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Palm Oil Africa : les rectifications de Brainforest

palma2À l’occasion de la 2è édition de la Conférence Palm Oil Africa tenue à Libreville du 17 au 19 octobre 2013, l’ONG Brainforest bien que non invitée, n’a pas manqué de donner sa position sur la problématique des agro-industries, à travers la mise en évidence d’un certain nombre d’observations concernant l’ampleur des projets agro-industriels au Gabon.

Réunis à Libreville pendant trois jours pour réfléchir sur l’avenir du palmier à huile, les experts du Ghana, le Nigéria, la Côte d’Ivoire, de même que d’Asie et d’Europe, ont élaboré quelques stratégies à mettre sur pied pour la durabilité et la viabilité des modèles commerciaux de ce produit. L’occasion a également saisie par l’ONG Brainsforest, dont le secrétaire exécutif n’est autre que Marc Ona Essangui, pour partager son point de vue l’expansion des projets agro-industries et leur apport au développement socio-économique, mais également à l’établissement de lien en loi forestière et législation foncière ou domaniale.

Le communiqué publié par Brainforest à ce propos s’inscrit dans le droit fil d’une étude intitulée «Les populations gabonaises face à l’insécurité foncière», menée par Franck Ndjimbi, un consultant national. Commanditée par cette ONG, en collaboration avec le FERN et le World rainforest movement (WRM), cette étude produite au terme d’une mission d’analyse de l’impact des plantations agro-industrielles de palmiers à huile et d’hévéa sur les populations du Gabon, donnait l’alerte sur les menaces pour les populations rurales assujetties aux plantations industrielles de palmiers à huile et d’hévéas.

Selon l’ONG, les éléments fournis aussi bien par le gouvernement que les opérateurs Siat-Gabon et Olam sur la portée socio-économique de plantations agro-industrielles demeurent insatisfaisants et ne permettent pas de cerner la problématique dans son ensemble. La mise en exergue de emplois potentiels et des engagements sociaux des opérateurs n’est ni suffisante ni convaincante. «Il faut aussi prendre en compte les effets sur les ressources en eau, en sols, en produits forestiers et halieutiques ainsi que les impacts sur les activités humaines, notamment l’agriculture de subsistance, la chasse et la cueillette, la pêche, le commerce. Au-delà, il faut s’appesantir sur les implications sur le mode de vie des populations, entre autres la sécurité alimentaire, la capacité à se soigner, la propriété foncière, les activités culturelles et cultuelles ainsi que les structures sociales et modes d’organisation. Il est erroné de n’afficher que des perspectives en termes d’emplois. Ces perspectives sont le résultat d’un choix orienté qui surestime volontairement le nombre d’emplois potentiels et tend à occulter les pertes liées notamment aux nombreuses exonérations fiscales», propose Brainforest.

Pour Brainforest, «le gouvernement a le devoir d’affiner les connaissances en terme de perspectives socioéconomiques en tenant compte du coût d’opportunité et des changements induits sur le mode de vie des populations rurales et non comme actuellement sur la seule base des promesses faites par les opérateurs Siat-Gabon et Olam. Il s’agit alors de prendre en compte l’intégralité des exonérations fiscales, intégrer les pertes en biodiversité et en ressources financières liées à la disparition de la ressource forestière ligneuse».

Abordant le rôle des sols dans la protection de la biodiversité, Brainforest estime qu’il doit «être mieux évalué afin de définir des modes de gestion permettant de les protéger et les valoriser. Ainsi, le développement des agro-industries reposant sur une acquisition des terres à grande échelle compensée par des « projets de développement durable » tels que prévus par le projet d’ordonnance de loi 20/2013 d’orientation sur le Développement durable en République gabonaise n’est pas compatible avec une gestion durable à même de répondre aux enjeux à long terme de protection de la diversité biologique et de défense des droits légitimes des populations rurales».

