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Bahreïn, Gabon, Maroc… : François Hollande en plein dictateur-tour

Capture d’écran de la photo officielle de François Hollande et du roi du Bahreïn (BNA.bh)
Tout sourire, François Hollande serre la pince au roi du Bahreïn sur le perron de l’Elysée. La photo, publiée par l’agence de presse officielle du royaume, rappelle celles de Nicolas Sarkozy en compagnie de Kadhafi, Moubarak ou Ben Ali avant la chute de leur régime respectif.

Sauf que Hamed ben Issa Al Khalifa est toujours au pouvoir au Bahreïn. Que le régime réprime depuis un an et demi la révolte de son peuple en envoyant ses soldats. La France avait d’ailleurs contribué à former les forces de l’ordre bahreïnies à la « gestion des foules ». Et que François Hollande avait affiché sa volonté de rompre avec ses prédécesseurs, promettant de « ne pas inviter les dictateurs à Paris ».

Arrêt sur images souligne que la rencontre du 23 juillet, apparemment imprévue, est passée à la trappe dans la presse française (malgré des articles du Figaro, du Point et d’Europe 1). Elle n’a pas donné lieu à un communiqué de l’Elysée et n’était pas signalée dans l’agenda officiel de l’Elysée, disponible en ligne.

La consultation de cet agenda montre qu’au moins six autres représentants de pays autoritaires ou franchement dictatoriaux ont été reçus par François Hollande depuis son élection.

1 – Mohammed VI, roi du Maroc, 24 mai

En visite privée en France au mois de mai, l’altesse marocaine a fait escale à l’Elysée, palais remarquable à ne pas manquer quand on vient pour les vacances.

A l’issue de la rencontre, François Hollande a « réaffirmé son attachement à l’amitié entre la France et le Maroc » et « salué le processus de réforme démocratique, économique et sociale en cours dans le royaume à l’initiative » du roi.

Langue de bois diplomatique oblige, rien sur la prison pour les artistes contestataires, la répression du Mouvement du 20 février en période de crise sociale intense et le durcissement du régime depuis l’arrivée au pouvoir des islamistes.

2 – Le Premier ministre du Qatar – 7 juin

François Hollande a d’abord décliné toutes les invitations du Qatar. Si la relation entre Nicolas Sarkozy et l’émirat était très amicale, le nouveau Président veut garder ses distances, comme l’écrivait Nabil Ennasri sur Rue89 en juin :

« Le caractère personnalisé de la relation France-Qatar sera mise de côté. Dès son accession au pouvoir, Nicolas Sarkozy faisait l’honneur à l’émir du Qatar d’être le premier chef d’Etat arabe accueilli à l’Elysée. […]

On imagine que le Président “normal” souhaitera une relation plus mesurée, moins fringante et moins personnelle. »

L’article concluait tout de même à une continuité prévisible dans les relations franco-qataries. Le 7 juin, François Hollande reçoit le Premier ministre du Qatar à l’Elysée pendant plus d’une heure.

3 – Le fils du roi Abdallah d’Arabie Saoudite, 11 juin

La monarchie absolue saoudienne a envoyé en France l’un des fils du roi, Mitaeb (Mutaib en anglais), également chef de la Garde nationale (« chargée de la protection des centres névralgiques du pouvoir saoudien ». En mars 2012, confronté à des manifestations d’étudiants, le prince déclarait :

« La situation dans la plupart des pays arabes nous obige à être prudents, à protéger la sécurité nationale et à combattre les appels à l’embrasement qui visent à déstabiliser le pays. »

Le communiqué satisfait de l’Elysée évoque la situation syrienne, le G20 et la coopération avec le royaume. Quoi d’autre après tout, au pays où les femmes n’ont pas le droit de conduire.

4 – Abdallah II de Jordanie, 3 juillet

Royaume corrompu secoué de manifestations régulières, la Jordanie est dirigée par le roi Abdallah II depuis 1999. Maâti Kabbal, journaliste et écrivain, publiait une tribune sur Rue89 en novembre 2007 :

« Dans la vie politique jordanienne, le tribalisme reste l’un des paramètres majeurs. Nulle décision ne doit se faire sans l’aval de la tribu. Par ailleurs, le trône hachémite a toujours eu recours aux tribus comme un bras justicier.

La société jordanienne est le produit d’un syncrétisme ayant permis au trône de préserver l’équilibre de la société jordanienne tantôt par la persuasion, tantôt par la coercition. »

François Hollande accueille le roi le 3 juillet pour « approfondir le partenariat » entre les deux pays :

« Alors que la Jordanie est engagée dans un processus profond de réformes politique, économique et sociale visant à répondre aux aspirations du peuple jordanien, le chef de l’Etat a souligné la volonté de la France de la soutenir activement. »

Dans la foulée du printemps arabe, la Jordanie a connu des mouvements de protestation cette année, réprimés avec une violence moindre que dans les pays voisins. Le chercheur Denis Bauchard répondait à Arte en mai, sans optimisme démesuré toutefois :

« Je pense que la situation reste, pour l’instant, maîtrisée et sans trop de brutalité. Le nombre très limité des morts – moins de cinq – contraste avec ce qui se passe en Syrie et même avec ce qu’il s’est passé en Egypte.

Dans l’immédiat, la situation paraît sous contrôle : l’aide reçue non seulement des Etats-Unis mais aussi de l’Arabie saoudite tout récemment peut permettre au roi d’acheter la paix sociale et la paix politique. »

5 – Ali Bongo, président du Gabon, 5 juillet

Le président François Hollande accueille son homologue gabonais, Ali Bongo, jeudi à l’Élysée. Crédits photo : MAL Langsdon/Reuters

Héritier d’Omar Bongo, Ali Bongo a succédé à son père en 2009. Il a rencontré François Hollande le 5 juillet. Slate Afrique parle d’un accueil « tiède » :

« Durant son séjour, les officiels français qui ont rendu visite à Ali Bongo ont fait le service minimum, bien loin du ballet de politiques français de gauche comme de droite qui défilaient devant son père et prédécesseur.

Cette distance affichée par le nouveau pouvoir français est due à l’insatisfaction en matière de démocratie dans son ancienne colonie. »

Sur les photos choisies par l’Elysée pour illustrer l’entretien, François Hollande sourit le moins possible.

6 – Le prince héritier d’Abou Dhabi, 11 juillet

Le 11 juillet, Cheikh Mohamed bin Zayed Al Nayan entre à l’Elysée. Il dispose d’une sacrée carte de visite : fils du fondateur des Emirats arabes unis, prince héritier et ministre de la Défense. Reçu à l’Elysée, il fait ensuite un tour à Matignon pour rencontrer Jean-Marc Ayrault.

En mars, le Guardian écrivait à son sujet :

« Pour prévenir la contestation, Mohammed bin Zayed Al Nayan a parcouru Abou Dhabi le mois dernier pour évaluer le climat. A l’issue de ce voyage, il a ordonné 1,5 milliard de dollards d’investissements dans l’électricité et l’eau dans le nord des Emirats. »

En France on avait le Redressement productif ; le cheikh invente le redressement préventif.

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