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Rentrée judiciaire : un satisfécit pour quels résultats ?

DSC_8028.JPG-99112ff8La rentrée judiciaire pour l’année 2013-2014 a eu lieu le 7 octobre 2013, conformément aux dispositions constitutionnelles. Ouvert sous le thème de «la mission du juge et les questions de son indépendance», ce retour dans les cours et tribunaux s’est fait sur une note de satisfaction de l’exercice précédent. Mais pour quel résultat ?

En présence du chef de l’Etat et président du conseil supérieur de la Magistrature suprême, du Premier ministre et du ministre de la Justice notamment, les cours et tribunaux et repris leurs activités à l’occasion d’une cérémonie organisée le 7 octobre au tribunal de première instance de Libreville.

Cette cérémonie solennelle a été présidée par Martin Akendengué, premier président du Conseil d’Etat. Dans son intervention, la commissaire générale à la Loi, Henriette Mengue, est revenu sur la question cruciale de «la mission du juge et la nécessité de son indépendance». A ce propos, elle a notamment regretté que, l’indépendance du juge, pourtant consacrée par la constitution, soit mise en cause par le justiciable qui évoque la lenteur et la justice du deux poids deux mesures et assume un certain divorce d’avec le corps judiciaire.

«Le dénigrement exercé contre la justice et les juges est lié à la méconnaissance quasi-totale de l’appareil judiciaire, à la complexité de la loi et des procédures par les justiciables», a déploré Henriette Mengue. Mais il est reproché aux magistrats une trop grande proximité avec les milieux politiques et d’affaires. Leurs capacités à favoriser des promotions et leur pouvoir financier influenceraient alors les rapports qu’ils entretiennent avec les juges qui seraient alors enclins à prendre parti au détriment de la justice équitable, a poursuivi la commissaire générale à la Loi.

L’année judiciaire 2012-2013 s’est achevée avec l’ouverture de celle de 2013-2014. Ce fut l’occasion de vanter les mérites et les prouesses des hommes en toges au regard du bilan de l’exercice écoulé, présenté comme positif au vu du travail abattu par les différentes cours et chambres à travers le nombre d’affaires traitées en neuf mois, estimé supérieur par rapport à celui de la période allant de 2002 à 2010.

Selon les chiffres publiés par Gabonnews.com, «les cours d’appel de l’ordre judiciaire ont traité 448 affaires sur 477 enrôlées entre octobre et juin derniers alors que seules 359 affaires avaient été traitées entre 2002 et 2010». De même, «dans les neuf tribunaux de Première instance, 2650 décisions ont été rendues en chambres correctionnelles, 884 en chambres civiles et commerciales, 5245 en chambres sociales, 7747 en chambres du conseil, 603 en matière référé, 1680 en terme de certificats de nationalité, 552 en succession et 1803 en création d’entreprises».

Voici en quoi se résume le succès de l’appareil judiciaire nonobstant les annonces phares émises au cours de l’exercice précédent, tenant en haleine la population gabonaise qui attendait d’en voir la concrétisation sur le terrain pour célébrer l’émergence et l’indépendance de sa justice, estimée aujourd’hui à deux vitesses. Pour bon nombre de Gabonais cette année judiciaire 2012-2013, aura davantage été orientée sur la propagande et le spectacle que sur la promotion d’une justice équitable.

À titre d’exemple, on citera l’ouverture de sessions criminelles initiées à travers le pays et dont certaines familles éplorées espéraient obtenir réparation et justice. Rien n’est cependant allé au terme de la logique annoncée. Ces sessions criminelles ne se sont visiblement limitées qu’aux maillons faibles de la population, évitant avec la manière la réouverture des dossiers qui de près ou de loin concernent des personnalités publiques politiques, à l’exception du sénateur du département du Komo Kango, Gabriel Eyéghé Ekomie qui continue d’alimenter la chronique. «À quand la fin de ce principe qui veut qu’une enquête finisse dans l’impasse dès qu’une personnalité politique est concernée ? Il suffit en effet que, du haut de son statut politique, le commanditaire du crime invoque la fourniture de preuves, au demeurant impossible à fournir dans un contrat verbal, pour que l’affaire s’enlise», s’interroge un citoyen exaspéré.

