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Du RSDG à la Conférence Nationale de 1990 : la leçon que l’Histoire du Gabon enseigne au citoyen de 2012

Dr. Daniel Mengara, Président du BDP-Modwoam

Les Gabonais, d’instinct ou de raison, ont toujours reconnu l’importance de ce que l’on appelle, en Afrique francophone, « Conférence Nationale ». Ils l’ont toujours comprise comme un outil de dialogue pouvant, potentiellement, mener à un changement négocié, pacifique et démocratique dès lors que cet outil offrirait au Peuple les bases d’un consensus national à même de conduire à la refonte de son système politique, et ce en vue d’une affirmation opérante et transparente de la démocratie pluraliste.

Mais comme on l’a vu un peu partout en Afrique francophone, y compris au Gabon, une « Conférence Nationale », qu’elle soit « souveraine » ou pas, n’aboutit au type de consensus national dont on parle ici que quand tous les acteurs, ceux du pouvoir comme ceux de l’opposition, s’accordent, sur la base de la bonne volonté, sur les finalités d’un tel consensus, c’est-à-dire, dans le cas de notre pays, sur la finalité d’une démocratie objective qui soit sans attaches et sans conditions.

Il convient cependant de garder, dans ce débat, toute la mesure des choses. Ce n’est pas parce que l’on aura affublé un dialogue national du qualificatif de « Conférence Nationale » ou de « Conférence Nationale Souveraine » que l’on aboutit forcément au résultat démocratique ou démocratisant escompté. Autrement dit, les notions de « Conférence Nationale » et/ou de « Conférence Nationale Souveraine », a priori, ne disent absolument rien sur leurs finalités et encore moins sur leurs processus. Ce sont, en fait, des notions « vides », « creuses » et « vagues » qui ne prennent sens qu’à l’épreuve du processus qui, en amont comme en aval, en définit la finalité. Ceci veut dire qu’il faut, pour clarifier la finalité d’un dialogue national de ce type, définir au préalable ce que l’on entend par « souverain » et/ou ce que l’on attend de ce caractère « souverain ». Ce n’est qu’après une telle clarification que l’on peut mieux s’engager dans le processus et la démarche supposés par une telle définition. Sans lisibilité sur ce qui est poursuivi comme objectif et, donc, sans clarification sur la démarche y relative, un projet de « Conférence Nationale », même dite « souveraine », peut aller dans tous les sens et finir par accoucher d’une souris, du moins pour ceux qui en attendaient autre chose que les compromissions habituelles.

Définir clairement la finalité d’une « Conférence Nationale » que l’on veut « souveraine » est d’autant plus important, voire obligatoire, que l’on doit, en fait, la construire sur la base, justement, du « test » de la « souveraineté », donc de la légitimité que le peuple peut donner à un tel processus. La « souveraineté » d’une « Conférence Nationale » supposerait précisément, dans ce cas, que tout soit fait pour permettre au Peuple d’en déterminer directement à la fois, et les processus, et les finalités, et ce dans le cadre participatif d’un consensus de large ouverture associant tous les pans de la population. La question à poser ici est donc la suivante : le processus enclenché permettra-t-il, justement, l’expression la plus large possible de tous les pans de la société gabonaise qui recherchent le changement immédiat? Quels mécanismes d’ouverture de la Conférence Nationale au peuple auront été mis en place pour permettre à la fois la participation et l’expression massive des populations ? L’on comprend aisément ici pourquoi, dans le cas contraire, un processus fermé et limité aux structures et/ou personnalités « connues » et/ou « officielles » porterait en lui les germes du détournement de la destinée nationale.

Ce test de souveraineté, qui se préoccupe de laisser tous les Gabonais s’exprimer dans le sens qu’ils veulent en fonction de leur sensibilité, est essentiel car c’est cette expression libre qui, à la fin, sera à même de sauvegarder et promouvoir le potentiel d’une démocratie sans fards au Gabon. Il suffit, pour le constater, de consulter la courte histoire insurrectionnelle du Gabon pour comprendre l’importance de l’expression libre du Peuple.

