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Déclaration du mouvement « Bongo Doit Partir » : Le moment est venu pour l’opposition et la société civile radicales de clarifier leurs discours


Déclaration du mouvement « Bongo Doit Partir » : Le moment est venu pour l’opposition et la société civile radicales de clarifier leurs discours

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Depuis le malheureux et inopportun décès prématuré du très regretté Pierre Mamboundou, les données ont fondamentalement changé sur le terrain politique au Gabon. Ce changement de données appelle à une urgente et immédiate clarification non seulement du discours, mais également de l’objectif, de la part de toutes celles et de tous ceux qui se sont déclarés parties prenantes de l’idéal radical selon lequel aucune élection ne devrait se tenir (ni être autorisée à se tenir) en République gabonaise tant que les conditions de la transparence totale et inéquivoque ne sont remplies.

Cette position, d’ailleurs, est celle que le mouvement « Bongo Doit Partir » (BDP) a toujours revendiquée, l’ayant maintes fois réitérée en plusieurs occasions depuis sa création et l’ayant, également, détaillée dans une lettre adressée à Pierre Mamboundou le 3 juillet 2009 pour proposer le blocage en bonne et due forme de l’élection présidentielle de 2009. L’on remarquera d’ailleurs que les analyses et recommandations faites à Pierre Mamboundou dans cette lettre restent d’une cuisante actualité et s’appliqueraient de la même manière à la situation électorale qui prévaut au Gabon aujourd’hui. Il est d’ailleurs réconfortant de constater que c’est exactement la démarche proposée à l’époque à Pierre Mamboundou par le BDP que le mouvement « Ça suffit comme ça » a suivie non seulement dans son effort de fédération des forces radicales de la société civile et politique du pays, mais également dans son adoption du slogan « pas de biométrie, pas de transparence, pas d’élections », un slogan qui fait écho à l’idée, justement, qu’aucune élection ne devrait plus se tenir en terre gabonaise tant que les conditions de la transparence absolue ne sont pas obtenues (Lire la lettre du BDP à Pierre Mamboundou ici).

Il est également salutaire que se soit développé, dans cette démarche de « Ça suffit comme ça », un discours sur l’essence citoyenne et ce que l’on attend d’un citoyen digne de ce nom dans un pays qui se veut République. La notion de citoyenneté, on s’en souviendra, est une notion qui a toujours été chère au BDP, notion que le Dr. Daniel Mengara, dans plusieurs discours, avait d’ailleurs réactualisée depuis mars 2011 dans le cadre de la Plateforme Citoyenne mise en place par les Gabonais des Etats-Unis, un groupe qui sillonna d’ailleurs les Etats-Unis pendant près de six mois à promouvoir cette thématique auprès des Gabonais. C’est dire que l’adoption par le mouvement « Ça suffit comme ça » de cette thématique citoyenne depuis sa création en juillet 2011 ne peut que recueillir l’assentiment et le soutien total du BDP. Maintenant, donc, que la coalition société civile – partis politiques facilitée par le mouvement « Ça suffit comme ça » a été mise sur pied et, par voie de conséquence, a fait renaître chez les Gabonais l’espoir d’un possible changement politique au Gabon, et pourquoi pas cette année même, il convient, dès maintenant, de s’interroger sur l’ultime finalité de ce mouvement aux fins, justement, de lui permettre une clarification de ses objectifs qui soit non seulement porteuse, mais également conforme aux attentes des Gabonais.

La première condition de la réussite, pour tout mouvement populaire qui se veut efficace, repose, obligatoirement, sur une définition claire de l’objectif visé. La raison pour laquelle les coalitions politiques mises en place au Gabon depuis 1990 n’ont jamais été au bout d’une certaine logique (que l’on voudrait radicale et donc révolutionnaire) vient du fait que ces coalitions ne se sont souvent constituées que sur des slogans de rassemblement vagues comme « nous voulons le changement » ou « nous sommes de l’opposition », sans pour autant avoir jamais clairement défini quel type de changement les coalisés souhaitaient, et quel type d’opposition ils voulaient constituer. C’est ce même flou et ce même vague que, à tort ou à raison, nous croyons déjà déceler dans l’orientation idéologique et, donc, stratégique, du mouvement « Ça suffit comme ça ».

C’est pour aider à remédier à certains des manquements observés que le BDP propose aujourd’hui cette analyse, en espérant que les leaders du mouvement « Ça suffit comme ça » verront dans cette analyse non pas une attaque, et encore moins une critique gratuite, contre le remarquable travail accompli jusqu’à présent, mais plutôt une contribution au combat mené, aux fins d’en garantir l’ultime succès.

Le mouvement « Bongo Doit Partir » (BDP) tient donc, à cette jonction, à préciser ceci :

1. Ce document ne se veut pas un document de dénigrement du travail fait jusqu’ici par la société civile. Nous saluons ce que, notamment, Marc Ona Essangui et Paulette Oyane ont accompli jusqu’à présent et soutenons sans recul leur démarche, démarche qui a su conduire, au moins, à une radicalisation des positions politiques au sein d’une opposition qui, pour une fois, a su parler d’une seule et même voix pour exiger la transparence électorale. Ce qui nous intéresse ici, cependant, ce n’est pas ce qui a été accompli jusqu’à présent, mais ce qui reste à venir. Voilà pourquoi nous ne citerons aucun nom dans un contexte critique, pour éviter de personnaliser un débat que nous voulons le plus large possible.

2. Autrement dit, ce document se veut plutôt un document bilan, une sorte de rapport d’étape qui, sur la base de ce que le mouvement BDP aura pu constater comme manquements idéologiques ou stratégiques, essaie d’avertir les uns et les autres sur les risques d’échec de l’initiative de la société civile, et ceci pour permettre justement à tous ceux qui aujourd’hui sont engagés dans cette lutte de bien comprendre la direction dans laquelle le mouvement « Ça suffit comme ça » peut ou doit mener le Gabon. A ce titre, le BDP a jugé utile, à seulement près d’un mois des élections législatives tant honnies par les Gabonais, de demander une clarification qui puisse mettre tout le monde sur la même longueur d’onde, de manière à permettre un combat optimal en fonction de l’objectif visé.

En d’autres mots, le BDP essaie ici de lancer une discussion sur ce que va être, ou doit être, le « plan B », un « plan B » qui ne peut s’imaginer valablement qu’en fonction d’un objectif clairement défini et compréhensible par tous.

Si, donc, cet objectif est de commencer, dans le cadre des élections législatives de 2011, le processus pouvant mener à la libération nationale, c’est-à-dire à une insurrection libératrice immédiate, la clarification ici demandée aidera la nation à se mobiliser, stratégiquement et idéologiquement, dans ce sens. Si, par contre, l’objectif est plus limité, c’est-à-dire ne consiste qu’à presser Ali Bongo en faisant appel à sa moralité pour qu’il accepte la transparence, ou même encore à simplement l’embarrasser par une élection boycottée par l’opposition sans rechercher ni violence ni insurrection ni blocage, alors il est important, également, que cet objectif soit mieux clarifié, pour que, idéologiquement et stratégiquement, la mobilisation se fasse dans ce sens pacifique et pondéré. Il n’y a aucun embarras à aller dans un sens comme dans l’autre, dès lors que l’une ou l’autre des options ou une combinaison des deux aurait comme résultat minimal l’affaiblissement, même moral, du régime en place. L’essentiel est de permettre une meilleure mobilisation autour d’objectifs clairs, quels qu’ils soient.

Autrement dit, les mots « changement » et « opposition » n’ont jamais, par le passé, été bien définis et à cause de cela, l’opposition gabonaise n’a jamais pu, même quand elle semblait unie, aller au bout d’une certaine logique. Or, pour cesser d’être des mots vagues, les mots « changement » et « opposition » se devaient d’être clairement définis pour que tous, peuple comme forces coalisées, comprennent non seulement l’objectif de ces coalitions, mais également le type de démarches dans lesquelles elles souhaitaient engager le peuple. Ceci était important surtout après qu’étaient nées au Gabon, depuis 1990, des tendances oppositionnelles se réclamant, par-ci, de l’ « opposition radicale » et, par là, de l’ « opposition conviviale », quand ce n’était pas tout simplement de l’ « opposition républicaine ». Dans ce contexte, seule la naïveté voudrait que l’on croie que l’on puisse unir au sein d’une  plateforme agissante commune des tendances aussi variées. Quand, idéologiquement, on a des tendances aussi variées au sein d’une coalition, on a, automatiquement, la recette de l’immobilisme, donc de l’échec.

 Pourquoi ? Parce que de telles coalitions ne peuvent tenir que dans des contextes où l’objectif visé est vague. Quand l’objectif devient plus précis, ce type de coalitions a tendance à voler en éclats, exactement comme on vient de le voir ces dernières semaines au Gabon suite au décès de Pierre Mamboundou. La coalition mise en place par « Ça suffit comme ça » a tout simplement commencé à se fissurer.

Expliquons.

