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Une leçon d’épuration administrative par Luc Oyoubi

Luc-Oyoubi2Invisibles dans la presse habituelle, non annoncées en Conseil des ministres, les dernières nominations intervenues aux Douanes et aux Impôts sont un véritable séisme. Fortement provincialistes, elles ont attribué la part du lion à la province d’origine de Luc Oyoubi, maître d’œuvre de cette distribution qui donne là une belle illustration de ce que quelqu’un a nommé «la République au village». Un coup porté à l’unité nationale.

«Paix, développement et partage», un triptyque de valeurs sinon de principes auquel nombreux de ceux qui ont voté Ali Bongo en septembre 2009 ont vraiment cru. Il est cependant, aujourd’hui, difficile de croire que Luc Oyoubi, censé matérialiser le développement, puisqu’il est chargé de l’Économie, de l’Emploi et du Développement durable, ait vraiment pris en compte le principe du «partage». Ou alors l’a-t-il expressément oublié. Pour mémoire, alors qu’on lui demandait, dans une interview aux Marchés Africains en décembre 2012, «Comment pourrait-on résumer la méthode et le style ABO dans la gestion des hommes et la bonne gouvernance ?», le président Ali Bongo avait répondu : «Tout simplement trois mots : paix, développement et partage.» Luc Oyoubi n’a visiblement pas adopté ce style dans la gestion des hommes, ainsi qu’en témoigne le népotisme grinçant qui caractérise ses dernières nominations à la Direction générale des douanes et à la Direction générale des impôts.

Okondja au banquet

A ce sujet certains journaux locaux n’ont vu dans la dernière distribution des rôles effectuée par le ministre de l’Economie qu’une mise au ban des cadres soupçonnés d’être proches de Jean-Pierre Lemboumba Lepandou, ancien ministre des Finances et actuel conseiller du Chef de l’Etat, et de Paul Toungui, ancien ministre des Affaires étrangères et rival politique de Luc Oyoubi dans leur fief d’Okondja. Bien plus, raconte un cadre de la Direction générale des douanes, «il ne s’agit pas que de cela et ce n’est même pas le fait que ces nominations ont privilégié les ressortissants du Haut-Ogooué qui choque, c’est la quantité des gens d’Okondja et de la parentèle du ministre».

En effet, on note, entre autres et selon des sources dignes de foi, qu’à la Direction des domaines et des opérations foncières, Mme Aïcha Ndjilekissa Lekounigha, certes inspecteur des impôts, ne serait autre que la fille du grand-frère de Luc Oyoubi. Dans le même ordre d’idées, on signale, aux douanes, que M. André Florent Ngaba, nommé patron de la Direction de la législation et des relations internationales, n’est autre que le cousin germain du ministre de l’Economie. Il se murmure également que M. David Lengoussa, nommé chef du bureau central de Port-Gentil de la région douanière de Port-Gentil, serait le petit frère «même père, même mère», ainsi qu’on le dit au Gabon, du ministre.

Pointage sommaire des dernières nominations

Photocopiés et circulant comme par une sorte d’effet viral, les fiches de ces nominations mettent en évidence que la province d’origine du président de la République s’est taillé la part du lion. Ainsi, sur une fiche portant redistribution des rôles dans les services centraux des Impôts, le pointage laisse apparaitre que sur 22 postes à pourvoir, la province d’origine de Luc Oyoubi s’en octroie 10, laissant ainsi à chacune des 8 autres provinces du pays une moyenne théorique de 1,5 poste. Si ce n’est pas tirer toute la couverture à soi, ça y ressemble fort. L’exercice peut se poursuivre sur de nombreux autres feuillets de ces attributions de postes. On note, par exemple, sur un feuillet commençant par la «Direction des régimes spécifiques» et se terminant par le «Centre des impôts des moyennes entreprises», en passant par les «Services extérieurs», les «Services de direction» ou ceux de «Gestion et des affaires domaniales-Estuaire», que sur 15 postes à pourvoir, le Haut-Ogooué s’est vu attribuer 10 nominations, laissant aux 8 autres provinces du pays 5 postes, soit une moyenne théorique de 0,62 poste pour chacune d’elle.

