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Marc Ona sur RFI : «La classe politique au Gabon a un discours que la base ne veut plus écouter»

Figure de la société civile en Afrique centrale, Marc Ona Essangui est un militant multicarte, président de l’ONG Brainforest et coordonnateur gabonais de la coalition Publiez ce que vous voulez. Il fait son entrée en politique. A ceux qui l’accusent d’être un sous-marin de l’opposition gabonaise, il répond : « Je suis un homme politique, sans être un professionnel de la politique ».

Marc Ona bonjour. L’opposition gabonaise réclame une conférence nationale. Le pouvoir répond que ce n’est pas légal. Quelle est votre position ?

Ma position, qui est la position de la société civile gabonaise et celle du peuple, est d’exiger une conférence nationale souveraine pour venir à bout de tous les problèmes que nous sommes en train de dénoncer au Gabon.

Il y a deux mois, devant les deux chambres réunies en congrès, le président Ali Bongo s’est exprimé là-dessus. Il y a eu des élections, il y a un cadre tout à fait légal, une conférence nationale. Ce serait un véritable coup d’Etat constitutionnel, a-t-il dit.

Oui, mais il y a eu des élections truquées ! Il y a des institutions qui sont complètement phagocytées par le pouvoir en place. Il faudrait qu’il sache que le pouvoir PDG (Parti démocratique gabonais), c’est-à-dire son père qui a régné au Gabon pendant quarante-deux ans et lui qui accède au pouvoir, ont mis le Gabon dans une situation catastrophique.

J’aimerais, par exemple, citer une institution. La cour constitutionnelle, celle qui est à la tête de la Cour constitutionnelle aujourd’hui, ça fait vingt ans qu’elle est là. Et nous savons exactement les liens que cette « dame » entretient avec la famille Bongo. Et rien qu’avec cet élément, nous pouvons penser que les institutions ne sont pas républicaines au Gabon.

Si nous prenons l’Assemblée nationale, aujourd’hui, l’Assemblée nationale est composée de 116 députés issus du PDG sur 120 ! Ça, ce n’est pas une Assemblée nationale d’un Etat républicain !

Le président est hostile à une conférence nationale, mais il est ouvert à un dialogue politique, il est prêt à recevoir ses opposants au palais. Qu’est-ce que vous en pensez ?

Mais c’est dans quel cadre ? Si c’est juste pour les corrompre, nous sommes habitués à ces manœuvres. A chaque fois qu’il y a une consultation, hé bien, il y en a qui retournent avec des mallettes.

Marc Ona, vous avez reçu en 2009, à San Francisco, le Prix Goldman de l’environnement. Vous êtes une figure de la société civile en Afrique Centrale. Mais que répondez-vous à ceux qui disent que vous êtes un sous-marin de l’opposition gabonaise ?

Je ne suis pas un sous-marin de l’opposition gabonaise. Je suis un membre qui s’oppose au régime. Je suis un homme politique, mais sans être un professionnel de la politique. Parce que, à aucun moment, je ne pourrais demander le suffrage des Gabonais. Je crois que ce débat est dépassé. Tous les acteurs de la société civile, quel que soit le pays, sont des hommes politiques. Parce qu’ils obéissent à un principe très simple. Tout citoyen peut s’intéresser à la chose publique.

L’un des leaders de l’opposition d’aujourd’hui est André Mba Obame. Or, c’est ce même Mba Obame, quand il était ministre de l’Intérieur de feu Omar Bongo, qui vous a fait arrêter et mettre en prison, alors qu’il savait que vous étiez une personne à mobilité réduite. C’était début 2009. Est-ce que ça ne vous gêne pas ?

Est-ce que l’opposition au Gabon se résume à M. Mba Obame ? Et puis, par rapport à cet épisode, j’ai porté plainte ! J’ai gagné le procès ! Et je considère qu’on peut déjà tourner la page, ce n’est pas un problème d’individu. Il l’a fait en tant que ministre de l’Intérieur et pour moi, l’épisode est clos.

