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Hôpital Albert Schweitzer de Lambaréné : des chercheurs qui trouvent

Des chercheurs de l’hôpital fondé, en 1913 à Lambaréné, par le Dr Albert Schweitzer s’activent à la mise au point d’un vaccin contre le paludisme. Leurs recherches portent également sur le VIH-Sida et, bientôt, la tuberculose. Médecin-chercheur, le Dr Ayôla Akim Adegnika, est le co-directeur du centre de recherche de l’hôpital Albert Schweitzer de Lambaréné. Il présente ici le travail de ces chercheurs qui trouvent. Un fait rare au Gabon.

Quelle présentation pouvez-vous faire du centre de recherche dans lequel vous travaillez ?

Le Dr Ayôla Akim Adegnika de l’hôpital Albert Schweitzer

C’est un centre de recherche multidisciplinaire qui a pour mission principale la recherche sur les maladies tropicales, c’est-à-dire le paludisme ; les vers, notamment la bilharzie qui afflige la population ; les vers intestinaux qui affligent les enfants en âge scolaire ; la tuberculose ; le VIH-Sida et les bactéries en général. Les derniers cités, notamment la tuberculose et le VIH-Sida sont des sujets que nous venons seulement d’aborder. Tenant compte de notre spécialisation sur la médecine tropicale, nous sommes sollicités de partout pour commencer ces activités. Mais on ne le fait pas encore, la recherche coûte trop cher. On ne va pas commencer les activités sans avoir les fonds. Nous écrivons les projets pour rechercher les fonds à l’international et si les projets sont financés, nous pouvons alors démarrer.

Notre grande difficulté c’est que nous ne vivons que des projets de recherche. Ce qui est tout de même dangereux, mais jusqu’à présent nous avons du succès parce que nous produisons de bons projets de recherche et nous avons quelques résultats positifs qui nous permettent de vivre. Ce que vous voyez ici est l’œuvre des projets de recherche écrits par les chercheurs seniors. À travers nos publications, les gens nous reconnaissent et ils essaient de nous accorder certains crédits, sans quoi nous ne devions rien avoir. Nous sommes en train de solliciter l’aide du gouvernement et on espère que notre appel aura un écho positif. Déjà, avec le bâtiment qui est en train de se construire derrière grâce au chef de l’Etat, nos sommes très honorés. On se dit que c’est un début et que beaucoup de bonnes choses vont arriver pour permettre de continuer en toute quiétude nos activités de recherche. Car, sans fonds, il n’y a pas de recherche.

Lorsqu’on cite le nom d’Albert Schweitzer, qu’est-ce que cela représente pour vous ?

Disons déjà qu’il est décédé avant ma naissance. Pour moi c’est un humaniste plutôt qu’un médecin. Il est devenu célèbre du fait de ses œuvres humanitaires, ce qui lui a d’ailleurs valu le Prix Nobel de la paix. C’est un homme qui avait pour philosophie le respect de la vie, dans laquelle tout le monde se retrouve. Si vous ne respectez pas la vie d’autrui, votre vie non plus ne sera respectée. C’est un grand homme qui a beaucoup œuvré pour l’humanité, pas seulement pour le Gabon. C’est pourquoi, il est célébré un partout dans le monde. Nous avons une chance dans le fait qu’il a vécu ici, qu’il a tout fait ici. C’est quelque chose qui honore le pays. On doit donc être fiers de lui et œuvrer pour que son image ne ternisse point, qu’elle soit plutôt rehaussée.

Ce centre de recherche s’est fait remarqué par quelques succès. Que pouvez-vous en dire ?

Le succès, comme pour bien de scientifiques, dépend des supports sur lesquels vos activités de recherche sont publiées et parmi les succès que nous avons eus il y a, par exemple, la technique de diagnostic du paludisme, comment faire pour retrouver les parasites du paludisme dans le sang. Avant, avec les techniques d’alors, il fallait 72 heures et on ne pouvait pas définir avec exactitude qu’elle était la charge parasitaire du patient examiné. Nous avons développé la «méthode de Lambaréné», aujourd’hui utilisée dans beaucoup de pays. Elle permet de réaliser une goutte épaisse, en 30 mn, et de voir plus nettement les parasites et de les quantifier, favorisant ainsi la prise, par le médecin, de la décision appropriée pour le malade. Ce qui, déjà, a révolutionné la prise en charge du patient.

Nous avons participé, ensuite, avec d’autres, à la mise en évidence de la résistance de la chloroquine, cette nivaquine que tout le monde prenait dès qu’on était malade. Elle ne marchait plus mais on continuait à l’utiliser. Nous faisons partie de ceux qui ont mis la pression sur la communauté internationale pour demander qu’on arrête la prise de ce médicament. D’ailleurs, nous avons fait arrêter les commandes de ce médicament au niveau de l’hôpital Schweitzer, dix ans avant le reste du Gabon et dix ans avant que la communauté internationale, notamment l’OMS au terme de nombreuses réunions de consensus, ne décide finalement d’arrêter ce médicament. De nombreux autres médicaments que l’on trouve sur la marché, concernant le paludisme, on été évalués ici à Schweitzer et il a été prouvé que ces médicaments marchent afin qu’ils soient mis sur le marché. Bien sûr ces évaluations ont été effectuées un peu partout ailleurs, dans les pays du Sahel, les pays des zones forestières comme le Gabon et les pays des zones montagneuses.