À la Direction générale des douanes, la distribution sinon les distorsions sont tout aussi importantes. Sur un feuillet portant les nominations de 5 Directions (Budget et comptabilité ; Instruments de mesure ; Enquêtes douanières et contentieux ; Législations et relations internationales ; Régimes économiques et privilèges), Luc Oyoubi a laissé faire ou a autorisé que sa province s’arroge 10 des 17 postes pourvus, laissant les 8 autres provinces se partager 7 postes, soit 0,87 poste par province. L’exercice pourrait se poursuivre sur tous les autres feuillets, mais il n’est pas ici question d’écrire une thèse à ce sujet, il est tout juste question de se demander si la province du ministre chargé de la supervision des deux directions où sont intervenues ces attributions de postes est la seule du pays à avoir formé des inspecteurs des douanes ou des impôts.

De même, on passera sur des cas déplorables et préjudiciables pour le fonctionnement de l’administration à travers lesquels des jeunes gens qui gagneraient à se forger davantage en viennent à remplacer et à désormais commander des anciens qui devraient leur apprendre le métier et les rouages de ces administrations, ou encore sur des cas comme ceux de la Direction provinciale des impôts du Haut-Ogooué où le directeur et son adjoint sont toujours de la même province, respectivement Jean Claude Maïssa et Jean Félix Ongoulou. Idem pour la Direction provinciale des impôts de l’Estuaire avec Louis pascal Mbighi et Edith Mbiguidi. Or, généralement, le DG n’est jamais de la même province que son adjoint. Il est entendu que les noms ici communiqués ne servent que d’exemple et de preuve et qu’il n’est nullement question de porter un quelconque préjudice à ces fonctionnaires qui n’ont certainement rien demandé et qui n’étaient pas dans le secret des dieux lors de l’élaboration de cette distribution.

Paix, développement et partage

Mais d’où sortent d’ailleurs ces nominations qui ne figurent pas dans un communiqué final du Conseil des ministres ? «On n’a rien vu dans L’union, ces nominations ont juste été affichés dans les administrations concernées. Est-ce que Luc Oyoubi n’a pas profité du fait que le président de la république n’était pas là pour régler les comptes aux gens ?», déplore et interroge un autre agent des Douanes qui précise : «les nominations aux douanes ou aux Impôts doivent pourtant passer par le Conseil des ministres». Il se murmure également que les directeurs des Douanes et des impôts qui connaissent mieux leurs administrations ont fait des propositions dont le ministre n’a pas daigné tenir compte.

Comment donc parler de «Partage» avec de telles affectations, jamais vues même du temps d’Omar Bongo vieillissant et comment expliquer qu’au moment où le Gabon est dirigé par un président qui a érigé le partage en valeur et en objectif, un ministre de son pays en vienne à des avancements du personnel qui puent le tribalisme à plein nez. On brise sans regrets ni remords la carrière de cadres issus de certaines provinces, sans doute sans avoir l’intention de leur faire du mal, mais juste parce qu’on veut se construire une base arrière électorale. Les compétences, l’avenir et le développement du pays on ne s’en préoccupe pas, alors que la constitution est formelle au sujet de la discrimination : «Tout acte de discrimination raciale, ethnique ou religieux, de même que toute propagande régionaliste pouvant porter atteinte à la sécurité intérieure ou extérieure de l’Etat ou à l’intégrité de la République sont punis par la Loi». Il est ici question de paix. Car, que pensent donc ceux des fonctionnaires qui sont lésés et souffrent de ces dérapages ? Comment le vivent-ils ?

L’ethnocentrisme, le provincialisme et la politique d’exclusion ne mèneront le Gabon qu’à l’échec. Ils le privent du génie créateur de nombreux de ses fils. Ils exacerbent les frustrations dont l’accumulation constitue une grave menace pour l’unité et la stabilité du pays. Les rancœurs entretenues n’attendent que l’occasion de s’exprimer violemment. Ali Bongo devrait donc rapidement sévir. Car, l’appétit vient en mangeant et ces pratiques pourraient se poursuivre alors qu’à l’approche de la présidentielle de 2016, son régime a besoin de séduire tous les Gabonais. Sinon, la méthode et le style ABO dans la gestion des hommes et la bonne gouvernance comporte-t-il toujours le principe du partage ?

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