Une opposition dite radicale, généralement, voudra aller au bout de la logique d’opposition, c’est-à-dire qu’elle sera toujours prête non seulement à se poser en alternative crédible visant à la prise du pouvoir, mais également à tout risquer et à tout sacrifier pour l’objectif d’un changement immédiat et par tous les moyens. Elle n’hésitera donc pas à se donner des objectifs de changement concrets qui viseraient à acculer le régime qu’elle combat et à le défaire. Bref, elle n’hésitera pas à organiser le chaos et l’ingouvernabilité en vue, justement, de mener à l’écroulement immédiat de la dictature, et ce par tous les moyens possibles.

Une opposition dite conviviale, elle, s’accommodera souvent de la satisfaction morale de « déranger » le régime, mais n’ira jamais au bout de la logique d’opposition. Ce type d’opposition, comme l’a démontré le cas Mba Abessole, n’hésitera pas souvent à justifier ses alliances contre-nature avec le régime en place par l’argument selon lequel le Gabon est un petit pays dans lequel on a besoin de préserver la paix. Ce type d’opposition finit souvent par se transformer en opposition alimentaire prisonnière du franc électoral et des postes politiques au sein du gouvernement des Bongo, gouvernement qu’elle dit pourtant combattre.

Enfin l’opposition républicaine, façon Gabon, se distinguera quant à elle par le besoin de rester, dans son opposition, conforme aux lois de la République. A ce titre, elle obéira à la lettre aux injonctions de la loi fixée par la dictature tout en affirmant pouvoir gagner le changement au Gabon par des voies démocratiques (les urnes), oubliant bizarrement que ni la Constitution ni les lois du Gabon telles que les Bongo les ont édictées ne leur permettraient jamais d’avoir gain de cause ni par le biais des urnes ni dans les recours juridiques déposés devant la Cour constitutionnelle. Privilégiant elle aussi le dialogue et la nécessité de préserver la paix, ce type d’opposition, électoraliste à souhait, finira  souvent ainsi par devenir une simple opposition de façade, dont le régime se servira souvent bien pour donner de la crédibilité à ses élections et, donc, pour entretenir l’illusion d’une République démocratique au Gabon.

C’est ce qui explique d’ailleurs pourquoi, ne s’étant jamais accordée sur un objectif commun qui soit simple, clair et compréhensible par tous, on a vu ces deux dernières semaines la coalition mise en place par le mouvement « Ça suffit comme ça » commencer à se fissurer : la crise au sein de l’UPG, les apartés de Louis Gaston Mayila et les volte-face et tergiversations de Maganga Moussavou découlent tous de ce flou artistique qui a souvent caractérisé la mise en place des coalitions politiques au Gabon et, par voie de conséquence, a souvent expliqué leurs ultimes échecs.  C’est parce que, en fin de compte, on a souvent coalisé chez nous des gens sans exiger d’eux qu’ils eussent défini, au préalable, non seulement à quel type d’opposition ils appartenaient, mais également jusqu’où ils étaient prêts à aller et quels types de sacrifices (individuels et collectifs) ils étaient prêts à consentir pour obtenir le changement qu’ils disaient souhaiter.

Pour tous ceux qui, au Gabon comme à l’extérieur du Gabon, souhaitent l’alternance politique immédiate, ces deux questions restent fondamentales. Or, il subsiste encore, dans le discours des uns et des autres au sein de la coalition mise en place par « Ça suffit comme ça », de cruelles contradictions et paradoxes qu’il faut tout de suite lever si le peuple doit être clairement situé quant à ce qu’on attend de lui et, surtout, si l’on veut que cette coalition réussisse.

« Réussir », oui, nous voulons bien, mais « réussir » quoi, exactement ?

Pour pouvoir évaluer la réussite ou l’échec d’une initiative, il convient que l’objectif en ait été clairement fixé, non pas avec des mots vagues, mais avec des prises de positions et des slogans qui ne laissent aucune ambiguïté sur la finalité recherchée. Fixer un objectif clair, c’est, en fin de compte, dans ce cas, se donner les moyens stratégiques et idéologiques de cet objectif, sans quoi on va dans tous les sens et on n’aboutit à rien.

La première question que les coalisés doivent débattre entre eux est la suivante : le slogan « pas de biométrie, pas de transparence, pas d’élections » est-il suffisamment clair pour tous quant à sa finalité ?

Pour notre part, nous répondrons  que « non »,  cet objectif n’est pas encore clair, non seulement dans les paroles que nous entendons de la part des leaders de la société civile et de l’opposition impliqués dans la mouvance actuelle, mais également pour un peuple gabonais qui attend toujours de ses leaders des slogans clairs. Autrement dit, la coalition mise en place par « Ça suffit comme ça » risque, elle aussi, d’échouer parce que, en fin de compte, son message souffre du même type d’incohérences méthodologiques et idéologiques qui ont fait l’échec des tentatives passées.

Il suffit, pour s’en rendre compte, d’analyser les contradictions, ambiguïtés et incohérences qui ressortent des discours de ses leaders :

INCOHERENCE 1 : Manque d’objectifs et de discours clairs

Comme nous l’avons suggéré plus haut, pour pouvoir évaluer la réussite ou l’échec d’un combat, il faut en posséder la lecture et la lisibilité totales, notamment en ce qui concerne son objectif ou ses objectifs. Quel objectif vise, dans ce cas, la coalition société civile – partis politiques qui demande actuellement le report de l’élection au Gabon ? Une simplification de la discussion, ici, consisterait à prendre les mots « report » et « transparence » et à les positionner comme la finalité que viserait la coalition « Ça suffit comme ça ». Mais, comme on peut le deviner, ceci voudrait dire, en quelque sorte, que si l’élection se tient sans transparence et une assemblée nouvelle se retrouve élue le 17 décembre prochain, la coalition « Ça suffit comme ça » aura échoué dans son objectif qui, dans ce cas, aurait été de mener au report des élections législatives pour permettre, au préalable, la mise en place des conditions de transparence qui s’imposent.

La question sera alors de savoir : si l’élection se tient, qu’est-ce que tout ce brouhaha aura apporté au peuple gabonais ?

Ce qui nous inquiète nous, au BDP, ce n’est pas tant la possibilité d’un échec garanti de la coalition (si les choses continuent dans le vague), mais les conséquences psychologiques de cet échec sur le peuple gabonais. Nous avons au Gabon un peuple déjà désabusé par 20 ans de tergiversations de la part d’une opposition qui n’a jamais été capable d’aller au bout d’une certaine logique. Au moment où, de par son remarquable travail, la société civile menée par le mouvement « Ça suffit comme ça » a pu faire renaître un semblant d’espoir en cette période électorale, nous craignons, nous au BDP, qu’un échec supplémentaire ne décourage irrémédiablement le peuple gabonais, qui ne sera plus jamais capable de suivre qui que ce soit à l’avenir qui viendrait, sur le terrain, leur conter l’illusion de la libération. Le seul gagnant dans cette équation sera inévitablement Ali Bongo qui aura non seulement pu faire élire sa propre assemblée pour remplacer celle laissée par son père, mais également, grâce justement à cette nouvelle assemblée lui acquise, pu consolider son pouvoir d’une manière qui ne laissera plus aucune marge de manœuvre réelle aux oppositions futures qui pourraient se monter ici et là.

Ce qui fait la gravité du potentiel d’échec de la revendication électoraliste actuelle est qu’elle prend appui sur une seule chose et un seul argument (l’élection législative), mais laisse de côté les autres aspects du problème à l’origine, justement, de l’impossibilité de tenir des élections transparentes au Gabon, c’est-à-dire les Bongo.

Autrement dit, il y a deux manières d’appréhender le combat politique tel que les Gabonais le mènent ou le vivent depuis, au moins, 20 ans. C’est soit on considère que le Gabon est un pays démocratique, auquel cas on décide de mener la lutte par le biais d’outils démocratiques cadrant parfaitement avec la loi gabonaise actuelle, y compris le futile espoir de voir le changement s’opérer par les urnes, soit on décide de se rendre à l’évidence que le Gabon n’est pas un pays démocratique, que le changement ne viendra pas par les urnes et que, dans ce cas, on doit simplement se refuser à se plier aux lois des Bongo, auquel cas on se sentirait obligé de sortir du cadre légal tracé par la dictature pour utiliser des outils de combat « hors la loi », quel qu’en soit le prix. On comprend ainsi aisément que de l’attitude choisie dépendront non seulement les attentes du peuple, mais également les méthodes et stratégies du combat à mener. Il devient alors facile, une fois le problème ainsi clairement posé, de savoir, d’avance, si le combat de « Ça suffit comme ça » a des chances d’aboutir au changement ou pas.

En d’autres termes, si la coalition mise en place par « Ça suffit comme ça » décide de confondre le Gabon avec un pays démocratique, son combat se résumera en un simple combat moral par lequel l’on fera d’Ali Bongo non seulement l’arbitre des événements et processus politiques au Gabon, mais également un être moral duquel on attendra un comportement moral. Par « combat moral », nous voulons dire une attitude qui voudrait que l’on s’enferme dans l’espoir que les appels répétés à la transparence électorale finiront bien par faire prendre conscience au dictateur du danger d’implosion ou d’explosion que son obstination implique et que, pour sauver le pays des griffes de la violence, son sens de la moralité finira bien par lui faire adopter, sans y être forcé, les réformes proposées par l’opposition.

