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Georges Mpaga : les jeunes doivent être plus représentatifs dans la vie politique

Georges-Mpaga1Parti de l’idée que la société civile se mêle de ce qui ne la regarde pas, Georges Mpaga, membre du mouvement «Ça suffit comme ça» et président du Réseau des organisations libres de la bonne gouvernance au Gabon (ROLBG), a été amené à clarifier son positionnement, à situer l’idée de conférence nationale et à expliciter son projet actuel visant à améliorer la participation des jeunes aux élections mais aussi aux responsabilités dans les partis politiques.

Gabonreview : M. Georges Mpaga, on parle souvent du ROLBG comme une association de la société civile, qu’en est-il réellement ?

Georges Mpaga : Le ROLBG n’est pas une association de la société civile. C’est une OSC, donc une organisation de la société civile qui a pour vocation de promouvoir la bonne gouvernance. Ceci est parti du constat que le Gabon a des problèmes de gouvernance, et qu’au centre de toutes les difficultés que nous éprouvons dans ce pays, se trouve la question de la gouvernance. Nous nous sommes donc dit qu’il était nécessaire que les membres de la société civile s’unissent, s’organisent en réseau et travaillent ensemble dans le but de promouvoir une meilleure gouvernance au Gabon. Le ROLBG a donc été créé en 2008 pour démarrer de façon effective ses activités en 2009, pour ce fait.

Notre action est principalement orientée vers la gouvernance démocratique. Nous nous attelons à mettre en œuvre des activités qui concourent à l’amélioration de l’environnement démocratique. Nous traitons principalement des élections parce que nous estimons que celles-ci contribuent à l’amélioration de la démocratie. Nous militons donc pour la réforme des institutions et pour l’organisation d’élections régulières, transparentes et honnêtes. Mais nous travaillons aussi sur les questions d’Etat de droit, de justice. Nous militons pour l’humanisation des prisons ; pour l’indépendance de la justice ; la séparation des pouvoirs. Nous pensons que la justice est un maillon important dans l’organisation d’un pays. La justice, de notre point de vue doit être séparée du pouvoir exécutif.

L’autre aspect qui concerne notre engagement sur la question de bonne gouvernance, le 3ème pilier de notre engagement concerne donc la lutte contre la corruption. Nous traitons de la gouvernance financière ; nous luttons pour que le Gabon devienne un pays débarrassé de la corruption, parce que la corruption nuit aux efforts du Gabon, qui est considéré aujourd’hui comme un pays gangrené par la corruption. Et nous luttons pour la réduction de son impact dans notre pays.

Vous parlez du ROLBG comme étant un réseau. Combien et quelles sont les différentes organisations qui constituent ce réseau ?

Nous avons plusieurs organisations : des organisations syndicales comme la CONASYSED, la fédération des mouvements de jeunesse de l’Eglise catholique, des mouvements telle que la coalition des femmes qui luttent contre les erreurs médicales, des associations de juristes, celles qui militent pour des questions de santé, de l’environnement et contre les crimes rituels. Nous regroupons en tout une vingtaine d’organisations de la société civile actives. Le ROLBG est donc un réseau, un ensemble d’organisations qui a décidé de fédérer leurs différentes actions.

On vous a vu aux côtés du mouvement «Ça suffit comme ça» vous prononcer en faveur de la conférence nationale souveraine. Beaucoup on dit par la suite que vous êtes des opposants. Ont-ils eu tort de le penser ?

Nous ne sommes pas de l’Opposition. J’estime que dans un Etat de droit, il faut que des personnes parlent lorsque le pays n’est pas correctement gouverné. L’obligation des citoyens est de faire pression afin que ceux qui sont détenteurs du pouvoir puissent écouter la voix de la sagesse. Nous avons, en 2011, mis en place le mouvement «Ça suffit comme ça», justement, pour promouvoir les réformes, étant donné que l’élection anticipée de 2009 a engendré beaucoup de frustrations dans le pays. De plus, il y a eu un certain nombre de choses qui ont failli plonger notre pays dans une certaine incertitude. Il était donc question de faire la promotion des réformes par une conférence nationale souveraine car nous estimons que le Gabon doit adopter les standards démocratiques internationaux. Le Gabon doit avoir des élections régulières. Nous militons, entre autres pour la réduction du mandat présidentiel à 5 ans, renouvelable une seule fois ; nous militons pour la réforme de la Cour constitutionnelle car il faut qu’elle soit le reflet du paysage démocratique gabonais dans le sens où elle doit incorporer en son sein les membres de la société civile, les membres de l’Opposition, ceux de la Majorité et en plus de ceux du corps judiciaire, ce sont ces quatre éléments qui doivent faire partie de la Cour constitutionnelle. Il faut donc rééquilibrer la Cour constitutionnelle afin qu’elle représente véritablement le peuple gabonais.

