exigence de réformes institutionnelles concernant, notamment, la Cour constitutionnelle, la loi électorale, la constitution, le mandat présidentiel, etc. La sortie de la crise politique actuelle passe par l’institutionnalisation d’un nouvel ordre démocratique, assure-t-il.

Vous avez récemment donné une conférence de presse. Sur quoi portait-elle ?

Il était question de présenter à la presse et donc à l’opinion nationale et internationale, les résultats de l’étude que le Réseau des organisations libres pour la bonne gouvernance (Rolbog) vient de mener, avec l’appui de l’ambassade des Etats-Unis, et qui porte sur l’analyse des dispositions institutionnelles en matière d’organisation des élections au Gabon.

Cette étude révèle un certain nombre de choses et elle ouvre les perspectives de l’implication de la société civile dans le processus des élections politiques au Gabon. La société civile n’est pas un acteur politique mais elle un acteur des processus démocratiques. Nous avons dressé un parallèle avec les différentes révolutions qui ont lieu actuellement dans le monde Arabe. Notamment en Egypte, en Syrie, en Lybie, en Tunisie et même au Burkina Faso pour ce qui est des pays subsahariens.

La société civile devient donc un acteur incontournable des processus démocratiques. Il n’est donc plus concevable que les dispositions actuelles du mécanisme électoral n’intègrent pas les organisations de la société civile qui ont désormais une place prépondérantes dans le devenir politique des nations. La société civile gabonaise est au diapason et en phase avec les mouvements mondiaux. Nous avons donc produit cette étude pour motiver une prise en compte de la société civile nationale par les pouvoirs publics, et susciter des réformes. Il faut en effet réformer le système électoral parce que les élections ont toujours été caractérisées, au Gabon, par la fraude, la contestation, les soulèvements populaires et la répression qui vient, finalement, entraver les libertés démocratiques.

Quelle crédibilité accorder à votre étude ?

Cette étude a été menée par des experts de haut niveau. Elle a été conduite par un docteur en sciences politiques. Pour ce qui est des analyses démographiques et statistiques liés au contexte électoral, nous avons fait appel à un démographe-statisticien, de même qu’un expert en communication politique a été associé à ce travail. Toutes ces personnes disposent d’une expérience avérée et ils travaillent régulièrement avec les agences des Nations-Unies. L’étude tient aussi une part de sa crédibilité en ce qu’elle a été soutenue par l’ambassade des Etats-Unis au Gabon et qu’elle a été examinée et validée par un certain nombre d’institutions.

Sur quelles conclusions essentielles débouche donc cette étude ?

L’étude propose des éléments de réforme au niveau de la Commission électorale nationale autonome et permanente (Cenap). Il faut revoir le mode de désignation du président de la Cenap. Il n’est pas concevable que celui-ci soit désigné par la présidente de la Cour constitutionnelle. Au regard du fait que la Cenap doit refléter les différentes composantes, les différents acteurs impliqués dans le processus électoral, à savoir l’administration, les partis politiques et la société civile, il faut que ces trois composantes puissent élire de façon consensuelle le président de la Cenap, cette institution si importante pour la bonne conduite du processus électoral. Pour l’heure, la façon dont le président de la Cenap est nommé ne permet pas d’assurer sa crédibilité et son indépendance, étant donné qu’il y a des affinités à ce niveau.

Le rapport pose aussi le problème du président de la Cour constitutionnelle qui doit également être élu de façon claire et indépendante. Actuellement, ce président est désigné par l’exécutif, l’Assemblée nationale et le Sénat. Or, dans les schémas actuels, ces trois entités appartiennent à une même sensibilité politique. La présidente de la Cour constitutionnelle ne permet donc pas d’assurer de façon effective la crédibilité des résultats. Le rapport recommande une neutralité totale, une indépendance des personnes en charge de la conduite du processus électoral et de sa validation.