Nous pensons, nous au BDP, que cette attitude serait non seulement naïve, mais également dangereuse car elle prédisposerait le pays à deux choses : le statut quo et la continuité du règne des Bongo au Gabon. Cette attitude, en définitive, montrerait que la société civile et l’opposition n’ont rien appris des 44 ans de régime bongoïste que le Gabon vit depuis 1967, c’est-à-dire un pays dirigé par des animaux. A quel moment les Bongo ont-ils montré qu’ils étaient capables de moralité ? Attendre une attitude morale des Bongo serait comme attendre d’un chien qu’il vous chante le mvet. Nous avons toujours affirmé au BDP qu’il est impossible de réformer les criminels. Les mêmes causes menant toujours aux mêmes effets, un homme qui naît mauvais reste mauvais toute sa vie. Les Bongo sont nés mauvais. Ils mourront tous mauvais. Espérer d’un Bongo le miracle de la moralité est un exercice en futilité qui fait perdre au pays un temps précieux, surtout quand, malgré les supplications du peuple, on ne voit aucun signe de recul de la part d’un dictateur qui, au contraire, baigne dans l’arrogance et organise l’arbitraire en toute impunité, comme le démontre sa promulgation unilatérale le 11 août 2011 d’une ordonnance portant modification du code électoral, modification qui a fini de gommer tous les timides acquis démocratiques de la conférence nationale de 1990.

Par contre, si la coalition mise en place par « Ça suffit comme ça » décide que le Gabon n’est pas un pays démocratique, alors elle utiliserait, immédiatement, l’étape morale ci-dessus comme prétexte pour justifier et organiser l’insurrection et l’ingouvernabilité au Gabon, et ceci dans l’immédiat (nous y reviendrons plus bas).

Pour résoudre, donc, cette première incohérence, il faut à la coalition mise en place par « Ça suffit comme ça » les démarches suivantes :

choisir la forme du combat à mener : combat moral avec au bout, la même situation de statut quo et la garantie d’une consolidation de la monarchie des Bongo au Gabon, ou combat de libération nationale, avec, au bout, l’adoption d’une logique insurrectionnelle garantissant le chaos, donc l’ingouvernabilité au Gabon et, donc, la chute des Bongo, pourquoi pas dès le mois de décembre ou pas trop longtemps après?

définir clairement l’objectif : s’agit-il simplement de tirer satisfaction morale du simple fait que la coalition, comme des mouches sur une vache, a « embêté » Ali Bongo en demandant le report d’une élection qu’ils savaient très bien allait se tenir si rien n’est organisé pour la bloquer, ou s’agit-il de tout faire pour bloquer cette élection par tous les moyens, ce qui suppose l’adoption immédiate d’une attitude insurrectionnelle à même de causer non seulement le blocage AVANT l’élection, mais également une réforme totale des institutions avant la tenue de toute nouvelle élection au Gabon ?

INCOHERENCE 2 : Bloquer l’élection ou laisser le PDG y aller tout seul ? Il faut choisir

Dans le discours actuel de la coalition « Ça suffit comme ça », on entend d’une part ses leaders dire : « on va laisser le PDG aller seul aux élections et avoir 100% des députés », mais, dans la même foulée, on entend d’autre part ces mêmes leaders parler de bloquer l’élection.

Il nous semble à nous, au BDP, que ces deux positions contradictoires sont intenables, et sont de nature à semer la confusion donc, l’immobilisme et la passivité, chez les Gabonais. C’est soit on s’organise pour laisser effectivement le PDG aller seul aux élections (boycott) pour en tirer une simple satisfaction morale qui ne changera pas pour autant la réalité d’une hégémonie du bongoïsme au Gabon (c’est ce qu’on appelle faire du « sur-place »), soit on décide qu’il faut bloquer l’élection, auquel cas on s’organise frontalement et fortement, pour l’insurrection, seule démarche effectivement capable de bloquer l’élection.

S’agissant de la position qui consiste à s’organiser pour embarrasser le régime en le laissant aller seul aux élections et, par la suite, à en tirer une simple satisfaction morale, nous disons, nous au BDP, que, quoiqu’une telle position puisse être, dans un certain contexte, acceptable dès lors que ce serait là en effet la finalité recherchée (embarrasser le régime), elle demeure néanmoins dénuée de tout sens et de tout effet politique dans la mesure où il serait, en réalité, impossible de totalement embarrasser le régime pour les raisons suivantes :

1 – ce ne sont pas les questions de moralité qui arrêteraient le régime, surtout pas au niveau d’une communauté internationale qui sait déjà, depuis 1990, que le Gabon n’est pas une démocratie. Une preuve de plus ou de moins de la dictature des Bongo ne change donc rien à la réalité vu que le monde entier le sait déjà. Au risque d’enfoncer déjà des portes ouvertes et de battre à l’excès un rat mort depuis 1990, avoir comme objectif d’embarrasser un peu plus le régime peut, certes, satisfaire le besoin de la continuité du combat, mais il faut tout de même admettre que ce n’est pas un embarras de plus ou de moins qui fera s’écrouler le régime des Bongo au Gabon, encore moins le plier à l’impératif moral d’une réforme immédiate. Nous avons déjà démontré plus haut que les Bongo n’ont jamais obéi aux impératifs moraux, donc espérer d’eux une prise de position morale sans les y forcer par tous les moyens est un signe de naïveté de la part de ceux qui croient en cette hypothèse. Autrement dit, même si seulement 5% des Gabonais vont voter en décembre, cela n’arrêtera pas le régime. Les Bongo proclameront fièrement leur victoire et sableront le champagne avec leur cour de malfrats, comme à leur habitude.

2 – il serait impossible pour le PDG d’obtenir 100% de députés à l’Assemblée nationale, non seulement parce que le régime est capable de se créer sa propre opposition (ce qui est déjà le cas), mais aussi parce que, en même temps, il existe des partis de renom historique qui lui sont alliés et auxquels, pour des raisons simples de crédibilité de l’élection, le parti au pouvoir sera bien obligé de laisser quelques miettes. Le RPG, le PSD et bien d’autres, y compris des indépendants affiliés ou non affiliés, seront largement suffisants pour donner l’illusion d’une élection crédible au Gabon, surtout que, cette fois-ci, le régime n’aura même pas besoin d’organiser la fraude car il n’aura rien à craindre de ses alliés de l’opposition conviviale, qui se contenteront bien des 20 députés que le régime donne souvent à l’opposition pour continuer à subsister.

En d’autres termes, dès lors que le régime aura permis aux opposants conviviaux de prendre 20 députés, et aux affiliés de prendre 10 autres sièges, permettant ainsi au PDG de s’en tirer avec 90 députés sur 120 (75%), on sera très loin des 100% qui, selon l’opposition, serviraient à embarrasser le régime. Si, donc, l’objectif de l’embarrasser dépend de si oui ou non le PDG obtiendrait 100% des députés à l’Assemblée nationale, alors force est de reconnaître que c’est là un objectif futile et sans conséquence politique. Il suffira au PDG de se situer dans les mêmes nombres que ceux de la législature passée, ou même de permettre à son opposition conviviale de gagner 5 députés en plus, pour « prouver » au monde qu’il y a des avancées démocratiques perceptibles au Gabon puisqu’il y a un « recul » du PDG et une « avancée » de l’opposition. Il n’y a donc aucun sens à dire aux Gabonais que le PDG aura 100% de députés quand on sait que cela est impossible et, en même temps, ne constitue pas un objectif politique viable. Tout ce qui attend le Gabon, au bout de cette logique, c’est une Assemblée bien aux mains du PDG et, surtout, la consolidation du pouvoir des Bongo au Gabon. En gros, il s’établira une illusion de démocratie qui affaiblira un peu plus l’opposition gabonaise. Il faut donc à la société civile arrêter d’avancer cette raison comme argument de boycott. Les 100% sont impossibles.

3- quand à l’argument selon lequel Ali Bongo serait embarrassé sur le plan international par le fait d’aller aux élections tout seul avec son PDG, le BDP pense que cet argument, non plus, ne tient pas la route, non seulement pour les raisons que nous venons d’évoquer plus haut, mais aussi parce que, justement, un simple « recul » bien calculé du PDG fausserait l’argument d’une dictature grandissante au Gabon. Par ailleurs, le PDG pourrait utiliser un argument démocratique simple selon lequel la liberté d’expression, c’est aussi le droit de boycotter une élection. Dès lors qu’un citoyen se refuserait à aller voter, il ferait ainsi, théoriquement, usage de son droit de ne pas aller voter, qui constituerait, dans ce cas, une forme de vote acceptable sur le plan de la démocratie. Certes, l’abstention qui en résulterait constituerait un vrai problème de légitimité, donc de moralité pour un régime moral, mais dans le Gabon des Bongo, qui se préoccupe de la moralité des choses ? Les membres du régime PDG sableront le champagne. Tant que les questions de moralité ne seraient pas de nature à leur enlever le pouvoir, ils se foutront royalement qu’ils aient gagné l’Assemblée avec seulement 5% de participation et 95% d’abstention.