Ce n’est pas très différent de la rhétorique de l’opposition…

Nous ne sommes pas des opposants. Nous sommes des contre-pouvoirs parce que dans un pays où l’Assemblée nationale est occupée par le parti au pouvoir à 98%, il n’y a plus de contre-pouvoir. Il n’y a donc aujourd’hui que la société civile qui peut jouer ce rôle. Nous sommes donc un réseau qui milite pour des réformes globales qui doivent déboucher sur la mise en place d’institutions fortes, fiables et qui résultent de la volonté populaire.

Par contre, vous battez moins le tambour pour ce qui est de la conférence nationale. Cette idée serait-elle tombée en désuétude ?

Non. Je pense que nous sommes dans un processus. Le chanteur Pierre Akendengue disait : «Lorsque que tu marches, arrête-toi un moment. Lorsque tu chantes, arrête-toi un moment.» Lorsque tu fais quelque chose, il faut savoir s’arrêter un moment pour faire le point. Nous avons lancé l’idée ; nous avons fortement milité pour la tenue d’une conférence nationale souveraine et la réflexion a été lancée, mais maintenant, il faut organiser et redéfinir les approches pour y parvenir. Je pense pour ma part que c’est à ce niveau que nous sommes. Le projet n’est pas mort-né, il n’a pas été jeté aux oubliettes ; il est dans un processus et nous pensons que nous y arriverons. Que ce soit demain ou après-demain, la conférence nationale se tiendra. Le calendrier peut être réaménagé, et nous sommes dans cette logique.

A mon avis, pour que le Gabon sorte de l’ornière, pour que ce pays soit véritablement démocratique, pour que les institutions deviennent fortes et au service de l’intérêt général, il faut cette conférence nationale qui va aboutir à une réforme totale des institutions, à l’organisation d’élections fiables, honnêtes et crédibles.

On a vu le ROLBG ces derniers temps sur le terrain, notamment sur un tout autre volet à Port-Gentil, à Oyem et dans d’autres villes de l’intérieur du pays. Sur quoi vous activez-vous cette fois ?

Nous avons lancé avec l’appui du Fonds des Nations unies pour la démocratie (FNUD) le projet «Appui à l’implication des jeunes dans les processus électoraux au Gabon», le 7 juin 2013. La première activité de ce projet fut l’organisation d’une étude dans les provinces de l’Estuaire, du Moyen-Ogooué, du Woleu-Ntem et de l’Ogooué-Maritime. Ce projet a pour ambition de promouvoir la participation des jeunes dans les processus électoraux, dans le sens que les jeunes soient eux-mêmes candidats et, évidemment, des électeurs. Les études qui ont été menées par le ROLBG ont conclu que plus de 80% des jeunes n’allaient pas voter ; qu’il y a une désaffection des jeunes au niveau du processus électoral. Les jeunes se demandent en effet pourquoi aller voter lorsque leur voix ne compte pas. Pour eux, la voix qui sort des urnes n’est pas celle qui est proclamée. Ils se disent que leurs préoccupations ne sont pas prises en compte par les décideurs politiques, d’où cette désaffection politique.

Pourtant, lors des meetings ou des causeries politiques, les jeunes constituent le gros de l’assistance à qui les hommes politiques s’adressent…

Oui. Mais dans la réalité du terrain, quand on va aux élections, le jour du vote, les jeunes ne sont plus là. C’est peut-être du cinéma mais la réalité est celle-là. Pour preuve, on a enregistré 80% du taux d’abstention aux dernières consultations électorales chez les jeunes ; une situation que nous volons corriger. Ce que vous venez de décrire est ce que tout le monde voit mais, ce qui est traduit dans les bureaux de vote, c’est autre chose. Les jeunes deviennent du bétail politique qu’on déplace avec des carottes, de l’argent et des gadgets. Et pour qu’ils aillent voter, on fait dans la corruption politique. Nous souhaitons y remédier, nous voulons que les jeunes aillent volontairement, avec enthousiasme et foi, aux élections. Alors, même s’ils sont nombreux dans les meetings, ce n’est qu’une mise en scène pour ce moment là, c’est pour donner l’effet de foule, mais de façon concrète, le jour du scrutin, les jeunes ne déposent pas leur bulletin de vote, ils ne participent pas. Les élections de 2009 et celles de 2011 sont la traduction de cette désaffection. Nous voulons donc que le taux de participation des jeunes aux élections soit plus considérable voire qu’il s’établisse à 80% de participation.

