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L’an III d’Ali Bongo : les avancées de l’Émergence

Ali Bongo va compter 1 095 jours à la tête du Gabon le 16 octobre. L’heure de bilan à mi-parcours a donc véritablement sonné. Loin justement de dresser un bilan avant la date anniversaire, il convient peut-être d’abord de rappeler les objectifs, de lister les bonnes intentions du nouveau président, les avancées ou les balbutiements enregistrés mais aussi les anicroches ou les blocages notés.

C’est en octobre 2009 qu’Ali Bongo a accédé à la magistrature suprême. Son objectif maintes fois clamé et proclamé est de parvenir à faire du Gabon un pays émergent «à l’horizon 2025». Sur le continent, seule l’Afrique du Sud y est parvenue pour l’instant. D’autres États africains, tels que le Bénin, le Cameroun, le Congo-Brazzaville, la Côte d’Ivoire et la Guinée-équatoriale, se donnent aussi une dizaine d’années pour y parvenir. Mais pour devenir un pays émergent comme le Brésil, la Russie, l’Inde et l’Afrique du Sud, le Gabon sait qu’il se doit d’avoir un tissu économique fort avec un taux de croissance élevé, une industrie forte, des gisements d’emploi, des infrastructures scolaires, sanitaires et sportives de haut niveau, des infrastructures routières, portuaires et aéroportuaires, des ressources humaines qualifiées, des télécommunications de pointe, un État de droit avec une justice forte, un système politique démocratique, un État qui lutte contre la corruption ; en un mot, il faut être une République irréprochable.

Sur certains de ces domaines, il y a incontestablement des avancées depuis trois ans. La route tout d’abord. La construction de la route du «Grand Sud» qui part de Fougamou à Mayumba, en passant par Mouila, Ndendé, Lébamba et Tchibanga, avec au passage l’érection d’un pont sur la Banio, arrive à terme dans moins de deux ans. Le réseau routier de Libreville est en constante amélioration, et il ne fait aucun doute que les pouvoirs publics mettent toute leur énergie pour la finition des travaux en cours et pour le début des travaux dans d’autres zones et quartiers déjà identifiés.

L’industrialisation est en marche. La livraison prochaine du complexe métallurgique de Moanda, l’implantation d’Olam dans la partie Nord du Gabon, la mise en service prochaine de la Zone économique spéciale de Nkok axée sur la transformation du bois, le projet de lancement de la zone économique de Port-Gentil, le projet d’extension de la zone industrielle d’Owendo vont incontestablement booster ce secteur vital de l’économie du Gabon, avec notamment la création de nombreux emplois.

Le pays a mis un point d’honneur à la construction d’infrastructures sportives de qualité, et il y est parvenu par la mise en service des complexes sportifs à Libreville, Franceville, Ngouoni, Bongoville et Moanda dans un premier temps. Toutefois, pour arriver au «point d’achèvement» du statut de pays émergent, donc au-delà du statut de pays en voie de développement, la liste des objectifs à atteindre est longue, mais pas insurmontable, surtout que le président Ali Bongo a montré une vraie détermination et une réelle volonté pour répondre efficacement aux aspirations des couches sociales et pour prendre à bras-le-corps les problèmes du Gabon.

Les limites de l’émergence se situent dans plusieurs secteurs de la vie du pays. Trois d’entre eux méritent d’être mis exergue : l’État de droit et les libertés publiques, la politique du logement et de l’habitat, la gestion de l’État par une communication excessive. Mais d’abord, il y a ce que les dirigeants actuels appellent «la faillite morale» du pays qui, selon eux, serait née sous le régime précédent. Comment y mettre fin ? Que dire de l’impunité ? L’État a toujours du mal à sanctionner les gestionnaires indélicats, «les comportements déviants», dans l’administration et les entreprises publiques comme la CNSS, le Conseil gabonais des chargeurs et Sogatra. L’impunité a la peau dure, et Ali Bongo lui-même a du mal à y mettre fin.

Ensuite, l’État de droit et tout ce qui a trait à la démocratie au Gabon. Il y a beaucoup de choses à faire, à changer. Pour ne pas être l’une des dernières démocraties à avoir un chef d’État élu pour un mandat de sept ans, renouvelable ad vitam aeternam, le pouvoir a tout intérêt à le ramener à une durée plus commune, à cinq ans par exemple, renouvelable une fois. Ce serait plus conforme à l’esprit que l’on se fait d’un pays démocratique. Le découpage électoral doit aussi permettre d’avoir des circonscriptions à peu près égales. La justice doit progressivement devenir impartiale et neutre. Elle gagnerait à y arriver. Pour ne pas être considéré comme l’une des dernières démocraties à restreindre les libertés individuelles et collectives, les libertés publiques, à commencer la liberté de la presse et la liberté d’aller et venir, doivent être préservées.

Pour le moment, ce n’est pas tout à fait le cas. Puis, il y a la politique de l’habitat (urbanisation de grandes agglomérations) et celle du logement, dont on aperçoit à peine les prémisses. A propos du logement, la promesse d’en réaliser «un minimum de 5000 logements par an» -un marqueur politique fort dans le programme politique d’Ali Bongo reste au stade des intentions, malgré quelques «sursauts» ici et là dans l’aménagement de parcelles. Concernant la distribution de l’énergie et la desserte en eau, on relève encore trop de défaillances dans ce secteur. Le changement de ministres dans ce département n’y a rien fait. Mais il y a aussi, chez les dirigeants actuels, une foi démesurée dans les pouvoirs de la communication. «Ils croient qu’il suffit de parler sous l’œil de la caméra pour que se réalise un projet. Il ne faut plus que les mots remplacent les choses et que la communication remplace l’action, sinon l’excès de communication sans action, l’excès d’annonces sans suite, pourrait se révéler la pierre d’achoppement du septennat d’Ali Bongo», souligne Hervé Grupaune, un spécialiste de la communication politique.

Beaucoup de ministres sont mis en cause pour leur laxisme. Le rôle des agences aussi n’a pas été bien compris, ou bien expliqué à l’opinion. En dehors d’une ou deux d’entre elles qui fonctionnent, les autres -Agence nationale de l’urbanisme, Conseil national des affaires climatiques, Agence gabonaise d’études et d’observations spatiales,…- ne sont pas opérationnelles, mais elles absorbent des budgets.

La lutte contre la corruption est invisible et illisible. La CNLCEI et l’Anif donnent un sentiment d’inefficacité. Concernant la gestion de l’État, un trop grand nombre de nominations ne se font pas encore sur les critères objectifs de compétence et d’efficacité. Comment Ali Bongo a-t-il pu accepter qu’une ministre nomme sa fille comme directeur de son cabinet ? Comment peut-il laisser des ministères entiers être accaparés par l’ethnie ou la province d’origine du chef du département ministériel, par des nominations pas toujours guidées par un souci d’efficacité ?

La dénonciation régulière que le chef de l’État lui-même fait de telles pratiques ne peut être perçue comme crédible, puisque c’est lui qui est à la fin de tout processus. Afin d’éviter qu’une trop grande inquiétude se manifeste face à l’avenir, et pour faire en sorte que l’avenir soit vraiment «en confiance», il faudrait que le bilan réformateur soit un peu plus épais, et que le sentiment d’abandon ne soit pas l’élément fédérateur des catégories sociales défavorisées. Il faudrait trouver des solutions idoines aux problèmes réels. Car «faute de réponse crédible aux inquiétudes suscitées ici et là, le statut de pays émergent pourrait n’être pour le Gabon qu’une vue de l’esprit».

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