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Zacharie Myboto : «le pouvoir redoute l’Union nationale»

Troisième anniversaire de l’Union nationale, réhabilitation de ce parti passé à la clandestinité, déclarations de l’ambassadeur des USA au Gabon, Union des forces pour l’alternance, éclipse d’André Mba Obame, actualité politique gabonaise et conférence nationale souveraine, Zacharie Myboto, président de l’Union nationale (UN), s’explique sur Gabonreview.

Vous avez célébré, le dimanche 10 février 2013, les trois ans d’existence de votre formation politique, l’Union nationale (UN), pourtant dissoute. Quel message avez-vous lancé à cette occasion ?

Zacharie Myboto : Le message est d’abord celui de la solidarité, de l’unité au niveau de notre parti et d’encouragement quant à notre volonté de faire en sorte que notre parti soit réhabilité. C’est donc un message de combat militant. L’UN a été dissoute par le pouvoir parce qu’il y a eu, le 25 janvier 2011, un acte politique posé par monsieur André Mba Obame, candidat à l’élection présidentielle du 30 août 2009. Estimant qu’il avait été élu, il entendait s’organiser pour, naturellement, assurer la présidence de notre pays. Mais c’est un acte qui engageait monsieur André Mba Obame par rapport à l’élection présidentielle d’août 2009 et surtout au coup d’état électoral du 3 septembre de la même année. Il se trouvait dans une position où il a pensé qu’il devait revendiquer sa victoire. Il a donc organisé une cérémonie de formation du gouvernement, avec une prestation de serment, de forme. Pour être clair, il faut qu’on sache ce que dit la Constitution de la République gabonaise quant à la prestation de serment du président de la République. L’article 12 de la Constitution de la République gabonaise indique : «Lors de son entrée en fonction, le président de la République prête solennellement le serment ci-dessous en présence du parlement, de la Cour constitutionnelle, la main gauche posée sur la Constitution, la main droite levée devant le drapeau national : « Je jure de consacrer toutes mes forces au bien du peuple Gabonais en vue d’assurer son bien-être et de le préserver de tous dommages, de respecter et de défendre l’état de droit, de remplir consciencieusement les devoirs de ma charge et d’être juste envers tous »».

Voilà ce que dit l’article 12 au sujet du serment du président de la République. Premièrement, le serment présidentiel se prête en présence du parlement, donc devant les députés et les sénateurs. Étaient-ils présents le 25 janvier 2011 lors de la prestation de serment de M. André Mba Obame ? Non. Deuxièmement, est-ce que la Cour constitutionnelle était ici le 25 janvier 2011 ? Non. Il y a donc des éléments fondamentaux qui montrent que ce n’était qu’un acte politique. C’était une prestation de serment de forme. Parce que ni le parlement et ni la Cour constitutionnelle n’étaient là.

L’ancien candidat à l’élection présidentielle a ensuite formé un gouvernement. Mais, ce n’était pas la première fois que cela arrive au Gabon. Au sortir de l’élection présidentielle de 1993, l’opposition, conduite alors par M. Mba Abessole, avait posé un acte similaire. M. Mba Abessole s’était proclamé président de la République. Il avait ensuite formé un gouvernement qui était même entré en fonction. Certains ministres avaient même pris des décisions. Mais en aucun cas, on a dissout le parti de M. Mba Abessole, ni les autres partis auxquels appartenaient les membres de son gouvernement. Et chose plus grave, ils avaient constitué un Haut conseil de la République, devenu par la suite Haut conseil de la résistance. Le Haut Conseil de la République mettait de côté la Constitution, parce que c’est une disposition qui n’existe pas dans la Constitution de la République gabonaise. À l’époque, j’étais dans la majorité et je faisais partie de ceux qui avaient pensé que c’était un acte politique qu’il fallait régler sur le plan politique. Il n’y a pas eu de dissolution de partis politiques. En 1993, M. Ali Bongo Ondimba était député à l’Assemblée nationale. Avait-il interpellé le gouvernement pour lui demander pourquoi il n’avait pas procédé à la dissolution des différents partis qui avaient participé à la constitution du Haut conseil de la République ? Je ne l’ai pas entendu, je ne l’avais pas vu et pourtant c’était même plus grave que ce qui s’était passé ici le 25 janvier 2011. A partir de ce moment-là, il faut qu’on sache exactement ce que l’on veut. Sur la base de ces explications, nous considérons que la dissolution de l’Union nationale est une mesure injuste, une mesure inconstitutionnelle parce que, de toute façon, la seule sanction, en admettant qu’il y ait eu un problème, ce qui n’est pas le cas, aurait été l’interdiction et non la dissolution de l’UN. Et ça c’est l’article 1er, paragraphe 13, alinéa 2 de la Constitution qui le dit.