De plus, nous voulons que les jeunes participent, certes, en tant qu’électeurs mais aussi en tant que candidats. Plusieurs jeunes ayant été sensibilisés par le projet depuis six mois figurent aujourd’hui dans les différentes listes électorales. Ce qui est déjà un point positif. Et vous n’avez observé là que le premier aspect du projet qui traite de la promotion de la participation politique des jeunes. Nous avons donc mené dans ces provinces des campagnes de sensibilisation, de plaidoyer qui visaient à faire que le leadership des jeunes soit considérablement amélioré dans ce domaine. Mais qu’entendons-nous par leadership des jeunes ? Dans les différents partis politiques, les jeunes jouent le rôle secondaire. Nous voulons aujourd’hui que les jeunes émergent et soient davantage représentatifs dans les organes de gouvernance de ces partis politiques. C’est le deuxième aspect de notre projet qui se traduira notamment par l’organisation d’un certain nombre d’activités en faveur des jeunes, à l’instar des universités d’été, des ateliers de formation-sensibilisation sur le leadership, des ateliers de droit civil et politique, entre autres. Le projet est encore dans sa phase de roulement.

Vous avez récemment organisé une université d’été dans le Woleu-Ntem. De quoi était-il question ?

C’est une activité qui s’est déroulée dans la province du Woleu-Ntem du 11 au 13 octobre. Il était initialement prévu que nous réunissions 300 jeunes de façon sélective autour de la thématique des droits civils et politiques et du leadership-transformation des jeunes. Si l’activité s’est tenue normalement, on a tout de même déploré le fait que certaines organisations, partis politiques et quelques écoles que nous avons invités n’ont pas désigné leurs représentants. Oyem n’ayant pas d’écoles supérieures ni même d’universités, nous avons donc invité des élèves d’écoles privées catholiques, protestantes et laïques, et les établissements publics. Nous avons reçu au total 100 élèves puisqu’au final les établissements d’enseignement publics ne nous ont pas envoyé leurs représentants. Nous avons travaillé avec ces 100 élèves pendant 3 jours. Les personnes ressources, à l’instar des universitaires, des représentants de partis politiques et mouvements de jeunesse ont participé aux différentes animations et aux ateliers qui ont débouché sur un certains nombre de résolutions.

Sur le plan intellectuel, ce qui était prévu comme thèmes à débattre, résolutions à prendre par les jeunes a été fait. On peut dire que le projet a atteint ses objectifs parce que nous sommes allez au bout du programme arrêté. Ce, grâce à la volonté d’un ensemble de jeunes qui ont volontairement accepté de participer à cette activité. Nous avons également créé un noyau de 100 jeunes qui va travailler dans la province en vue de promouvoir le projet qui a pour objectif de mobiliser les jeunes pendant 3 ans, et nous ne sommes qu’au début de celui-ci. Donc, il faut une structure locale pour la continuité des actions ; même si après notre passage une délégation du ROLBG se chargera de coordonner le travail de ces jeunes. De ce point de vue, l’objectif a été atteint et le projet d’organisation d’une autre université d’été, cette fois à Lambaréné, va se poursuivre avec de nouvelles orientations, en tenant compte de la première activité.

Lancé, il y six mois, quel bilan d’étape en faites-vous à ce jour ?

