spot_imgspot_img

Gabon : Le HCR préoccupé par des «arrestations arbitraires de réfugiés congolais»

Placée sous le thème «Un réfugié sans espoir, c’est déjà trop», la journée mondiale du réfugié sera célébrée le 20 juin prochain. Dans l’interview ci-après, Louis Michel Mboana, représentant du HCR au Gabon, insiste sur les difficultés des réfugiés et demandeurs d’asile congolais au Gabon et évoque les manifestations prévues à Libreville dans le cadre de cette commémoration.

A l’instar de la communauté internationale, le Gabon célèbre le 20 juin prochain la journée du réfugié. Qu’avez-vous prévu à l’occasion de cette commémoration ?

Pendant des années, plusieurs pays et régions ont célébré leur propre Journée des réfugiés, voire parfois leur semaine. L’une parmi les plus connue, c’est la Journée africaine des réfugiés, célébrée ce 20 juin dans plusieurs pays. En témoignage de solidarité avec l’Afrique, qui abrite le plus grand nombre de réfugiés, et envers qui elle a toujours montré une grande générosité, l’Assemblée générale des Nations Unies a adopté la résolution 55/76 le 4 décembre 2000. Dans cette résolution l’assemblée générale a noté que l’année 2001 marquait le cinquantième anniversaire de la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés et que l’Organisation de l’unité africaine (OUA) avait accepté que la Journée internationale des réfugiés coïncide avec la Journée du réfugié africain du 20 juin. L’Assemblée générale des Nations Unies a décidé par conséquent qu’à compter de 2001, le 20 juin marquerait la Journée mondiale des réfugiés.

Depuis 2001, le Haut-commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) célèbre le 20 juin la Journée mondiale des réfugiés, moment de sensibilisation du grand public et des élus européens au sort des 43 millions de personnes déplacées de force à travers le monde. Cette année 2011 coïncide avec le 60ème anniversaire de la Convention de Genève relative au statut des réfugiés. Ici au Gabon, le HCR s’adjoint à ses partenaires pour éveiller les consciences des gouvernements et de l’opinion publique sur la problématique des réfugiés afin de réfléchir tant sur les causes que sur la prévention de ce phénomène et susciter la tolérance sur cette catégorie de population contrainte au déplacement dans d’autres pays.

Le Gabon abrite actuellement près de 13 110 réfugiés et demandeurs d’asile de 25 nationalités (au 31 mars 2011). La majorité des réfugiés est de nationalité Congolaise. Les autres sont des ressortissants du Congo Démocratique, du Tchad, de la Guinée Equatoriale, de l’Angola, du Burundi, du Rwanda, etc. Il convient de dire que c’est la Commission Nationale des Réfugiés (CNR) qui détermine le statut de réfugié au Gabon. A l’occasion de cette Journée, une série d’activités seront organisées au siège de la Représentation du HCR au Gabon sis au quartier Sotéga comme une présentation des sketches, une remise de présents à 10 familles extrêmement vulnérables, une présentation de poèmes par 5 enfants réfugiés, ou encore un match de football qui va opposer le HCR et ses partenaires aux réfugiés.

Cette journée coïncide avec le rapatriement volontaire d’une vingtaine de réfugiés congolais, combinée à une visite transfrontalière. Quel sera le rôle du HCR dans cette opération ? Quels sont les enjeux et opportunités de cette visite transfrontalière ?

Le statut de réfugié n’étant pas éternel, la Convention de Genève et celle de l’OUA ont prévu les conditions dans lesquelles le statut de réfugié prend fin. C’est la clause de cessation prévue par l’article 1 C de la Convention de Genève. En principe, le statut de réfugié cesse lorsque le réfugié est volontairement rentré dans son pays d’origine ou si les circonstances qui ont donné lieu à son départ n’existent plus. Toutefois, l’alinéa 5 de l’article 1 C pose une exemption à la cessation du statut de réfugié lorsque le réfugié peut justifier de «raisons impérieuses» l’empêchant de se prévaloir de la protection de son pays. On a eu des cas de réfugiés Libériens d’ethnie « Mandingo » qui en raison de leur appartenance à ce groupe ethnique ont vu leur statut de réfugié reconduit lors de l’invocation de la clause de cessation pour les réfugiés Libériens il y a quelques années.

Conformément à son mandat, le rôle du HCR consiste à faciliter le rapatriement librement consenti, à coopérer avec le gouvernement et appuyer ses efforts à travers les solutions internes pour ceux qui optent de rester et à veiller au respect par le gouvernement de ses engagements internationaux. Il a par ailleurs un rôle de plaidoyer, de suivi et de surveillance. L’article 13 de la Déclaration des Universelle des Droits de l’Homme stipule que «toute personne a le droit de quitter tout pays, y compris le sien, et de revenir dans son pays». L’exercice de ce droit par le réfugié nous met au centre du fondement juridique du rapatriement. Il doit être volontaire et non forcé et basé sur la réalisation des conditions de sécurité propices au retour. L’objectif du rapatriement est de permettre au réfugié de se réinsérer dans son environnement d’origine et qu’il participe au développement de son pays. Il existe des cas où des anciens réfugiés rentrés chez eux ont exercé de hautes fonctions dans leur pays. Cas de la Namibie par exemple.