Si l’on s’en tient aux propos de l’ambassadeur des États-Unis, il vous est demandé de changer de nom, de créer en quelque sorte une nouvelle formation politique. Qu’en dites-vous ?

C’est ce que j’ai déploré. Je crois que l’ambassadeur sait très bien qu’il devrait protéger l’Etat de droit, cet Etat qui consacre la primauté de la loi. Et justement, en dissolvant l’Union nationale, le pouvoir n’a pas respecté le principe de l’Etat de droit. Plus grave encore, il n’a pas respecté la loi sur les partis politiques. Les lois gabonaises montrent bien que les dispositions de dissolution d’un parti politique sont contraires aux dispositions de la Constitution que je viens d’énoncer. Ensuite, la nouvelle loi relative aux partis politiques, promulguée le 14 Février 2012 (loi n°016/2011) portant modification de la loi n° 24/96 du 6 juin 1996, dit par contre que nous n’avons même pas le droit, nous qui appartenons à un parti politique dissout, nous ses dirigeants, d’être dirigeants d’un autre parti. Ce qui veut dire que nous ne pouvons même pas créer de parti, de même que nous ne pouvons pas intégrer un autre parti. C’est la privation de notre liberté d’opinion que nous condamnons et monsieur l’ambassadeur des Etats-Unis ne peut pas l’accepter puisque la liberté d’opinion, la liberté d’expression fait partie des principes fondamentaux de la République gabonaise.

L’ambassadeur des USA a également indiqué avoir eu des échanges avec vous, de même que des responsables de l’ambassade de France. Qu’en dites-vous et de quoi avez-vous parlé ?

Oui nous avons eu des échanges. Nous avons parlé des problèmes de l’Union nationale et je crois que notre position n’a jamais varié. Nous avons toujours estimé que l’UN n’avait pas à être dissous, que cela a été une mesure purement politicienne parce que le pouvoir redoute l’Union nationale. Pour le pouvoir, l’UN est un adversaire qui sait ce qu’il peut faire pour arriver à l’alternance démocratique dans ce pays. Nous ne l’acceptons pas et c’est pour cela que nous disons que monsieur l’ambassadeur ne peut pas se contenter de nous demander de changer de nom alors qu’il sait très bien que la procédure utilisée par le pouvoir est une procédure viciée. Il ne peut l’accepter. Voilà ce que nous disons et c’est le message que nous renvoyons à monsieur l’ambassadeur.

Malgré cette dissolution, vous prenez part aux activités de l’Union des forces pour l’alternance (UFA), auparavant de l’Union des forces du changement (UFC). Quel est votre part dans l’UFA?

Je crois qu’il est reconnu aujourd’hui que l’UN est un parti implanté sur l’ensemble du territoire national. Il est donc tout à fait normal, pour nous, de ne pas décevoir nos militants et sympathisants sur l’ensemble du territoire national. C’est pour cela que dans notre volonté de continuer à mener une activité politique saine et démocratique, nous intégrons un certain nombre de regroupements de partis politiques dont, hier, la Coalition des partis politiques pour l’alternance (CPPA) ensuite l’Union des forces du changement (UFC) et, aujourd’hui, l’Union des forces pour l’alternance (UFA). Nous prenons part aux travaux de ce regroupement de partis politiques et nous apportons notre modeste contribution aux travaux qui se font au sein de ce groupe.

Depuis un moment on n’a plus vu André Mba Obame, physiquement, à vos côtés et récemment il a effectué une sortie à travers une interview dans un journal de la place. Quelle explication en avez-vous ?

De toute façon, je pense qu’il n’y a pas de contradiction entre ses propos et nos propos. Ce qui veut d’abord dire que nous sommes en parfaite harmonie ; c’est la première chose. En deuxième lieu, s’il n’apparait pas en public c’est tout simplement parce qu’il est malade et c’est pour cela que nous avons été heureux de l’entendre dire qu’il est rétabli à 70%. Il reste 30% et nous lui souhaitons un prompt rétablissement pour qu’il reprenne avec nous la marche ascendante des activités de notre parti.

Lors d’un meeting, le 10 novembre 2012, à l’issue duquel vos militants attendaient des «déclarations fortes», vous avez appelé à des actions démocratiques pour l’alternance. Qu’est-ce que cela voulait dire exactement ?