En 1989, nous savons tous que le régime d’Omar Bongo, acculé à une crise économique sans précédent, fut confronté à une fronde généralisée qui laissait peu de doute sur l’éventualité d’une insurrection populaire au Gabon. Mais comme les Bongo sont rongés par le virus de l’autoritarisme, ils ne veulent jamais lâcher quoi que ce soit sans y être forcés. Mais on sait également que, même quand ils y sont forcés par une insurrection éphémère et sans lendemain comme ce fut le cas en 1990, les Bongo essaieront toujours de sauver les meubles par le subterfuge de négociations d’arrière-cour à même de leur permettre, parfois à coups de liasses de billets et d’offres de partage de pouvoir, de continuer à contrôler la direction politique du pays, et ce quand bien même ils lâcheraient, par-ci, par-là, un peu de lest. C’est ainsi que, dans la foulée de son refus de la Conférence Nationale en 1989, Omar Bongo prit néanmoins les devants pour s’associer en catimini à l’opposant le plus en vue de l’époque, le sieur Paul Mba Abessole, pour proposer aux Gabonais le fameux « Rassemblement Social Démocrate Gabonais » (RSDG). Le RSDG était ainsi supposé être un nouveau parti unique qui devait remplacer le Parti Démocratique Gabonais, mais avec cette particularité qu’il permettrait, à l’intérieur, des « tendances plurielles », et ce jusqu’à ce que les Gabonais aient fini d’ « apprendre la démocratie », cette « chose » considérée si « dangereuse » qu’on ne pouvait la laisser aux mains des « enfants » qu’étaient encore, semble-t-il, les peuples du Gabon. Dans leur accord d’arrière-cour, il s’agissait simplement pour Omar Bongo et Mba Abessole de faire avaler aux Gabonais la pilule du RSDG en échange de l’acceptation par Omar Bongo de la « Conférence Nationale », et ce pour, soi-disant, préserver la « paix » et éviter la « guerre ethnique » que la démocratie ne manquerait pas, selon eux, de déclencher.

Qu’est-ce qui, « sauva », en dernier recours, la Conférence Nationale de 1990 ? Simple : la large ouverture de la Conférence au Peuple. En effet, grâce aux voix radicales et discordantes qui s’élevèrent dans le sillage du débat en amont de la Conférence Nationale, Omar Bongo céda aux revendications pour une large ouverture de la Conférence au Peuple que demandaient les radicaux de 1990. Ces voix discordantes souhaitaient que l’on laissât les Gabonais de tous les horizons créer autant de partis politiques nouveaux et d’associations nouvelles qu’ils voulaient en vue de leur participation à la Conférence Nationale. C’est ainsi que, au final, se déversèrent 300 nouveaux partis et associations sur la Conférence Nationale. Cet assaut populaire et participatif eut l’effet salutaire de court-circuiter les  plans de Paul Mba Abessole et d’Omar Bongo car lesdits 300 partis politiques et associations finirent par opposer une fin de non recevoir au projet de RSDG pour exiger, à la place, le multipartisme intégral. Omar Bongo et Paul Mba Abessole n’eurent d’autre choix que se rallier à cette exigence de démocratie intégrale du Peuple.

La leçon de ce revirement spectaculaire est inestimable pour le peuple gabonais. Car on peut s’imaginer les conséquences politiques à cette époque si quelqu’un s’était organisé pour faire taire les voix discordantes qui demandaient que l’on ouvre la Conférence Nationale à tous ceux qui voulaient y participer par associations et partis politiques interposés. Et ces conséquences auraient été encore plus graves si quelqu’un s’était organisé pour convaincre tous les Gabonais de ne pas déranger l’accord Bongo/Mba Abessole ou de ne pas exiger du régime de céder plus que ce que ce régime semblait prêt à céder. Autrement dit, ce qui sauva le Gabon, ce ne fut pas ceux qui avaient concocté, depuis Paris, des ententes « responsables » et conviviales avec Omar Bongo pour encastrer les Gabonais dans une fausse libéralisation politique. Ce qui avait sauvé le Gabon, ce sont les voix radicales et discordantes qui, une fois le subterfuge compris, s’élevèrent pour refuser le RSDG et s’opposer à la prise en otage de la Conférence Nationale par ceux qui avaient concocté, depuis Paris, un accord en vue de canaliser les revendications gabonaises vers le cul-de-sac du RSDG.

Si une « Conférence Nationale » doit, donc, de nouveau avoir lieu au Gabon, elle devra, comme celle de 1990, être de large ouverture et permettre à tous les Gabonais de la diaspora comme du pays de se constituer en partis politiques et associations existants ou nouveaux aux fins d’y participer librement. Ce sont les 300 à 500 délégués ainsi attendus qui, potentiellement, éviteront au pays un nouveau détournement de la destinée nationale et, ce, dans un cadre, en effet, « souverain ».

Mais il faut, dans cette réflexion, aller plus loin et soumettre le processus de la Conférence Nationale à un test de « souveraineté » supplémentaire. Ce test est basé sur la question, réaliste, suivante : Une conférence nationale dite « souveraine », c’est-à-dire portant, au sens où je voudrais l’entendre,  les germes de la destitution immédiate d’Ali Bongo et de son régime, est-elle possible au Gabon avec Ali Bongo toujours aux commandes et jouissant toujours des pleins pouvoirs de dictature?

Sachant qui sont les Bongo Ondimba et le régime Bongo/PDG qui les entoure, l’on peut se permettre un petit doute. Pourquoi ?