L’étude aborde également, dans l’analyse institutionnelle, la présidence de la République. Il n’est plus question d’avoir, au Gabon, des présidents de République à vie. L’étude propose un mandat de cinq ans renouvelable une seule fois. D’une manière générale cette étude permet à la société civile gabonaise de faire des propositions pour faire avancer la démocratie au Gabon. Nous avons besoin d’institutions fortes. Il ne s’agit plus aujourd’hui de mettre l’accent sur des individus.

Les dispositions que vous voulez changer, notamment la durée du mandat présidentiel, la désignation du président de la Cour constitutionnelle, n’ont-elles pas évolué dans la dernière révision constitutionnelle qui tarde à être publiée ? Et que pouvez-vous faire si rien n’a été changé ?

Nous avons fait des propositions indispensables pour le progrès de notre démocratie. Il faut donner de la crédibilité à notre démocratie. La révision constitutionnelle ne peut pas être un acte isolé ou unilatéral d’un camp politique, tel que cela s’est fait dernièrement. Nous disons non. Il faut que les choses changent dans le pays. Les réformes que nous proposons sont fondamentales pour faire avancer le pays. Si nous avons une bonne gouvernance politique, nous aurons une bonne gouvernance économique.

Le Gabon ne peut plus fonctionner comme avant. Il n’y a pas de parti politique dominant dans le pays, il n’y a plus de parti unique au Gabon. Le Gabon doit donc moderniser sa façon d’être géré et gouverné. L’Emergence requiert un certain nombre de conditionnalités aux premiers rangs desquels il y a la démocratie, la liberté d’expression, le contrôle citoyen de l’action publique. Il faut que les citoyens aient un contrôle sur les gouvernants. Ce que ne permet pas la constitution actuelle. Nous ne souhaitons pas qu’il y ait des dérapages dans le pays, nous militons pour la stabilité du pays. Et celle-ci passe nécessairement des réformes politiques fondamentales qui permettront d’avoir l’homme qu’il faut à la place qu’il faut.

Tout cela pourrait passer pour des vœux pieux. De quels moyens de pression disposez-vous pour amener les gouvernants à prendre en compte vos recommandations ?

La société civile a ses stratégies. Nous ne tenons pas à les dévoiler ici. Mais, nous croyons percevoir qu’il y a une certaine volonté politique. Aujourd’hui le président de la République a accepté un certain nombre de nos propositions, à l’instar de l’introduction de la biométrie dans le fichier électoral. Nous avons insisté sur cette question vous souviendrez-vous. Aujourd’hui tous les acteurs politiques sont unanimes sur la nécessité de la biométrie. Cela veut dire que notre plaidoyer a été entendu.

Nous pensons qu’il faut d’avantage développer le plaidoyer. Nous n’avons comme moyens que le plaidoyer et le lobbying. Nous en sommes devenus des spécialistes. Nous allons donc continuer à plaider, à matraquer, à influencer la décision politique pour qu’elle soit favorable aux réformes démocratiques. Le Gabon ne pourra jamais sortir de la misère, de la médiocrité du sous-développement actuel si nous n’avons pas des réformes politiques fondamentales.

Il faut changer de mentalité. Il faut changer de méthodes, changer de paradigme. Et si nous voulons vraiment aller vers l’émergence, il faut changer la façon de gouverner. L’Etat ne doit plus être géré comme un patrimoine privé. Il doit être géré de la façon la plus professionnelle, être géré de façon la plus moderne, avec des instruments efficients. L’un de ces instruments, c’est l’élection démocratique. Celle-ci est un mécanisme qui permet de désigner des dirigeants de la façon plus crédible. C’est ce que nous proposons. Nous ne proposons pas une révolution qui va mettre les gens dans la rue. Nous proposons des réformes à partit d’un plaidoyer pour éviter la catastrophe au Gabon, parce qu’on ne peut plus continuer avec la façon actuelle de faire.

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