Au nombre des annonces restées lettre morte du fait de l’attente interminable de la création d’une Cour spéciale pour les crimes économiques au Gabon, on notera les 92 dossiers déjà traités par la Commission nationale de la lutte contre l’enrichissement illicite (CNLCEI). Mais aussi, les résultats des enquêtes concernant le détournement des finances publiques lors des fêtes tournantes de l’indépendance durant la période de 2003 à 2009. Entre 3 et 5 milliards de francs CFA auraient été subtilisés dans ce cadre.

«Maintenant, les Gabonais attendent. Oui, ils attendent ! Nous aussi, on attend. Ça fait aujourd’hui un an que je dis : mettez en place la Cour criminelle spéciale et, nous, on vous donne les dossiers. On a déjà dit qu’on a plus de 90 dossiers. Depuis un an, on a plus de 90 dossiers qui sont prêts à aller chez le juge. Et ce n’est qu’un décret qu’il faut prendre. La Cour criminelle spéciale existe. Il faut simplement prendre le décret qui en nomme le président et les membres. Les activités de la dernière Cour criminelle qui a été mise en place se sont terminées en 2009. Nous sommes en 2012, ça fait trois ans que cette structure attend la nomination de ses membres. Ce n’est pas à la Commission de nommer ces membres. La Commission alimentera la structure quand la Cour criminelle spéciale sera mise en place», déclarait l’ex-président de la CNLCEI, Vincent Lebondo Le-Mali lors du lancement de l’étude sur la stratégie nationale de lutte contre la corruption et l’enrichissement illicite.

Au cours de la nouvelle année judiciaire qui vient de s’ouvrir, sous la problématique de l’indépendance des juges, ceux-ci seront-ils assez libres pour ressusciter et conduire jusqu’au verdict final les différentes affaires oubliées, faute de «preuves» ? Entre autres, l’assassinat d’Ondzingui Assoume alors adversaire du vice-président de l’Assemblée nationale, Daniel Ona Ondo, à une élection législative ; l’enlèvement en mai 2011 du gardien de Maxime Ngozo Issoundou, ancien ministre du Travail, de l’Emploi et de la Prévoyance sociale.

On pense également à la ville de Booué où le jeune Ferdinand Kangoué avait été tué, délesté de ses organes reproductifs et de son cœur avant d’être placé sur le chemin de fer en vue de simuler un écrasement par le train. Des membres du Parti démocratique gabonais (PDG, au pouvoir) avaient été interpellés par la gendarmerie en janvier 2011. Notamment Iloubou Boussengui, un responsable de cette formation politique dans la localité, et Madeleine Benga, infirmière et simple militante. Au terme d’un micmac judiciaire, Rigobert Ikambouayat Ndeka, actuel directeur général de l’Office des ports et rades du Gabon (OPRAG) et ancien ministre délégué à la Communication, vers lequel pointait un faisceau de présomptions, fut entendu au tribunal de Makokou. Il a été innocenté il y a quelques mois au terme d’une ultime audience à ce même tribunal. Une autre affaire dans laquelle il est cité, relative à l’assassinat sauvage d’un transporteur camerounais Amadou Yogno, tué en janvier dernier près Ndjolé, est entrain de s’embourber dans les contradictions des prétendus auteurs du crime et dans des confrontations à atermoiements. Il faut pourtant que la procédure aille à son terme afin que les coupables soient punis et les innocents blanchis. De quel satisfécit s’est donc couvert l’appareil judiciaire lors de sa rentrée il y a deux jours ?

D’ailleurs, des magistrats ont été récemment convoqués aux fins de s’expliquer sur leurs décisions ou sur le fait d’avoir violé la loi dans des affaires dites «sensibles» sous la pression de leur hiérarchie, a relevé Henriette Mengue, la commissaire générale à la Loi.

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