«En Asie du Sud-est, le développement des agro-industries s’est traduit pas des coûts sociaux et environnementaux considérables. De nos jours, l’objectif ne se résume plus à la production d’huile de palme ou de caoutchouc en granulé mais de prévenir ou réduire les impacts environnementaux et sociaux négatifs. L’ampleur des conflits sociaux et des mouvements démographiques a quasiment annihilé l’impact des emplois sur le mieux être des populations locales ou autochtones. Les plantations agro-industrielles ayant favorisé un appel d’air en faveur d’une immigration croisée entre Malaisie et Indonésie, une incompréhension généralisée en a résulté avec, en prime, des conflits sociaux», poursuivent les combattants de l’environnement, en guise de mise en garde.

Les emplois potentiels constituent une donnée qui pourrait mieux être utilisée si un minimum de pré requis est respecté. Il faudrait à tout le moins considérer que les plantations de palmiers à huile et d’hévéa ne contribuent en rien à la sécurité ni à la souveraineté alimentaire des Etats. De même, la conversion d’une forêt pour la production d’huile de palme ou d’hévéa, a un coût d’opportunité potentiel, résultant de la perte des revenus alternatifs (exploitation forestière, chasse, produits forestiers non ligneux) ou potentiels (paiements pour services environnementaux, REDD, etc.). Autant d’activités susceptibles de générer des revenus substantiels pour l’État, les communes et les communautés locales. Le bilan des plantations agro-industrielles, doit donc intégrer ces composantes pour justifier de sa contribution réelle aux objectifs de protection de développement économique et social.

Loin de vouloir incriminer Siat-Gabon et Olam à travers leurs différents projets, Brainforest ne manque pas de manière pour relever les manquements et le flou artistique autour desquels ils sont conduits. «Ils exigent une attribution de concessions toujours plus grandes alors que ces terres et forêts sont multifonctionnelles et pourraient servir davantage. De plus, le sort des ressources en eau (superficielles et souterraines) voire de l’ensemble des ressources n’est que très rarement abordé dans ce cadre-là. Pis, les exonérations fiscales sont si importantes que l’on en vient à se demander s’il ne s’agit pas d’un marché de dupes. Et, cerise sur le gâteau, les conventions liant ces entités à l’Etat gabonais demeurent de vrais serpents de mer dont tout le monde entend parler sans jamais avoir la possibilité de les interroger encore moins les consulter», souligne l’ONG.

«Il faut également analyser la gestion du domaine forestier national sous l’angle foncier et mettre systématiquement en lien loi forestière et législation foncière ou domaniale. Il s’agit d’adapter les modes d’occupation et d’utilisation de l’espace aux modalités de gestion des ressources naturelles. Il s’agit aussi d’inscrire la gestion du domaine Forestier national dans une logique d’aménagement du territoire afin de permettre à d’autres activités (aires protégées, mines, énergie, constructions d’infrastructures…) de se développer dans le strict respect de l’environnement et des droits des populations locales», préconise Brainforest pour une appropriation de la législation des droits des communautés forestières.

Comme pour accompagner sa critique d’idées et de solutions pour une agro-industrie qui serait un facteur de développement socio-économique pour le Gabon, Brainforest suggère notamment «l’élaboration d’un guide des bonnes pratiques du développement des plantations agroindustrielles, et l’identification de zones favorables à ces activités au travers d’une planification territoriale au niveau national» ; «L’adhésion du Gabon à la Convention n°169 de l’OIT sur la protection des peuples indigènes et tribaux serait un atout considérable puisqu’elle pourrait servir de fondement à une interprétation nationale d’outils tels que les HVC, le RSPO et le CLIP. Il s’agirait ensuite d’en inclure les fondements dans la législation nationale. D’autre part, le suivi des impacts environnementaux et sociaux doit devenir une exigence de l’attribution des terres et titres forestiers afin de se donner les moyens de réagir aux évolutions et adapter les activités aux impératifs de sauvegarde des activités traditionnelles et du mode de vie des populations. L’accès à l’information publique, l’accès aux voies de recours, la participation au processus de prise de décision, les droits de propriété, les droits d’usage et le mécanisme de partage des bénéfices constituent, entre autres, les fondements de cette refonte que nous appelons de nos vœux afin de réconcilier agro-industries, droits des populations et protection de la biodiversité. Et Brainforest est prête à accompagner tous les acteurs dans un cadre concerté et participatif afin d’assurer les intérêts des uns et des autres», conclut le document signé de Marc Ona Essangui.

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