Pire, la coalition organisée par « Ça suffit comme ça » démontrerait même qu’elle a une lecture tronquée, voire incompétente, de comment la communauté internationale lit les politiques intérieures des nations. Le PDG est, avant tout, un parti politique qui ne se confond pas automatiquement avec les autres, même quand il y a des alliances entre lui et les divers partis satellites. Tandis que nous, Gabonais, savons reconnaître et condamner le problème des partis satellitaires du PDG, la communauté internationale, elle, a des critères autres. Dès lors que ces autres partis sont juridiquement différents du PDG et se retrouveraient avec des élus et dès lors qu’il y aurait des candidats indépendants affiliés au régime ou pas, tout ce que la communauté internationale verrait c’est que le PDG a eu en face de lui des partis et des candidats indépendants, donc une opposition. La communauté internationale, dans sa lecture de l’élection, ne va pas s’embarquer dans des analyses complexes concernant les partis conviviaux ou les alliances. Elle verra que le PDG n’était PAS SEUL, aux élections.

Par ailleurs, nous commettons souvent l’erreur, au Gabon, de confondre la notion d’opposition à la seule opposition constituée par les ténors ou leaders historiques de l’opposition plus ou moins radicale. Notre lecture limitée du mot « opposition » fait souvent que nous nous disions que si des gens comme Mba Obame, Eyegue Ndong ou feu Pierre Mamboundou ne font pas partie du processus électoral, l’élection ne peut pas être crédible. Si, sur un plan moral, une telle attitude a son sens, sur le plan de la « realpolitik », elle n’a aucun sens du tout car on ne peut réduire, surtout pas sur le plan international, l’idée d’une opposition à quelques partis ou quelques personnages. Dès lors que le parti au pouvoir aurait en face de lui sur chaque siège convoité des entités partisanes juridiquement indépendantes qui lui feraient front, il a une opposition. Du coup, la non-participation de l’opposition reconnue radicale ou historique ne veut en rien dire absence d’opposition aux élections. Dès lors, la communauté internationale ne manquera pas, une fois de plus, de trouver le processus électoral au Gabon « acceptable » même si, sur le plan de la moralité, il subsistera des interrogations.

Les conséquences de laisser le PDG organiser ces élections et y aller seul sont donc incalculables et, nous le pensons, hautement détrimentales pour la suite du combat politique au Gabon. S’il est facile de deviner que le PDG, parce que, justement les ténors de l’opposition auront boycotté, ne se sentira pas obligé de frauder pour gagner, alors nous risquons bel et bien de nous retrouver, cette année au Gabon, à constater l’élection la plus transparente de l’histoire de la République, ce qui, aux yeux de la communauté internationale, sera comme si le Gabon avait fait un bond démocratique considérable, alors qu’il y aura eu, en réalité,  régression des droits citoyens au Gabon.

La seule manière de remédier à cette deuxième incohérence consiste d’une part à s’éloigner des discours sans sens qui postulent la possibilité pour le PDG d’obtenir 100% de députés à l’Assemblée nationale, et d’autre part, à choisir clairement entre le blocage et … le blocage, seule démarche viable et crédible en l’état actuel des choses.

INCOHERENCE 3 : Y aura-t-il élection ou pas ?

La troisième incohérence est, justement, celle qui a consisté, pour les leaders de la coalition « Ça suffit comme ça », à dire une chose et son contraire en même temps. S’organiser pour le boycott d’une élection ne veut pas dire la même chose que s’organiser pour bloquer une élection. Or, sur ce plan, on en a entendu de toutes les couleurs. Par exemple :

1 – Certains leaders de la coalition « Ça suffit comme ça » ont affirmé avec certitude et sans retenue qu’il n’y aura pas d’élection en décembre. Dire qu’il n’y aura pas d’élection en décembre supposerait, donc, qu’il y a un « plan B » qui garantit, justement, qu’il n’y aura pas d’élections. Or, ce sont ces mêmes leaders qui disent qu’ils veulent laisser le PDG aller seul aux élections. C’est cela, justement, le type de contradictions qui embrouille, puis jette dans la confusion, les Gabonais. Surtout que, dans le cas spécifique de cette contradiction, elle a tendance à démobiliser plutôt qu’à mobiliser les Gabonais. Autrement dit, quand on déclare, d’une part, qu’on veut laisser le PDG aller seul aux élections, soi-disant pour l’embarrasser, cela veut dire, d’autre part, qu’on ne va rien organiser pour empêcher l’élection, puisque le but est tout simplement d’embarrasser le régime. Or, cette position ambiguë ne s’accommode pas du tout de la position du blocage. Il faut choisir : c’est soit on adopte comme objectif de laisser le PDG organiser son élection, auquel cas on s’organise vraiment pour l’embarrasser (encore faut-il bien définir la nature de cet embarras), soit on décide de tout faire pour la bloquer, cette élection, auquel cas on s’organise vraiment pour en empêcher la tenue. Chacune de ces deux positions peut mobiliser les populations dans un sens comme dans l’autre, mais on ne peut pas valablement les mobiliser dans les deux sens à la fois. La conséquence d’une telle confusion ne peut que mener à un peuple non mobilisable, donc, à une débâcle politique certaine de la part de l’opposition qui, sans le savoir, aura contribué directement et indirectement à la survie politique d’Ali Bongo, voire même au renforcement du pouvoir du dictateur, pour cause d’une opposition inexistante et, partant, sans crédibilité.

2 – Certains leaders de la coalition « Ça suffit comme ça » ont même tenu des discours contradictoires sur la notion de boycott. Certains ont dit qu’ils n’allaient ni utiliser le mot « boycott » ni donner quelque mot d’ordre précis aux populations que ce soit, l’idée étant ici que les leaders devaient tout simplement ne pas se présenter aux élections et laisser le peuple décider d’aller voter ou pas. Le seul problème avec cette démarche est que l’on aboutirait, encore une fois, aux mêmes paradoxes par lesquels nos leaders n’ont jamais su proposer au peuple une ligne de conduite précise leur permettant de parler le même langage. Il nous semble à nous, au BDP, que si le boycott devient, en effet, le choix final de tous, encore faut-il décider si l’on veut un boycott passif (par lequel les leaders de l’opposition refuseraient de présenter leurs candidatures sans toutefois donner de mots d’ordre au peuple) ou un boycott actif (consistant à donner un mot d’ordre précis aux populations, comme par exemple ne pas aller voter, rester à la maison et, donc, au minimum, causer un taux d’abstention tel que le pouvoir sera en effet embarrassé, même si, au bout, la situation politique resterait essentiellement inchangée).

Soutenir, donc, l’idée d’un boycott en même temps que l’on parle de bloquer l’élection ne peut constituer un discours cohérent. Tout comme n’est pas cohérente l’idée de ne donner ni mot d’ordre ni clarification de ce que l’on veut obtenir réellement par l’option de la non participation aux élections. La seule manière de remédier à cette troisième incohérence consiste donc, soit à avancer dans le sens d’un boycott passif ou actif (selon l’objectif visé), soit à s’engager résolument sur la voie du blocage. L’un ou l’autre des choix appelle des stratégies différentes, des mots d’ordre différents et des méthodologies différentes. Tenir les deux discours à la fois aura comme seule conséquence de démobiliser les populations car on les met dans un vacuum d’incertitude où elles ne sauraient plus si l’élection va se tenir ou pas, encore moins ce qu’on attend d’elles (rester passivement à la maison ou s’organiser pour tout casser).

INCOHERENCE 4 : Le peuple, sollicité ou pas ?

On entendra souvent les leaders de la coalition « Ça suffit comme ça » dire des choses comme : « Nous savons ce que nous faisons. Nous avons des stratégies, mais nous ne pouvons pas les dévoiler publiquement ; les Gabonais doivent attendre de voir ce que nous ferons ». Ce type de paroles constituent une double erreur stratégique car amenant à une attitude qui est hautement contre-productive. Une telle attitude serait même de nature à faire échouer un projet insurrectionnel bien pensé si un tel projet existe quelque part.

D’abord parce que prétendre avoir un « projet secret » quand on vit sur le terrain au Gabon même serait un grave signe de naïveté. Le BDP ne voit tout simplement pas comment, sur le terrain au Gabon, l’opposition pourrait tenir une réunion secrète sans qu’Ali Bongo sache ce qu’elle prépare. Non seulement le dictateur écoute toutes les communications téléphoniques des opposants, il dispose aussi, au sein même de l’opposition, de taupes et autres infiltrés qui font semblant d’être avec l’opposition, mais qui en même temps rapportent tout ce qui se dit à Ali Bongo. Il n’y a donc rien que les leaders actuellement regroupés au sein de la coalition « Ça suffit comme ça » puissent garder secret.