André Mba Obame, Zacharie Myboto, Jean Eyéghé Ndong… Beaucoup d’opposants d’aujourd’hui sont d’anciens dignitaires du régime Omar Bongo. Etes-vous certain qu’ils sont tous sincèrement démocrates et incorruptibles ?

Démocrates et incorruptibles, je pense que là aussi, en Afrique, ce débat est dépassé. Par exemple, Macky Sall aujourd’hui, qu’on salue au Sénégal, fut l’un des Premiers ministres de Wade. Si un acteur politique, fut-il de la majorité, estime que je ne peux plus continuer à être dans un système où les populations sont marginalisées, où on pille le système, je décide de traverser la route de l’autre côté, je pense que nous pouvons saluer ce courage. Parce qu’il y a beaucoup à manger de l’autre côté, mais pas l’inverse. Et ceux qui continuent à se maintenir dans un système mafieux comme celui que nous sommes en train de décrier au Gabon, ceux-là sont plus coupables que ceux qui décident de changer de camp.

Le 10 novembre dernier, plusieurs dirigeants de l’opposition se sont fait sérieusement chahuter par les militants lors d’un meeting à Libreville. Est-ce que la classe politique gabonaise n’a pas un problème de crédibilité ?

Je pense que la classe politique au Gabon a un discours que la base ne veut plus écouter. C’est-à-dire un discours qui consiste tout simplement à dire : ‘Voilà, il faut qu’on se calme. Nous allons mener des actions démocratiques ‘. Je crois que ce discours, on l’a entendu pendant des années. La population voudrait que l’on aille sur le terrain des actions. Et l’une des actions réclamées, c’est la conférence nationale souveraine. Regardez ce qui est en train de se passer en RDC. Je pense que ce n’est pas souhaitable dans les pays africains que, à force de demander et de se retrouver autour d’une table, le pouvoir brille par l’arrogance Mais un petit groupe se lève pour dire ‘y’en a marre, on prend les armes’. Mais ce n’est pas ce discours que nous voulons entendre au Gabon.

Dans la procédure des biens mal acquis, on parle beaucoup de la Guinée équatoriale, on parle un peu du Congo-Brazzaville, mais on ne parle pas du tout du Gabon. Est-ce que vous pensez que la famille Bongo sera épargnée par la justice française ?

Mais ça fait partie des choses que nous sommes en train de dénoncer ! Quand vous regardez la quantité et la qualité des biens qui ont été recensés entre les Sassou et les Bongo, par rapport à quelques effets qu’on est en train de saisir pour le pouvoir au Gabon, nous pensons qu’il y a un problème. Il faudrait que tous les dossiers soient traités au même niveau.

Depuis plusieurs années, vous dénoncez les risques pour l’environnement de plusieurs projets d’exploitation minière et agricole. Est-ce que vous êtes contre le développement ?

Je ne suis pas contre le développement, mais je dénonce un peu un comportement mafieux, qui consiste à débarquer au Gabon, avec des gros capitaux, pour se lancer dans une sorte de collision avec le système. Je prends l’exemple de la compagnie Olam au Gabon. Olam, est une compagnie singapourienne qui a des relations très étroites avec le pouvoir d’Ali Bongo. Et Olam s’est lancée dans l’accaparement de terres, pour une agriculture non pas d’autosuffisance, mais une agriculture d’exportation ; palmiers à huile, et hévéaculture.

Mais le véritable problème, c’est que les permis attribués à Olam sont attribués sur des terres agricoles, quand on sait que le Gabon n’a pas atteint l’autosuffisance alimentaire. Malheureusement, on a laissé à Olam dans le Woleu-Ntem près de 50 000 hectares pour l’hévéaculture. Or, les populations refusent cette culture. Mais le gouvernement ne veut pas entendre le son de la population. Et c’est ce choix que nous dénonçons.

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