Le bilan d’étape c’est qu’à ce jour nous avons réalisé plus de 70% des activités qui étaient prévues. Nous sommes désormais dans le processus d’organisation de campagnes de sensibilisation à travers des caravanes, des causeries dans d’autres provinces que les quatre citées avant. Nous avons commencé par Libreville, nous sommes en train de les étendre à l’intérieur du pays, dans les quartiers, écoles, églises, et nous avons organisé des émissions à la radio, sur les chaines de télévision nationale telles que TV+ ou RTN. Nous avons conçu des spots d’incitation des jeunes à la biométrie ; nous avons, à cet effet lancé au mois d’août et septembre une grande campagne de sensibilisation appuyée pas des publicités afin d’inciter les jeunes à aller se faire enrôler. Nous avons également conçu un site internet, etc. etc. De façon concrète, il est prévu que le projet touche 16 000 jeunes directement à travers les sensibilisations et 300 000 jeunes indirectement. A ce jour, nous en sommes presqu’à 6000 jeunes avec lesquels nous avons discuté et qui ont reçu un prospectus, un tee-shirt, un dépliant, une casquette, en plus de la visite d’un agent sensibilisateur. Nous avons mobilisé plus de 60 jeunes bénévoles que nous avons formé et qui sont allé parler à d’autres jeunes parce que nous au ROLBG, nous n’intervenons pas directement, on fait de la décentralisation ; on donne des activités aux associations et aux ONG qui travaillent sur les questions liées aux jeunes. A 70% des activités menées, il nous reste donc à mener d’autres campagnes de sensibilisation dans les deux prochains mois.

A quoi va-t-on assister concrètement dans les jours à venir ?

Dans les deux prochains mois, nous organiseront l’université d’été à Lambaréné…

Sachant que l’été est passé et que ce n’est pas une saison d’ici, pourquoi conserver cette appellation ?

(Rires) Bon, nous aurons une rencontre avec les jeunes de Lambaréné… Université d’été est le terme utilisé lors de la conception du projet, mais il s’agira d’une rencontre d’échange au mois de décembre dans la ville. Pour revenir au programme à venir, nous organiserons, avant le premier tour des élections locales de novembre, une grande campagne de sensibilisation dans les quartiers et dans les écoles, à Libreville, Port-Gentil et Oyem en vue de mobiliser les jeunes parce que notre projet repose toujours sur la mobilisation et la sensibilisation, sur l’engagement et la participation. Ce, pour inciter les jeunes à aller voter massivement. Si possible, cette campagne aura lieu avant le lancement de la campagne électorale parce que le premier test de notre projet, ne l’oublions pas, sera cette élection. Nous allons donc mesurer l’implication des jeunes dans le processus électoral à travers cette élection ; nous allons faire un sondage qui va nous permettre de mesurer quel est le pourcentage des jeunes de 18 à 30 ans qui ont participé aux élections : ça va être notre premier baromètre, parce qu’il faut reconnaître que ce projet est très exigeant car reposant sur la gestion axée sur les résultats.

Le FNUD va nous juger sur les résultats opérationnels que nous allons obtenir car nous avons dit que nous atteindrons tel résultat en termes de sensibilisation, en termes de mobilisation, de plaidoyer et d’engagement, tous ces résultats vont être mesurés parce que nous avons un tableau de bord qu’on appelle le cadre des résultats. C’est donc sur cette base que le projet agir sur le terrain. Celui-ci se déroule normalement jusqu’à ce jour. Nous n’avons pas de contraintes politiques.

Nous avons eu des discussions avec la plupart des partis politiques, nous avons discuté avec les diplomates, les leaders d’opinion et les membres de la société civile parce que nous sommes dans une campagne de plaidoyer qui va de paire avec la campagne de sensibilisation.

C’est un projet d’avenir. Si les jeunes sont délaissés, si nous ne les intégrons pas dans la dynamique démocratique et politique nous courons le risque de dérapage, le risque d’évènements incontrôlables. Ainsi, j’estime qu’il est de l’intérêt des acteurs politiques, de l’intérêt des gouvernants de promouvoir la participation des jeunes parce que délaissés, ils deviennent des dangers pour la démocratie. Les évènements d’Egypte, de Libye et de Tunisie traduisent parfaitement ce risque.

La meilleure chose à faire pour garantir un avenir radieux à notre pays, c’est d’investir en faveur de la jeunesse. Certes, ce projet est un projet de sensibilisation, mais il vise aussi la prise en compte économique des jeunes parce qu’il ne s’agit pas seulement de faire de la sensibilisation, nous voulons, par exemple, que lorsque la mairie de Libreville vote son budget, qu’un certain nombre de projets qui concernent les jeunes soient pris en compte. Nous militons pour la réduction de la pauvreté chez les jeunes. La pauvreté est l’une des raisons majeures de la désaffection politique de ces derniers. Si les jeunes ne sont pas pris en compte sur le plan social et économique, ils ne peuvent pas aller voter. Il appartient donc aux décideurs et hommes politiques de créer les conditions d’une véritable prise en compte des jeunes dans le processus décisionnel.

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