Ensuite parce que cette manie de dire aux populations que « nous savons ce que nous faisons, faites-nous confiance, nous ne pouvons tout simplement pas dire publiquement nos stratégies » a tendance à se transformer en acte démobilisateur. Autrement dit, une population à qui des leaders disent : « restez chez vous, nous savons ce que nous faisons » comprend un tel message comme une manière pour les leaders de leur  dire : « Nous n’avons pas besoin de vous. Nous  allons nous-mêmes vous débarrasser du dictateur ». Il ne faut pas alors s’étonner quand ces leaders appellent finalement le peuple à se mobiliser et que ce dernier ne répond pas à l’appel. C’est que l’opposition n’a jamais compris que c’est elle-même, par ses attitudes trop suffisantes, qui démobilise généralement le peuple, tout simplement parce que ces attitudes font croire au peuple que la libération du Gabon ne les engage pas puisque les leaders eux-mêmes disent savoir ce qu’ils font et vont, donc, libérer le Gabon tous seuls depuis leurs salons de velours. Une opposition responsable doit savoir qu’une révolution que l’on veut populaire, agissante et porteuse ne se passe pas dans les salons de velours, mais dans la rue, c’est-à-dire avec le peuple. Si l’on compte sur le peuple comme une arme fatale que l’on peut et doit mobiliser contre le dictateur, alors il devient anachronique de dire à ce même peuple de rester tranquille parce que les leaders savent ce qu’ils font. Ce schisme entre leaders englués dans leur suffisance et peuple confus par le manque de mots d’ordre clairs a toujours été à la source des échecs de notre opposition au Gabon.

Devant une telle réalité, la seule arme qui permette de défaire cette incohérence c’est justement, d’une part, la nécessité de ne préparer que des actions que le régime ne peut empêcher et, de l’autre, le besoin de dire directement, sur la place publique, ce que l’opposition a l’intention de faire et ce qu’elle attend exactement du peuple. Cela demande, en gros, de mettre en place, en fonction de l’objectif, un plan de boycott ou un plan insurrectionnel dont les grandes lignes seraient annoncées publiquement et des mots d’ordre clairs et directs lancés qui doivent, à chaque étape, associer les populations.

Il faut donc sortir de l’illusion des « plans secrets » ou des « stratégies secrètes » dans un pays où le secret est impossible, et mettre directement sur la place publique une démarche politique qui soit claire, que le régime ne peut empêcher sans creuser sa propre tombe, et qui aille droit au but et explicite concrètement, pour les populations, ce qu’on attend d’elles. Toute autre démarche est vouée à l’échec. Il ne faut pas mettre les populations dans une situation où elles doivent avoir à interpréter, déchiffrer ou deviner les intentions de ses leaders. On ne doit pas parler au peuple par codes secrets, paraboles ou proverbes. Le message à l’endroit du peuple doit toujours être simple et explicite.  Le message simple, c’est dire au peuple : « Bon, allez, ça suffit comme ça, on casse à partir de cette date et voilà comment on casse ». Un point, un trait.

INCOHERENCE 5 : « Ça suffit comme ça » ou « Les Bongo suffisent comme ça » ?

Dans la dénomination « Ça suffit comme ça », qui est bien choisie d’ailleurs, on voit tout de suite un nom symbolique qui exprime le ras-le-bol du peuple. Bien. Seulement, l’on comprendra aisément aussi qu’il subsiste, dans cette dénomination, un flou qu’il faut stratégiquement suppléer au travers des mots d’ordre que l’on donne au peuple. Autrement dit, il est important, non seulement pour les leaders, mais également pour le peuple, de se poser la question de savoir « qu’est-ce que c’est que cette chose qui suffit comme ça ? » Qu’est-ce que c’est que ce « ça » qui suffit comme ça ?

 En d’autre termes, sans une définition claire de ce « ça » qui « suffit », le flou et la confusion ne manqueront pas, une fois de plus, de mener à l’échec de la belle entreprise commencée et inspirée par nos frères de la société civile au Gabon.

Autrement dit, le « ça suffit » qui va avec le « comme ça » a-t-il été suffisamment défini pour laisser clairement entrevoir aux populations la démarche et le cheminement spécifiques que ce ras-le-bol partagé par tous doit impliquer ? Par exemple, ce « ça suffit comme ça » est-il une démarche qui se limite au slogan « pas de biométrie, pas de transparence, pas d’élections », ce qui veut dire une simple démarche électoraliste n’ayant d’autre but que d’aller quémander la transparence électorale auprès d’Ali Bongo, ce qui veut dire que si Ali Bongo refuse, on rentre chez soi la queue entre les pattes ? Ou s’agit-il, en fin de compte, de profiter du succès de la démarche de la société civile pour aller au-delà de la question électorale et exiger une totale remise en cause du régime Bongo, Ali Bongo compris ?

A quel moment, par exemple, passe-t-on du « Ça suffit comme ça » (qui suppose qu’on peut se satisfaire de la présence d’Ali Bongo au pouvoir puisqu’il n’est pas directement remis en cause) à « Bongo doit partir » (qui suppose une remise en cause et de Bongo et de tout le système qui le maintient au pouvoir) ?

Or, à ce niveau, il n’y a jamais eu clarté. Les leaders de « Ça suffit comme ça » ont ainsi, dans leurs discours, entretenu une contradiction insupportable. Car, tandis que, d’une part, ils semblaient partager avec les populations le désir de réformer totalement les institutions de la République en vue d’une transparence électorale absolue, de l’autre, ils entretenaient la contradiction en disant que leur objectif n’est pas de remettre en cause la légitimité d’Ali Bongo car, pour eux, ce débat de la légitimité d’Ali Bongo serait dépassé ; pour eux, puisque Ali est là, on traite avec lui.

Nous, au BDP, nous trouvons ce discours contradictoire extrêmement grave et contre-productif. Pire, c’est ce type de discours qui a tendance à entretenir la confusion au sein des populations, et donc à les démobiliser. Pourquoi ? Parce que cela montre que ces leaders qui entretiennent la confusion dans leurs discours ne se rendent même pas compte que c’est par de telles contradictions qu’ils tuent eux-mêmes dans l’œuf le potentiel insurrectionnel que, parfois, ils suscitent de par des initiatives pourtant porteuses comme on le voit actuellement avec « Ça suffit comme ça ».

Ce qui, par exemple, nous est parvenu de l’une des réunions société civile – partis politiques à Libreville est qu’un jour, Luc Bengone Nsi du MORENA avait proposé avec force que, dans les revendications de la commission bipartisane société civile – opposition mise en place par « Ça suffit comme ça », l’on devait insister sur le besoin de remettre en cause la légitimité d’Ali Bongo. Il semble que tout le monde se soit opposé à cette recommandation de Bengone Nsi et que le pauvre homme aurait même été rabroué.

Erreur grave. Nous, au BDP, disons ici que c’est Monsieur Bengone Nsi qui avait raison, et tous les autres avaient tort. Pourquoi ?

Parce que, tout simplement,

1. Ne pas remettre en cause  la légitimité d’Ali Bongo dans le combat pour la transparence électorale au Gabon montre une mauvaise analyse de la situation politique gabonaise par la classe politique et civile qui s’active aujourd’hui dans l’opposition. En effet, les leaders qui aujourd’hui réclament la mise en place des conditions de transparence électorale au Gabon auraient-ils oublié que le système dont ils veulent la transparence au niveau des élections législatives est le même que celui qui a conduit Ali Bongo au pouvoir ? Si, donc, cette élection législative se tenait, ne serait-elle pas en ses résultats la simple continuité du système électoral qui a donné le pouvoir à Ali Bongo ? On ne peut donc pas, à moins d’être d’une naïveté insupportable, éviter, d’une part, de remettre en cause la légitimité d’Ali Bongo et, de l’autre, décider de ne pas reconnaître la légitimité de l’Assemblée qui sortira des urnes en décembre 2011. C’est soit on considère qu’Ali Bongo est légitime, ce qui, automatiquement, veut aussi dire que l’Assemblée issue des élections de décembre 2011 sera légitime, soit on considère qu’Ali Bongo est illégitime, ce qui veut dire que l’élection législative de décembre 2011 sera elle aussi considérée illégitime puisque découlant des mêmes tares électorales et constitutionnelles qui maintiennent les Bongo au pouvoir depuis 44 ans.

Autrement dit, donc, la mise en cause de la légitimité d’Ali Bongo est inséparable de toute revendication électorale au Gabon. On ne peut donc pas dire d’une part qu’on accepte Ali Bongo, mais que, d’autre part, on refuse le résultat des élections législatives, ou qu’on accepte le résultat des élections de décembre 2011, mais qu’on refuse la légitimité d’Ali Bongo. Pour que la démarche soit cohérente, on doit comprendre que si l’on refuse la légitimité des élections législatives de décembre 2011, on doit également, obligatoirement, remettre en cause le pouvoir d’Ali Bongo.

Cela veut donc dire que, comme l’avait recommandé Bengone Nsi, dans tous les discours de tous les leaders de la société politique et civile, on doit non seulement rejeter cette élection législative en continuant d’affirmer « pas de biométrie, pas de transparence, pas d’élections », mais on doit également ajouter à cela le refus de reconnaître Ali Bongo comme président du Gabon. Cela signifie que quand un leader de l’opposition actuelle ou un citoyen gabonais appellera Ali Bongo « président de la République », il faut tout de suite dire qu’il n’est pas sincère avec le combat. On ne peut pas souhaiter la transparence dans un système considéré non-transparent et appeler « président » un homme sorti de ce système. Il faut donc bannir du discours politique de l’opposition tout vocabulaire tendant à parler d’Ali Bongo comme le « président de la République ».