Tout simplement parce que le dialogue national en préparation ne peut que supposer deux processus, l’un ou l’autre étant obligatoire comme passage obligé :

– un processus négocié qui supposerait le maintien d’Ali Bongo au pouvoir dans le même temps que se tiendrait la Conférence Nationale « souveraine ». Mais il y a fort à parier que cette démarche n’augurera de rien de bon pour le Gabon car on a du mal à imaginer Ali Bongo cédant quoique ce soit sans y être forcé. Mais, même en le forçant, tout dépendrait de ce que le forcing supposerait dans ce cas. S’agira-t-il simplement de le forcer à devenir participant au débat et, donc, de lui donner l’opportunité de défendre son camp, au risque de galvauder le but « souverain » de la Conférence, ou s’agira-t-il, plutôt, de le forcer à laisser les choses se faire dans le sens le plus démocratique possible, ce qui supposera sa bonne volonté participative ? Des doutes subsistent quant à cette éventualité, je crois.

– un processus insurrectionnel qui supposerait, au pire, le maintien d’Ali Bongo au pouvoir pour des raisons de stabilité, mais uniquement après l’avoir dépouillé, lui et son régime, de tous leurs pouvoirs de nuisance et de contrôle de l’armée pour transférer de tels pouvoir à une institution de transition pour le temps que durera la Conférence et la transition (six mois tout au plus) ; ou alors, au mieux, la destitution pure et simple d’Ali Bongo pour permettre une Conférence Nationale qui, dès ce moment, affirmerait, sans risque de court-circuitage, la version « souveraine » de la démocratie demandée par le Peuple. Or, dès lors que ce processus de destitution serait, comme en Egypte ou comme en Tunisie, enclenché, il placerait naturellement le pays dans un contexte d’Assemblée constituante devant, dès lors, proclamer une nouvelle République sur la base d’une nouvelle constitution, démocratique celle-là. C’est dire qu’une « Conférence Nationale Souveraine » dont la tenue, parce que négociée, ne serait pas préfacée d’un forcing insurrectionnel portera, nécessairement, les germes d’un galvaudage de la destinée nationale. Sauf miracle.

Mais la Conférence Nationale, grosso modo, ne peut passer que par ces deux voies, à quelques nuances près.

L’opposition doit donc faire un choix clair entre une conférence nationale dite « souveraine » avec les Bongo et leur régime toujours au pouvoir, ou une conférence nationale dite « souveraine » sans les Bongo et leur régime. L’une comme l’autre de ces approches « souveraines » supposera, qu’on le veuille ou pas, un résultat différent dont il faut, dès maintenant, clarifier la finalité aux Gabonais.

Au moment, donc, où l’opposition politique gabonaise s’apprête à se réunir à Mouila ces 7-9 septembre 2012 dans le cadre de ce qui pourrait mener à l’un ou l’autre de ces passages obligés, c’est le moment pour les radicaux qui attendent mieux de leur pays d’affûter leurs armes. Les citoyens radicaux et discordants de 1990 ne purent, certes, probablement par croyance naïve en la bonne foi des Bongo, imposer aux Bongo la démocratie durable que la nation souhaitait. Ils purent, néanmoins, éviter au Gabon le piège du RSDG. Le même défi attend les démocrates gabonais en cette année 2012.

Autrement dit, il appartiendra, cette fois, aux citoyens démocrates de 2012 de toujours, par leurs opinions, propositions, débats, voire leurs visions discordantes si nécessaire, veiller à ce que si Conférence Nationale « souveraine » il y a en cette année 2012, cette conférence aille dans le sens d’un évincement immédiat d’Ali Bongo du pouvoir par l’Assemblée du Peuple ainsi réunie. Ali Bongo n’est pas Mathieu Kérékou. Aucun Bongo n’a jamais compris le sens d’un intérêt national qui aurait voulu que, sans y être forcé, il se pliât aux impératifs de la Conférence Nationale, donc de la démocratie réparatrice que demandent les Gabonais. Devant un tel entêtement, seule une démarche de destitution pure et simple d’Ali Bongo et du régime Bongo/PDG sera à même de satisfaire les attentes des Gabonais. Le Peuple, quant à lui, doit exiger une Conférence Nationale à la hauteur de ses attentes « souveraines ».

D’où l’impératif d’un ultimatum au régime des Bongo en bonne et due forme par lequel on leur dirait, sans ambages: ACCEPTEZ, au plus tard à telle date, une Conférence Nationale Souveraine dont le but avoué sera votre destitution immédiate et sans conditions, quoique dans un sens qui vous permettra, au moins, de pouvoir librement, dans six mois, revenir refaire la queue du suffrage universel devant le Peuple, ou alors SUBISSEZ, à cause de votre entêtement, une Assemblée Constituante dont le but, lui aussi avoué, sera votre destitution immédiate, destitution qui, celle-là, vous dépouillera de tout.

La balle est donc, pour ainsi dire, dans le camp de l’opposition. Une opposition qui a toutes les armes, tous les atouts, tous les ingrédients nécessaires à une chute immédiate du régime des Bongo Ondimba.

Fait le 5 septembre 2012 à Montclair, New Jersey, USA

Dr. Daniel Mengara
Président, « Bongo Doit Partir – Modwoam »

P.O. Box 3216 TCB
West Orange, NJ 07052, USA

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Tél./Fax : (+1) 973-447-9763

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