Nous avons aussi simplifié l’évaluation du paludisme sévère grâce à un procédé, dénommé Lambaréné Organ Dysfunction Score (LODS), qui permet, avec deux paramètres, d’anticiper sur la sévérité du paludisme pour pouvoir prendre rapidement l’enfant en charge, avant qu’il ne décède. Ce qui est aujourd’hui pratiqué dans beaucoup de pays pour éviter la précipitation vers la mort des enfants lorsqu’ils font du paludisme sévère.

Nous avons pu démonter que la bilharzie, qui est un autre des domaines sur lesquels nous menons des activités, peut avoir un effet protecteur contre les affections allergiques. Ces travaux ont été publiés dans des revues scientifiques les plus prestigieuses. Il y a également nos travaux sur deux vaccins, en évaluation, contre le paludisme. Le premier de ces vaccins est actuellement en phase 3, qui est la dernière étape avant la mise sur le marché. Le second, le GMZ2, est encore en phase 2 dans le processus d’évaluation. Avec le premier vaccin cité, les travaux démontrent que 56 % des enfants un peu plus âgés seront protégés contre le paludisme ; pour les enfants de 3 à 6 mois qui sont d’ailleurs très rarement infectés parce qu’ils ont encore les anticorps de la mère, on estime la protection 30 à 37 %.

Comment la recherche se finance-t-elle dans ce centre ?

Les financements de nos activités de recherche sont exclusivement basés sur les fonds des projets. Autrement dit, les fonds destinés à payer les réactifs, les fonds destinés au suivi des enfants et les fonds destinés au payement des bourses aux chercheurs. Il faut dire que tous les chercheurs travaillent ici en CDD (contrat à durée déterminée) même s’ils ont des enfants et autres charges familiales. Ce qui n’est pas pour installer la quiétude.

L’année dernière, le budget du centre était de 2 milliards de francs CFA, mais comment pérenniser cela maintenant qu’il y a un tarissement des sources de financement avec la crise économique qui mine l’Europe. Nous avons des bailleurs de fonds tels que l’Union européenne qui le 1er de tous, le gouvernement allemand et dans une certaine mesure les compagnies pharmaceutiques. Mais avec la crise, ils serrent le boulon et nous, ici, on ne peut pas faire autrement. Ce qui occasionne des départs : de nombreux des chercheurs qui étaient ici sont parti dans le secteur pétrolier mais il reste un espoir à travers le projet du Centre hospitalier universitaire (CHU) préconisé par le chef de l’Etat. On se dit qu’avec ça nous pourrons disposer d’un financement qui permettra de constituer un fonds de roulement pour que les scientifiques puissent travailler en paix et qu’ils ne se soucient plus des charges basiques de la vie d’un centre de recherche.

Déjà, nous remercions le Fondation Schweitzer qui nous offre les bâtiments, le courant et l’eau. Ce n’est pas rien mais on a besoin de plus pour pouvoir travailler dans la sérénité. C’est un appel que nous lançons au gouvernement pour que le gouvernement essaie de nous donner quelque chose, comme c’est le cas avec nos collègues du CIRMF qui reçoivent de gros financements de l’Etat pour un travail presque similaire, certes avec des résultats différents.

Pour l’avenir, allez-vous explorer d’autres voies, initier de nouveaux projets ? En gros quelles perspectives ?

Nous allons continuer à initier des projets sur la voie qui est la notre mais qui sera diversifiée, notamment avec l’arrivée, dans notre portfolio, du VIH-Sida et de la tuberculose. Un laboratoire pour la tuberculose a été mis en place mais qui n’est pas totalement développé, les affaires sont encore empaquetées parce qu’il nous manque de la place. On ne travaille pas sur la tuberculose à l’air libre. Il faut des salles spécialisées avec des conditions de sécurité pour les populations environnantes et pour les techniciens qui devront y travailler, parce qu’il y a des souches ultra résistantes qui ne doivent pas s’échapper du laboratoire. De plus, parce que c’est un laboratoire de haut niveau et qu’on ne peut pas jouer avec la vie des gens, nous sommes tout le temps monitorés, suivis, par des organismes qui s’assurent que nous travaillons dans les bonnes conditions de sécurité avec des appareils sans cesse audités.

On espère donc qu’avec la mise en service de ce bâtiment, en 2013, que la tuberculose va enter dans nos activités. Pour le VIH-Sida, nous avons déjà commencé avec les bactéries. Ce qui est aussi très important pour la santé publique, parce que les résistances contre les antibiotiques sont très importantes. On vous traite et ça ne marche pas. On doit déterminer les médicaments qui ne marchent pas pour ne plus aller vers ceux-ci.

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