Cela nous ramène à la notion de « ça » qui se trouve dans la dénomination « Ça suffit comme ça ». Autrement dit, une fois que l’on a compris que la remise en cause des élections législatives de décembre 2011 doit également entrainer une remise en cause directe et sans ambages de la légitimité d’Ali Bongo,  alors il faut explicitement dire aux populations gabonaises que la notion de « Ça suffit comme ça » ne se limite pas qu’à la question de la transparence électorale pour décembre 2011. Elle va au-delà et affirme qu’Ali Bongo, dont le pouvoir est issu du même système de fraude, ne saurait être considéré comme le président légitime du Gabon. Bien au contraire, Bongo Ali doit partir. Parmi les mots d’ordre de « Ça suffit comme ça » devrait donc se trouver l’interdiction, chez tout Gabonais qui se veut vraiment de l’opposition et patriote, d’appeler Ali Bongo « président de la République ».

Pourquoi cette démarche est-elle importante ? Elle l’est parce que, sur un plan stratégique, le pouvoir d’Ali Bongo s’écroulera ou se consolidera plus facilement selon que les Gabonais le reconnaîtront ou non comme président de la République. Continuer à brandir l’illégitimité d’Ali Bongo est donc, en soi, une arme redoutable dont l’opposition ne peut se passer, une arme qui, en réalité, accomplit 50% du travail de sape (un travail psychologique) qui doit être fait pour délégitimer le pouvoir des Bongo au Gabon et, donc, l’affaiblir aux fins de mener à son écroulement ultime. Par ailleurs, sur un plan purement politique, il est important d’expliquer aux populations le lien entre le système constitutionnel gabonais et l’illégitimité d’Ali Bongo. Dès lors que tout le monde comprendra que toutes les fraudes et manipulations électoralistes et constitutionnelles dont les Gabonais se plaignent depuis 44 ans, et ceci depuis le parti unique jusqu’à la conférence nationale de 1990, puis depuis la conférence nationale jusqu’à aujourd’hui, n’ont eu d’autre but que le maintien au pouvoir des Bongo, et que toute révision du système constitutionnel au Gabon qui aurait pour but d’établir l’état de droit devrait automatiquement aboutir à la fin naturelle du pouvoir des Bongo, force sera de constater que c’est pour les Bongo et à cause des Bongo que le déficit démocratique existe au Gabon.

Quand, donc, nous parlons de doter le Gabon d’un état de droit, nous parlons, en réalité, de l’obligation d’en finir avec le régime des Bongo puisque le système de fraude et de dictature mis en place au Gabon depuis 44 ans avec ses constitutions sur mesure et ses arbitraires juridiques n’a eu d’autre but que le maintien au pouvoir des Bongo. La notion de « Ça suffit comme ça » doit donc être liée dans les discours des uns et des autres aux Bongo de manière claire si elle veut être cohérente. Autrement dit, au Gabon, ce ne sont pas juste les élections frauduleuses et non transparentes qui suffisent comme cela. Ce qui suffit aussi, ce sont également les Bongo. Il faut donc que l’on accole à la notion « ça suffit comme ça » une tout autre qui dirait « Les Bongo suffisent comme ça », ou tout simplement, Bongo doit partir. Sans cela, elle restera sur le plan idéologique, une notion incomplète.

2. Une des conséquences de ce qui précède, c’est-à-dire de cette fâcheuse tendance des leaders de l’opposition à ne jamais vouloir remettre en cause Ali Bongo directement est que, implicitement ou explicitement, on aboutit à une sorte de reconnaissance d’Ali Bongo comme président du Gabon. D’où, également, la tendance, pour cette opposition, à faire d’Ali Bongo l’arbitre de l’évolution politique du Gabon. Autrement dit, pour que les choses changent, nos leaders attendent d’Ali Bongo qu’il soit lui-même l’acteur ou le promoteur volontaire, juge et partie, de ce changement. Or, comme nous l’avons dit plus haut, on attend ainsi une attitude morale d’un homme qui n’a jamais fait montre d’aucune moralité. Si, en fin de compte, on continue d’attendre d’Ali Bongo qu’il soit lui-même responsable de décider de si oui ou non il accepte la réforme, on attendra longtemps puisque toute réforme vers la démocratie lui serait automatiquement fatale. Aucun Bongo ne pouvant gagner aucune élection qui soit véritablement transparente au Gabon, la transparence électorale voudrait dire la fin politique des Bongo. L’opposition doit donc comprendre qu’elle se trouve dans un combat de survie politique, donc de vie ou de mort, avec une famille qui, comme celle de Kadhafi en Libye, sait que son pouvoir ne tient qu’au maintien de la dictature. Ali Bongo ne pourra donc partir que forcé ou lynché par les Gabonais, comme ce fut fait avec Kadhafi en Libye.

La seule manière, donc, de s’acquitter de cette incohérence serait pour l’opposition et la société civile de tout simplement non seulement remettre en cause frontalement la légitimité d’Ali Bongo, mais également d’engager toute l’opposition dans des stratégies visant à disqualifier Ali Bongo de ce rôle d’arbitre de la destinée nationale que l’opposition, par ses tergiversations, a tendance à lui confier. Autrement dit, il faut à l’opposition se mettre dans une attitude insurrectionnelle qui dit : « Ali Bongo, on s’en fout. On fera le Gabon nouveau avec ou sans lui, qu’il le veuille ou pas ». Il existe une multitude d’actions publiques et directes dans ce contexte qui peuvent mener à une délégitimation rapide d’Ali Bongo et à l’écroulement de son régime. Mais, quoi qu’elle fasse, l’opposition doit savoir que sa toute première arme est d’affirmer l’illégitimité d’Ali Bongo. Cette première arme accomplit 50% du travail. La seconde arme est le peuple. Cette seconde arme accomplit les 50% de travail restants. Gagner le combat contre les Bongo consiste donc tout simplement à jouer savamment du paramètre légitimité ainsi que du paramètre peuple.

INCOHERENCE 6 : Qui sont les ennemis que le peuple doit combattre ?

L’opposition au Gabon a tendance à vouloir mener des combats vagues dans lesquels on dit tout et on ne dit rien en même temps, on parle beaucoup, mais on ne dit rien de spécifique, avec comme corollaire de tout cela des stratégies qui vont tellement dans tous les sens qu’on aboutit à l’immobilisme. C’est ainsi qu’au Gabon, on voit des oppositions se créer, comme nous l’avons dit plus haut, non seulement sans avoir défini une idéologie claire, mais également sans avoir clairement désigné les ennemis qu’elles combattent et la démarche à adopter pour avoir raison de ces ennemis.

Autrement dit, aucun combat contre la dictature ne peut être mené efficacement à finalité sans que les ennemis du peuple aient été clairement désignés. A ce niveau, il est obligatoire, pour un combat efficace, que les ennemis que le peuple doit combattre soient clairement désignés. Pour le BDP, ces ennemis sont au nombre de trois : Ali Bongo, Rose Rogombé et Madeleine Mborantsuo. Nous disons au BDP que ce sont là, pour nous, les candidats les plus obligatoires au lynchage public par le peuple gabonais. Dès lors que le régime des Bongo ne tiendrait principalement qu’à ces trois piliers, il est essentiel que ces trois personnes soient directement et frontalement vilipendées dans les discours publics, que le peuple soit éduqué à les haïr et que, enfin, toute l’énergie des Gabonais soit concentrée sur le besoin d’une décapitation immédiate de régime centrée autour de ces trois personnes. Les Gabonais doivent les traquer, les chercher, et, le jour où ils les trouvent, faire ce qu’ils doivent faire pour débarrasser le pays de ces nuisances.

Il est à ce niveau étonnant que, dans toute la campagne jusqu’ici menée par « Ça suffit comme ça », la tête, au minimum, de Madeleine Mborantsuo n’ait pas été demandée. Cette stratégie d’évitement est préjudiciable. Le slogan actuel de « Pas de biométrie, pas de transparence, pas d’élections » aurait dû être, au minimum, complété par la demande directe du départ de Mborantsuo dans les slogans publics, et le slogan de ralliement devenir « Pas de biométrie, pas de transparence, pas d’élections, Mborantsuo dehors »

Il faut donc, pour remédier à cette incohérence, rapidement changer de ton et mettre au centre du combat la nécessité de cultiver, puis de concentrer, la haine des Gabonais vers ces trois personnes et clairement expliquer pourquoi rien ne changera au Gabon tant que ces trois personnes seront au pouvoir et dirigeront le pays par un arbitraire qui consiste, tout simplement, à prendre, chaque jour un peu plus, le pays en otage aux fins de pérenniser le pouvoir des Bongo au Gabon. Le BDP a beaucoup écrit sur ce sujet et il suffirait aujourd’hui de s’engager résolument sur cette voie.