Vous savez, la politique ce sont des choix. Mais ce sont aussi des choix républicains, des choix démocratiques. C’est ce que nous avons choisi comme comportement. C’est tout à fait normal parce qu’en ce moment-là, nous sommes respectueux des dispositions légales, notamment de la Constitution de notre pays. Nous entendons par «actions démocratiques» toutes celles qui peuvent nous permettre d’exercer notre liberté d’expression, d’opinion et notre volonté de construire un Gabon qui soit fort. Je suis très heureux que vous veniez m’interviewer. Malheureusement, est-ce que vous nous voyez sur la première ou la deuxième chaîne ? Absolument pas. Or, ce sont des chaînes publiques qui, «naturellement», ne nous permettent pas de nous exprimer. Par contre, elles attaquent souvent nos positions, nous attaquent sans que les gens sachent exactement ce que nous avons dit. Il faudrait pourtant qu’on nous donne cette possibilité de pouvoir nous exprimer, de pouvoir agir. Si nous devons faire des marches, si nous devons faire des sit-in, il faudrait que cela nous soit permis parce qu’il s’agit d’actes purement démocratiques dans un système d’Etat qui consacre la démocratie pluraliste, dans un état de droit.

Quelles sont, aujourd’hui, vos relations avec maître Louis Gaston Mayila qui a gardé l’UFC à l’issue de la scission ayant débouché sur la création de l’UFA?

Je crois que ça c’est le passé maintenant. Nous n’allons pas tout le temps revenir sur le passé. Maître Louis Gaston Mayila, qui est un frère, a fait son choix. Nous avons fait le nôtre. L’essentiel c’est que les Gabonais sachent exactement qui dit quoi, qui fait quoi, qui veut quoi. Voilà ce que nous disons.

Par contre, parce que j’ai lu, entre autres, des propos de Me Louis Gaston Mayila qui disait que je lui avais adressé une lettre lorsque j’avais demandé un débat sur mes activités au ministère des Travaux publics, je voudrais dire ceci : Non, je ne lui avais pas fait une lettre à lui, en tant que président du Conseil économique et social (CES), pour que je vienne m’expliquer devant le CES. Non. Il s’agissait d’une lettre de transmission au CES, donc aux conseillers économiques et sociaux. Comme j’ai fait la même chose à l’adresse du président de l’Assemblée nationale, pour les députés, et du président du Sénat, pour les sénateurs. Une lettre de transmission de ma lettre de demande d’un débat public adressée au président El Hadj Omar Bongo sur les questions de la route au Gabon de 1990 à 2004. Cette lettre au président de la République comportait une ampliation à monsieur le président de l’Assemblée nationale pour les députés, à monsieur le président du Sénat pour les sénateurs et à monsieur le président du CES pour les Conseillers économiques et sociaux. Voilà, c’était cela le sens de ma lettre. S’il m’avait demandé de venir m’expliquer devant le CES, avec tout le respect que je dois à cette institution, je n’y serais pas allé parce que ma lettre ne s’adressait pas à cette institution. Voilà ce que je voulais relever.

Des travaux ont récemment été lancés par le président Ali Bongo Ondimba à la Cité de la démocratie. Ceux-ci concernent l’agenda de la présidence gabonaise de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac) et l’introduction de la biométrie dans le processus électoral au Gabon. Quelle en est votre lecture ?

J’avoue qu’il faut faire les choses sérieusement. Vous savez, il y a une façon de voir les problèmes de la Cemac parce que c’est une institution inter-États. Si le président de la République a des vues ou des idées sur la Cemac, parce qu’il assure une présidence qui est rotative, je pense qu’il avait la possibilité de ne pas en faire une affaire politicienne. Il y a des services techniques censés réfléchir sur ces problèmes-là. Il aurait pu organiser cela de manière purement technique plutôt que d’en faire une opération de politique politicienne. Ce qui est le cas et c’est cela la réalité. Pour nous, cela n’a eu aucun écho particulier. Le Conseil national de la démocratie (CND) c’est la même chose.

Et la Conférence nationale que vous demandez depuis des mois et dont le porte-voix est désormais l’ONG «Ça suffit comme ça» ?

Je vous assure que toute cette actualité, abordée dans votre précédente question, c’est pour éviter la tenue de la conférence nationale souveraine. Parce que les problèmes du Gabon ne sont pas seulement politiques, ce ne sont pas seulement des problèmes économiques. Ils englobent tous les domaines de la vie quotidienne des Gabonais. Donc, nous continuons à travailler pour la tenue de cette conférence nationale souveraine. J’ai d’ailleurs invité les militants et les militants à aller s’inscrire sur les listes ouvertes à cette occasion.

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