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Les affaires de la Françafrique continuent de tourner

Le terme de « Françafrique » est né d’une boutade, celle de la « France-à-fric », symbole des financements occultes qui ont « fluidifié » les rouages franco-africains depuis plus de cinq décennies.

Mais l’expression est devenue quasiment officielle, couvrant l’ensemble des relations, politiques autant qu’économiques, publiques comme parallèles, de l’Hexagone avec ces anciennes colonies du sud de Sahara. Elle est incarnée par un ensemble hétéroclite de chef d’Etats, de conseillers occultes, d’émissaires officieux, de gourous et d’hommes d’affaires intéressés par la préservation de certaines habitudes et rentes de situation en Afrique francophone.

En coulisses, on fait des affaires tout en faisant de la politique. A moins que ce ne soit l’inverse. La frontière est difficile à tracer entre la stricte défense d’une certaine influence politique française sur le continent noir et la préservation d’intérêts économiques privés auxquels s’arc-boutent les entreprises. Au risque de mélanger les genres.

600 entreprises françaises en Côte d’Ivoire
Prenons l’exemple de la Côte d’Ivoire, qui fut en proie à une guerre civile larvée depuis 2002, entre les rebelles du Nord qui soutenaient le nouveau président élu en novembre 2010 Alassane Ouattara, et les forces longtemps fidèles à l’ancien président Laurent Gbabgo, en poste depuis 2000 et finalement forcé de quitter le pouvoir le 11 avril 2011 après une crise de plusieurs mois.

Sur place, plus de 600 entreprises françaises tiennent encore des positions-clés de ce pays, qui demeure le poumon économique de l’Afrique de l’Ouest et le premier partenaire commercial de la France dans la zone du franc CFA.

Malgré le climat tendu de ces dernières années, notamment en 2004 lors du bombardement de troupes françaises par l’aviation ivoirienne, et malgré les discours anti-français du président Gbabgo, les affaires ont continué.

Le pétrolier Total a signé fin 2010 des contrats d’exploration au large des côtes. Déjà chargé de l’électricité et de la distribution d’eau, le groupe Bouygues, qui s’appuie sur l’ancien patron des patrons ivoiriens, Marcel Zadi Kessy, lorgne sur la construction d’un deuxième grand pont sur la lagune d’Abidjan.

Bolloré s’affiche avec Gbagbo et obtient le port d’Abidjan

Très actif dans le transport ferroviaire et l’agro-industrie, Vincent Bolloré, quant à lui, a obtenu en 2004 « de gré à gré » la concession de la gestion du port d’Abidjan.

L’industriel français s’est rendu sur place en avril 2008, prenant la pose aux côtés du président Laurent Gbabgo, qui l’a encensé dans son discours. Ce qui n’a pas empêché ce dernier de dénoncer ensuite le complot français ourdi contre lui après les élections de novembre 2010.

Il est vrai que son rival, Alassane Ouattara, ancien économiste au FMI, finalement intronisé au poste de président en mai dernier, a, lui aussi, beaucoup de contacts dans le milieu des affaires à Paris, notamment l’avocat François Meyer, qui défend par ailleurs… le groupe Bolloré. Et Martin Bouygues, qui était présent au mariage de Alassane Ouattara et de son épouse Dominique, redoutable femme d’affaires.

A Paris, Nicolas Sarkozy, en président super-VRP, mouille sa chemise pour défendre des industriels français qui sont aussi ses amis.

Par exemple en 2009 quand il a été reçu par le président congolais Denis Sassou-Nguesso, Nicolas Sarkozy lui a dit franchement qu’il ne devait pas confier la gestion du port de Pointe-Noire à des prestataires chinois, de plus en plus présents : « Il faut que tu le donnes à Vincent ! » Sous-entendu Vincent Bolloré, dont le groupe a finalement arraché le contrat, grâce à une offre jugée mieux-disante.

En Guinée, la diplomatie sarkozyste mise sur Alpha Condé

L’Elysée a déployé le même lobbying intensif en faveur de Bolloré au Togo, au Gabon, au Cameroun et au Sénégal en 2008, afin d’éviter que la gestion du port de Dakar n’échoit à un groupe du Moyen-Orient, le Dubaï Ports World. Sans succès cette fois, malgré des pressions politiques multiples.

La diplomatie sarkozyste a aussi la couleur de l’argent en Guinée. Après le départ forcé du général Dadis Camara début 2010, le nouveau président élu, Alpha Condé, figure de l’opposition, a été soutenu par la France. Arrivé au pouvoir en novembre 2010, il a suspendu quelques mois plus tard la concession du terminal de conteneurs du port de Conakry, confiée en septembre 2008 par le régime précédent au groupe français Getma.

Le président guinéen a aussitôt passé un nouveau deal portuaire avec le groupe de Vincent Bolloré, lequel, reçu à Conakry, n’a jamais caché son appui à Alpha Condé.

Ce sont d’ailleurs les équipes d’Euro-RSCG, filiale du groupe publicitaire Havas présidé par le même Bolloré, qui ont donné un coup de main pour la campagne de Condé.

La Françafrique résiste bien…

► Découvrez la suite de l’enquête, les photos, les archives, interviews et reportages vidéo sur LaFranceDesReseaux.com.

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