INCOHERENCE 7 : Chacun doit prendre ses responsabilités

On entend aussi parfois les leaders de la coalition « Ça suffit comme ça » dire que ce n’est pas à eux de dire aux Gabonais ce qu’ils doivent faire et que chacun doit tout simplement prendre ses responsabilités. On ne peut pas, dans un contexte idéal, disputer cette position car elle est logique. Dans un pays confronté à la dictature comme le nôtre, cela va prendre la participation et l’engagement de tous au combat si nous voulons réussir le projet de libération nationale qui nous tient tous à cœur. Le seul « hic » de cette position est que, quand on a affaire à un peuple non seulement traumatisé par 44 ans de bongoïsme, mais aussi désabusé par 20 ans de tergiversations politiques au sein de l’opposition, un tel peuple devient difficilement mobilisable par le simple idéal qu’il partage avec ses leaders. Il a toujours semblé que, tandis que ce peuple, à chaque étape du combat, a toujours été prêt à se lancer, ce sont plutôt les leaders qui ont tempéré ses ardeurs soit par des appels au calme comme ce fut le cas en 2009, soit par l’absence de mots d’ordre clairs, comme cela a trop souvent été le cas. A cause de cela, le peuple gabonais s’est mis à la recherche non pas simplement d’un leader politique, mais également d’un véritable chef de guerre capable de l’organiser, puis de le lancer à la conquête de son pouvoir par tous les moyens. Désormais, le peuple compte beaucoup plus sur les mots d’ordre de ses leaders pour s’élancer. Dans ce contexte, toute absence de mot d’ordre clair et précis garantit plutôt l’échec. C’est d’ailleurs la leçon principale que le BDP a tirée non seulement de l’après-élection présidentielle en septembre 2009, mais également de la tentative avortée de Mba Obame de se proclamer président de la République en 2011. En réalité, malgré les quelques échauffourées de Port-Gentil en 2009, il est apparu évident au BDP que le peuple gabonais, en 2009 comme en 2011, attendait des mots d’ordre précis de ses leaders qui ne sont jamais venus. Et parce que ces mots d’ordre ne sont jamais venus, ils n’ont pas su quoi faire par eux-mêmes, et pour qui le faire.  Une chose est, certes, de se lancer dans la rue pour tout casser, une autre est de savoir s’il existe un leader pour assumer toute cette casse et donc, être porté au pouvoir si le chaos entraîne la chute du régime. Le problème au Gabon est que tous les grands leaders ont toujours soigneusement évité de porter directement la responsabilité d’un soulèvement populaire qui tournerait au chaos.

Autrement dit, les leaders gabonais doivent arrêter de croire en l’illusion des révolutions spontanées. Aucune révolution, en réalité, ne se fait de manière spontanée. Les révolutions sont toujours organisées et menées par des hommes et des femmes d’initiative qui, ouvertement ou clandestinement, savent saisir les moments de l’histoire et lire dans les signes des temps et des événements. Ce sont eux qui organisent les autres et les autres, dans ce cas, ne font que suivre. L’histoire du Gabon a tendance à montrer que si nos leaders ne montent pas au créneau pour dire « on casse », les chances de voir le peuple se mettre à « casser » sans objectif précis sont nulles. Encore faut-il entretenir cette « casse » suffisamment longtemps dans la durée pour que ce désordre puisse amener à l’objectif escompté, c’est-à-dire la fin des Bongo au Gabon.  Or, pour cela, il faut des leaders avec des couilles et n’ayant aucune peur d’endosser la responsabilité du chaos causé par le peuple déchaîné.

Le BDP affirme donc que son analyse de la psychologie du Gabonais exige que des leaders qui ont la capacité de mobiliser les Gabonais, c’est-à-dire ceux que les Gabonais écoutent, montent au créneau pour leur dire sans langue de bois ce qu’ils attendent du peuple, quels que soient les risques encourus, quelles qu’en soient les conséquences. C’est donc à ces leaders d’organiser ce peuple en vue de l’objectif recherché dès lors qu’un tel objectif aurait des contours insurrectionnels. La tendance à ne donner aucun mot d’ordre précis et à dire « chacun prend ses responsabilités ; chacun fait ce qu’il veut de son côté », sans effort de coordination minimale du combat, est une attitude qui voue à l’échec toute initiative qui aurait pu être porteuse.

Dans le combat actuellement mené par le mouvement « Ça suffit comme ça », cette ambiguïté du discours doit être supprimée. Si l’on veut que le peuple casse, il faut l’organiser pour la casse et ensuite lui dire de casser, tout cela dans un contexte stratégique bien étudié dans son crescendo jusqu’au moment crucial où ça passe ou ça casse.

INCOHERENCE 8 : Le Gabon changera par les urnes ou pas ?

Cette dernière incohérence est celle qui consiste pour l’opposition à continuer à croire que le Gabon pourra changer par autre chose que la violence. D’où la tendance qui consiste pour cette opposition à dire, dans ses discours, que le régime veut les « faire tomber dans le piège de la violence » en les poussant à poser des actes hors-la-loi. Cette bizarre attitude de l’opposition démontre à suffisance deux choses essentielles : d’une part, elle ne comprend pas que pour détruire une dictature, on ne peut pas travailler dans le cadre de sa loi puisque sa loi est faite, justement, pour empêcher le peuple de se livrer à des actes susceptibles de remettre en cause sa dictature ; d’autre part, cette opposition ne comprend pas que, justement, c’est plutôt à elle de forcer le régime au piège de la répression en s’engageant en permanence dans des actes de défiance de la loi arbitraire mise en place par ce régime. Autrement dit, la pratique de l’autocensure au sein de l’opposition au Gabon lui a toujours fait rater son rendez-vous avec l’histoire car elle s’est souvent privée de la seule arme dont elle disposait, c’est-à-dire la défiance et le peuple. Or, défier un pouvoir dictatorial suppose toujours des violences inévitables que l’opposition se doit d’assumer publiquement plutôt qu’éviter.

Nous en voulons pour preuve le tout premier numéro de la Newsletter de « Ça suffit comme ça », où le mouvement disait que, parce que Ali Bongo n’avait pas bien préparé la CAN, il voulait pousser l’opposition dans le piège du désordre pour justifier l’annulation de la CAN au Gabon, et que l’opposition n’allait pas, semble-t-il, lui en donner l’opportunité en évitant soigneusement de faire du désordre.

Ce raisonnement laisse perplexe. D’abord parce qu’il contredit le discours qui parle aujourd’hui de blocage de l’élection, surtout si l’on comprend le blocage comme une action insurrectionnelle visant à empêcher, coûte que coûte, l’élection. Ensuite parce que, pour les lecteurs avertis, il est facile de conclure que la société civile, pour justement ne pas permettre à Ali Bongo de faire annuler la CAN, ne préparera aucun désordre puisque son objectif, dans ce cas, serait d’acculer Ali Bongo à la nécessité d’organiser la CAN et de se retrouver, par conséquent, confronté à la désorganisation et au déshonneur qui s’ensuivraient.

La question que l’on pourrait alors poser à la société civile serait la suivante : le combat à mener consiste-t-il à se contenter d’humilier Ali Bongo ou s’agit-il, plutôt, de rechercher la libération du Gabon de cet énergumène par tous les moyens ?

Il nous semble à nous, au BDP, que la meilleure manière d’humilier Ali Bongo serait de faire, justement, que le désordre s’installe tellement au Gabon que la CAF se retrouverait obligée de quitter le Gabon et d’aller organiser sa coupe ailleurs. En fait, le mouvement « Ça suffit comme ça » aurait dû utiliser l’opportunité de la CAN au Gabon pour justement commencer, d’ores et déjà, une campagne par laquelle elle dirait à la CAF que, au vu des élections non reportées par le régime des Bongo, la société civile et politique va se voir obligée d’organiser le grabuge au Gabon dans toute la période de novembre à avril 2012 et que, sur ce, la société civile et politique ne peut répondre de la sécurité des joueurs africains qui viendraient au Gabon dans le contexte de désordre qui va précéder la CAN, puis, possiblement, se poursuivre pendant toute la durée de la coupe. A cause de cela, la société civile et politique demande à la CAF, pendant qu’il en est encore temps, de choisir un autre pays où organiser sa coupe et, donc, de donner le temps au nouveau pays hôte de s’organiser.

Il semble au BDP que la société civile et politique gabonaise gagnerait beaucoup plus à humilier Ali Bongo de cette manière qu’à le laisser organiser une coupe qui, si elle se tenait au Gabon, contribuerait un peu plus à consolider le pouvoir des Bongo et leur rayonnement international tout en tétanisant un peu plus le peuple dans la torpeur d’une CAN qui viendrait encore retarder la possibilité du changement au Gabon. Alors que la non tenue de la CAN mettrait Ali Bongo dans l’obligation de rendre, à perte, à la CAF et autres bailleurs de fonds leurs investissements dans les infrastructures actuellement en construction au Gabon, la tenue de la CAF aurait comme effet contraire de sauver Ali Bongo de la plus grosse humiliation de son règne.

Malheureusement, donc, si l’on se donne, au sein de la coalition « Ça suffit comme ça » comme arguments pour éviter la violence que le Gabon est un petit pays, qu’on ne veut pas risquer la guerre civile ou la mort de Gabonais, autant dire qu’on n’est pas prêt à faire de l’opposition et autant dire qu’on accepte le règne d’Ali Bongo. Il faut à l’opposition comprendre la simple équation selon laquelle on ne peut venir à bout d’une dictature que par la défiance et que tout acte de défiance expose obligatoirement le peuple ou ses leaders à la répression. Mais c’est là un sacrifice obligatoire que tout opposant doit intégrer dans son combat. Il doit être prêt à aller en prison, à subir des brimades, à risquer sa vie pour le sacerdoce qu’il s’est imposé. Pareillement, le peuple doit savoir que combattre une dictature entraîne forcément des sacrifices et violences que personne ne peut éviter. Même quand on veut faire des marches pacifiques, le régime de dictature sévira, parce qu’il voudra empêcher la possibilité de son écroulement. Voilà pourquoi, sachant l’inévitabilité de la violence, une opposition responsable doit l’intégrer dans sa stratégie et, en fait, y pousser le régime car une fois que le régime s’engagera dans la répression, il aura commencé le processus de sa propre désintégration, donc de sa propre chute, comme ce fut la cas en Libye ou en Egypte.

