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Démocratie en Afrique: Que peut l’Amérique ?

Après avoir été conviés au dernier sommet du G8 tenu à Deauville les 26 et 27 mai derniers, les présidents ivoirien, nigérien et guinéen seront les hôtes de marque de la Maison-Blanche le 29 juillet prochain. Mais cette fois-ci, Boni Yayi, président béninois, se joindra à Alassane Dramane Ouattara, Mahamadou Issoufou et Alpha Condé pour une visite d’Etat, d’amitié et de travail au pays de l’Oncle Sam.

L’invitation adressée aux quatre chefs d’Etat africains par Barack Obama suscite des interrogations. Selon le communiqué officiel repris par certaines sources, l’Administration américaine a voulu souligner son soutien aux démocraties en développement, mettre en valeur son partenariat avec les pays concernés, « discuter de l’élaboration d’institutions démocratiques fortes, du développement économique et d`autres sujets régionaux ». C’est sans doute au regard de l’objectif visé par Washington, à savoir accompagner des gouvernements nouvellement installés après des élections démocratiques, que les invités ont été triés sur le volet. Ce choix a donc un lien étroit avec l’attachement prononcé de l’Administration Obama pour les valeurs républicaines et démocratiques.

Et en cela, même si les quatre pays sur qui les USA ont jeté leur dévolu ne sont ni les meilleurs ni les pires en gouvernance démocratique, il n’en demeure pas moins que la Côte d’Ivoire, le Niger et la Guinée reviennent de très loin après une très longue et rude épreuve sur les plans politique et socioéconomique. Ces nations sont en train d’amorcer un tournant décisif de leur histoire et ont réussi, après une longue traversée du désert, à incarner l’une des valeurs essentielles de l’Etat de droit, rarissimes comme un parapluie un jour sans pluie sur le continent noir, à savoir l’alternance au pouvoir. Quant au chef de l’Etat béninois, il a promis de ne pas être candidat à sa propre succession pour la prochaine présidentielle.

Ces efforts collectifs et individuels qui ne courent pas les rues, en Afrique surtout francophone, méritent tout de même d’être salués, encouragés et appuyés. Vu sous cet angle, l’acte du bureau oval se présente comme une prime à la démocratie, qu’elle soit naissante, titubante ou confirmée. Cela confirme le changement de vision de la politique américaine qui, notamment sous la houlette du prédécesseur de Barack Obama, n’hésitait pas à sacrifier les valeurs démocratiques sur l’autel des intérêts géostratégiques. L’option du successeur de George Bush de ne recevoir ou de ne rendre visite qu’à des dirigeants regardants sur la démocratie, est donc porteuse d’espoir pour les Africains.

Car, elle rendra les marches conduisant aux bureaux du US Président plus laborieuses à accéder et à gravir que le perron de l’Elysée. Ce qui rendra aussi plus crédibles les relations entre les États-Unis et les autres pays, et donc plus prisée la destination américaine. C’est en cela aussi que, mieux qu’une invitation du chef de l’Etat français, l’invitation du président du pays le plus puissant du monde peut être une source d’émulation. En attendant de savoir ce qui sortira des échanges entre les cinq têtes couronnées en termes de retombées économiques, l’on peut déjà se délecter de l’avantage politique que cette initiative revêt. Toutefois, gardons-nous de vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué. Car, une chose est de poser des actes pleins de symboles et une autre consiste, pour celui à qui ils sont destinés, à savoir les décrypter et à en tirer le maximum de profit.

Le président américain a beau vouloir interpeller la conscience des leaders africains pour susciter en eux un changement positif, il n’en demeure pas moins qu’il est très difficile, voire impossible de changer la déhontée façon de s’asseoir d’un chien. Que peut faire réellement l’Amérique face à une boulimie du pouvoir et une incurie systémique qui ont poussé de solides racines pendant un demi-siècle en Afrique francophone surtout ? Les doyens des chefs d’Etat africains dont le rêve le plus constant est de mourir au pouvoir ont-ils vraiment cure d’une quelconque légitimation de leur pouvoir par leur peuple ou par des régimes cités en exemple ? Cela est d’autant plus vrai que ceux qui s’indignent de cette invitation n’ont pas entièrement tort dans la mesure où celle-ci peut laisser entrevoir un type de rapport paternaliste.

Que l’on arrête surtout de tenir l’Occident pour seul responsable du retard accusé par l’Afrique sur les plans politique et économique. Les dirigeants africains en portent la plus grande part de responsabilité pour avoir manqué de courage et de patriotisme. Si, contrairement à ce que suggère la bonne manière, le chef de l’Etat américain qui dit vouloir soutenir ses quatre homologues africains dont certains viennent même d’échapper à des attentats, ne s’est pas déplacé chez eux pour le faire, c’est que les gouvernants africains ne sont toujours pas arrivés à forcer le respect de leurs pairs occidentaux. Il est évident que le rapport de force n’est pas en leur faveur, mais leurs pays ont quand même de quoi intéresser et sur quoi ils peuvent s’appuyer pour peser dans la balance mondiale.

Les Etats-Unis traversent actuellement une mauvaise passe financière, et il n’est pas exclu que, pour cette raison et bien d’autres, les échanges entre les cinq chefs d’Etat, tournent autour de la possibilité d’augmenter l’aide américaine en faveur des quatre pays qui pourraient, à leur tour, accorder des facilités d’accès à leurs ressources naturelles à la nation la plus puissante du monde. Aux quatre mousquetaires de savoir rester vigilants et surtout dignes pour ne pas s’y adonner à d’humiliantes courbettes au point de se laisser duper par des accords inégaux.

Pour y arriver, il leur suffit de ne jamais perdre de vue que l’onction des dirigeants américains ne peut pas à elle seule les légitimer. Ils doivent avant toute chose rechercher l’intérêt et la bénédiction de leurs peuples respectifs, les seuls devant lesquels ils doivent répondre de leurs mandats.

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