S’agissant des visites transfrontalières, il s’agit de visites faites de manière quadripartite (pays d’origine, pays d’asile, HCR et réfugiés) dans le pays d’origine voire dans les lieux de retour potentiel afin d’évaluer les conditions de retour pour permettre aux réfugiés de prendre une décision pour leur rapatriement en toute connaissance de cause. L’évaluation des conditions de retour peut se faire sur les infrastructures de base telles que le système d’éducation, la santé, les conditions de sécurité, les opportunités d’emploi etc. Au terme de ces visites, les réfugiés en font la restitution auprès des autres réfugiés de manière à ce que chacun d’entre eux soit bien informé. Le but ultime des visites transfrontalières est de booster le rapatriement en rassurant les réfugiés sur les conditions de sécurité des zones de retour dans leur pays. Pour ce qui concerne le cas des réfugiés Congolais, les visites transfrontalières auront lieu du 20 Juin au 2 Juillet 2011. Elles se feront avec le gouvernement Gabonais, le gouvernement Congolais, le HCR et 6 réfugiés Congolais.

Depuis le 1er février 2011, le gouvernement gabonais procède au réexamen du statut des réfugiés et demandeurs d’asile congolais au Gabon. En quoi consiste cette initiative et où en est-elle à l’heure actuelle ?

Au cours des réunions tripartites de Libreville et de Brazzaville de 2010, un certain nombre de décisions ont été prises. Les plus significatives sont, la fin de l’opération de rapatriement volontaire des réfugiés Congolais au Gabon au 31 décembre 2010 (date initiale), le réexamen du statut des réfugiés Congolais par le Gabon, si nécessaire avec l’aide du HCR à partir du 1er Janvier 2011 pour une durée de 3 à 6 mois, pendant la période de réexamen, le Gabon garantit qu’il n’y aura pas de situation de non statut, et la possibilité par le Gabon au terme de la période de réexamen de constater la cessation du statut pour les réfugiés et demandeurs d’asile Congolais établis au Gabon du fait des guerres civiles survenues au Congo entre 1997 et 1998 sans préjudice des droits des personnes dont la situation nécessite encore une protection internationale.

Dans le cadre du réexamen du statut des réfugiés Congolais de Brazzaville, le Gabon offre les options suivantes à savoir le rapatriement volontaire en République du Congo, la transformation de statut de réfugié et de demandeur d’asile en celui de migrant, la possibilité de naturalisation conformément aux dispositions pertinentes du code de la nationalité et la préservation des droits des personnes dont la situation nécessite encore une protection internationale. Au 10 Juin 2011, il y avait 38 cartes de séjour délivrées à Libreville. Le peu d’engouement des réfugiés pour l’obtention de la carte de séjour résulte du coût élevé de celle-ci. La plupart des réfugiés nous ont informé des difficultés qu’ils ont de réunir ces moyens en raison de leurs conditions de précarité. Beaucoup en effet ont des activités dans le secteur de l’informel et vivent au jour le jour.

Durant la période de réexamen du statut, qui s’achève le 31 juillet prochain, le gouvernement gabonais a demandé aux forces de sécurité, aux services de l’immigration et à tous les détenteurs de l’autorité de l’Etat, de considérer les documents délivrés aux réfugiés et demandeurs d’asile congolais en cours de validité ou pas, comme conférant le statut de réfugié ou de demandeur d’asile. Ces instructions sont-elles respectées ?

Malgré les deux communiqués du gouvernement du 24 Janvier et du 9 Mai 2011 dont une partie recommande aux Forces de l’ordre de considérer comme valides les documents expirés, beaucoup de cas d’arrestations, de détentions arbitraires ont été rapportés à Mouila, à Franceville, à Libreville, à Moanda, à Ntoum, à Kango, à Mitzic. Nous avons organisé une mission à Ntoum et à Kango où nous avons constaté des cas d’arrestation. Beaucoup d’éléments des Forces de l’ordre avancent comme motif d’arrestation qu’il n’y a plus de réfugiés au Gabon. Ces cas d’arrestations et de violations de droits de l’homme nous préoccupent au plus haut point et nous travaillons avec les autorités pour mettre un terme à ces exactions car un réfugié arrêté arbitrairement c’est un cas de trop.

A la date du 31 juillet 2011, les personnes concernées, qui n’auront opté ni pour le retour volontaire, ni pour la transformation de leur statut en celui de migrant, seront considérées comme étant en situation irrégulière au Gabon. Le HCR a-t-il prévu des mesures pour ceux d’entre eux qui ne peuvent se payer une carte de séjour jugée onéreuse ou ne pouvant se trouver un emploi ?

Les communiqués du gouvernement du 24 Janvier et du 9 Mai disposent qu’au 31 Juillet 2011, les réfugiés et demandeurs d’asile Congolais qui n’auront pas opté pour le rapatriement volontaire et n’auront pas transformé leur statut en celui de migrant seront considérés comme en situation irrégulière. Le HCR est très préoccupé par cette situation dans la mesure où il ne sait pas ce qu’il adviendra de ces personnes. Cependant, il n’a pas de moyens pour aider les personnes vulnérables à payer leur carte de séjour.

Certaines personnes ne voulant pas devenir migrant au Gabon, ou craignant de retourner au Congo, vous auraient demandé la création d’un corridor humanitaire qui les amènerait au Cameroun. Une telle hypothèse est-elle envisageable ? Si non, quelles solutions pour ceux-là ?

Certains réfugiés avaient décidé de marcher vers le Cameroun à la date du 20 avril 2011, mais cette décision a été suspendue suite à l’intervention de la Représentation du HCR au Gabon appuyée par une mission du HCR venue du siège à Genève et de la Représentation régionale de Kinshasa. Les efforts se poursuivent pour que l’on n’arrive pas à cette extrémité.

Exprimez-vous!

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici

spot_imgspot_img

Articles apparentés

spot_imgspot_img

Suivez-nous!

1,877FansJ'aime
133SuiveursSuivre
558AbonnésS'abonner

RÉCENTS ARTICLES