Conclusion

L’analyse ci-dessus, qui nous livre l’essentiel des diverses incohérences jusqu’à présent constatées dans les discours des leaders de la coalition « Ça suffit comme ça », postule la nécessité pour le groupe société civile – partis politiques de se réunir de nouveau pour s’accorder non seulement sur un objectif qui soit clair, mais aussi sur un seul et unique discours qui ait pour finalité de porter cet objectif en vue de son succès.

Il est important de comprendre, à ce titre, que quand un combat n’est pas clairement défini dans ses objectifs, c’est-à-dire reste vague dans son orientation, il donne lieu à des interprétations et attentes diverses qui peuvent mener à son discrédit. Par exemple, si le but du combat actuel de la société civile n’est pas insurrectionnel, il est important que tout le monde le sache pour éviter, justement, que ne se créent au sein des populations, des attentes et fantasmes irréalistes ou irréalisables par lesquels tout le monde verrait en la démarche actuelle de la société civile une marche vers l’insurrection alors qu’aucune stratégie n’aurait été mise en place qui aille dans ce sens, surtout si l’objectif n’était pas un objectif insurrectionnel. Pour un peuple traumatisé comme le nôtre, les espoirs ont tendance à naître vite et, parfois, à dépasser les objectifs et capacités des mouvements qui, comme « Ça suffit comme ça », auront tout simplement, et à leur manière, essayé de poser un problème de fond important dans le débat politique national, sans pour autant avoir comme objectif une insurrection en bonne et due forme. D’où l’importance d’une définition claire de ses objectifs et de sa démarche car ses revendications, dans ce contexte, peuvent donner lieu à diverses formes de fantasmes n’ayant aucun rapport avec l’objectif visé.

Ainsi, au moment, justement, où cette société civile et cette opposition réunies commencent à parler de « blocage des élections », il est, là encore, important d’expliquer aux populations ce que les leaders politiques et associatifs veulent dire par là. Bloquer une élection n’est pas juste un mot. C’est une attitude qui demande une mobilisation nationale totale autour de mots d’ordre clairs qui supposent, automatiquement, qu’on le veuille ou non, une ingouvernabilité totale du pays qui soit, justement, de nature à empêcher l’élection. Cela suppose donc que, à un mois des élections, la population puisse savoir exactement ce qu’on attend d’elle pour que, justement, l’élection ne se tienne pas (si tel est l’objectif). Ainsi, quand des leaders comme André Mba Obame ou Eyegue Ndong affirment sans hésitation à la télévision, par exemple, qu’il n’y aura pas d’élections, sans pour autant dire au peuple par quelle action ou par quel miracle ils vont obtenir la non-tenue de ces élections, on ne peut aboutir qu’à une situation de confusion, voire de discrédit de l’opposition si l’élection, à la fin, se tient sans être bloquée.  Or, quand, dans la même foulée que des leaders appellent au blocage de l’élection, ils affirment contradictoirement en même temps qu’ils vont laisser le PDG aller gagner ses 100% de députés tout seul pour le discréditer, l’on comprend pourquoi, ici, le BDP, par ce raisonnement qui dit en fait que l’élection se tiendra, verrait une contradiction globale qui voit en la démarche de la coalition « Ça suffit comme ça » la recette d’un échec annoncé.

Et c’est justement pour éviter à la société civile et à l’opposition unie non seulement le discrédit, mais également l’échec, résultats qui ne manqueraient pas de découler de ces positions contradictoires, que le BDP demande une clarification immédiate pour permettre à tout le monde de se mobiliser dans ce sens, même si ce sens veut dire simplement se contenter d’embarrasser Ali Bongo et son régime par le boycott absolu de l’élection législative. Ni la société civile ni l’opposition ne doivent tenir des discours vagues ou contradictoires car, dès lors, ils s’exposent à être jugés sur des objectifs qui n’étaient peut-être pas les leurs, et donc à être vus comme incapables là où, en fait, ils seraient peut-être restés cohérents dans leurs objectifs, objectifs qui n’avaient peut-être rien à voir avec un projet insurrectionnel en bonne et due forme.

Comme à son habitude, le BDP se dit prêt à travailler avec tous dans le cadre de stratégies véritablement insurrectionnelles visant à préparer une situation d’ingouvernabilité réelle au Gabon qui soit propice au changement immédiat. Comme nous l’avons expliqué plus haut, la cohérence du discours et des objectifs est la première arme de tous ceux qui voudraient voir le Gabon changer immédiatement. Sans cette cohérence, et sans la détermination qu’une telle démarche exige, l’histoire du Gabon risque d’être celle d’un éternel recommencement et les Gabonais ne pourront supporter un échec de plus.

Quand on crée chez un peuple un espoir de changement, on se doit de garder à l’esprit que tout échec pour cause de flou, de vague, de désorganisation, d’hésitations, d’amateurisme, d’improvisation et de tergiversation, dans ce cas, contribue inévitablement à la démobilisation, au découragement et à la désaffection. Parce qu’une insurrection ne s’improvise pas, plus on échoue, plus le peuple se détourne d’une classe politique qui ne cesse de confirmer, tentative après tentative, son incapacité à se poser en alternative crédible. Dans ce cas, une seule personne gagne : Les Bongo.

Le BDP conclura son analyse ici en lançant un appel au soutien massif de tous à l’action initiée par le mouvement « Ça suffit comme ça », mouvement qui a eu le mérite d’avoir su accorder la classe politique et associative autour de l’objectif radical qui rejette la tenue de toute nouvelle élection au Gabon tant que la transparence n’aura pas été établie. Les Gabonais sont prêts à attendre un an sans élection législative s’il le faut, pour que de telles conditions de transparence soient mises en place. Sur ce point, les diverses propositions énumérées dans la lettre du BDP à Pierre Mamboundou en 2009 restent d’une pressante et opportune actualité (Lire la lettre ici).

Dès lors que la société civile aura décidé d’une démarche claire et d’un objectif compréhensible par tous, toutes les portions du peuple gabonais qui croient au changement se doivent de travailler à cet objectif, quelle qu’en soit la finalité. Il est préférable, dans tout combat, de faire quelque chose plutôt qu’attendre dans la passivité. Le travail commencé par nos compatriotes au Gabon est noble et salutaire. Ce combat doit être soutenu et le BDP le soutient. La recherche de clarification demandée ici contribuera tout simplement à mieux orienter les actions combinées de tout le monde en vue de l’objectif primordial qui ressortira des mots d’ordre ciblés qui agrémenteront, nous en sommes convaincus, les démarches à venir. Le mouvement « Ça suffit comme ça » constitue, à ce titre, la seule réelle opportunité de réel changement immédiat dont disposent les Gabonais en ce moment.

Le Gabon n’appartient pas aux Bongo. Il est temps de dire aux Bongo que le moment de partir est venu car les Gabonais sont tout simplement fatigués de devoir mendier des droits qui leur reviennent de droit.

Fait le dimanche 13 novembre 2011 à Montclair, New Jersey, Etats-Unis d’Amérique.

Pour le mouvement « Bongo Doit Partir »

Dr. Daniel Mengara
Président

Bongo Doit Partir
P.O.Box 3216 TCB
West Orange, NJ 07052, USA

Tél. : (+1) 973-447-9763
Fax : (+1) 973-669-9708
https://www.bdpgabon.org

La version PDF peut s’obtenir ici pour impression et lisibilité plus facile.

Exprimez-vous!

  1. Le moment est venu pour l’opposition et la société civile radicales de participer à l’émergence du Pays! l’avenir de la nation nous interpèle tous et c’est ensemble que nous la construisons. Il faut donc que chacun y mette du sien pour la bonne marche du pays, le Gabon a déjà décolé vers le progrès; l’heure n’est plus aux calomnies s’il vous plait ! Merci !

  2. « . Le problème au Gabon est que tous les grands leaders ont toujours soigneusement évité de porter directement la responsabilité d’un soulèvement populaire qui tournerait au chaos. »

    Voila la verité!

  3. Je pense que le moment est venu pour le DBP de descendre sur le terrain travailler avec Ça Suffit Comme Ça pour mettre en place toutes ces belles stratégies. Ce n’est pas une critique vide. Si le BDP a déjà eu à dire des choses que l’opposition au Gabon dit maintenant, en plus de connaître comment définir les objectifs et les actions qui vont avec, il devient logique de demander au BDP d’aller sur le terrain aider les Gabonais à réaliser le changement radical tant souhaité.

  4. Cette déclaration tend à démontrer qu’il n’y a pas une véritable opposition au Gabon, éloignons nous un tant soit peu des débats passionnés empreints d’éthnicité et ayons un regard objectif de la vie politique de notre pays….

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