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Les 300 jours d’Ona Ondo à la Primature : volontarisme, résultats et crise sociale

Daniel Ona Ondo à son cabinet de travail. © Michel Ogandaga
Daniel Ona Ondo à son cabinet de travail. © Michel Ogandaga
10 mois après sa prise de fonctions au «2-Décembre», le successeur de Raymond Ndong Sima et son équipe sont confrontés à la grave crise sociale qui menace de paralyser le pays (même si, depuis peu, les organisations syndicales ont mis de l’eau dans leur vin), à une situation économique et financière difficile, et à un climat politique incertain. Un grand scepticisme traverse l’opinion.

Trop englué dans les affaires woleuntémoises, le Premier ministre avait jusque-là donné le sentiment d’être au service minimum sur la gestion des affaires de l’Etat. Il s’est repris depuis peu. Mais malgré le volontarisme affiché depuis quelques semaines, Daniel Ona Ondo laisse tout de même poindre une dose d’impuissance face aux difficultés qui s’amoncellent. «Pas d’état de grâce !», lui avait dit le chef de l’Etat. Pourtant, il l’a eu, l’état de grâce. Ce n’est que trois mois après son entrée au «2-Décembre» que les centrales syndicales de l’administration publique ont commencé à se faire entendre, en lui demandant de concrétiser la Stratégie d’investissement humain, de mettre en place les conditions d’un véritable dialogue social et de donner des réponses concrètes à leurs principales revendications que sont le relèvement du point d’indice et l’augmentation du SMIG. Et depuis lors, le Premier ministre n’a donné qu’incantation et atermoiements. Il a même parfois donné l’impression de vouloir rompre le dialogue avec ces partenaires sociaux.

Dialogue de sourds avec les syndicats

Face aux revendications des organisations syndicales, le gouvernement met plutôt tout en œuvre pour «vendre» à l’opinion «son plan de bataille» sur les deux fronts que constituent les infrastructures et la création d’entreprises (à travers la création de l’Agence nationale de Promotion des Investissements), sans oublier le surendettement des agents publics (à travers la décision de suspendre les précomptes sur la solde des fonctionnaires) et la Prime d’incitation à la Performance (PIP), instituant ainsi un dialogue de sourds entre le gouvernement et les partenaires sociaux. Les deux parties ne sont pas parvenues à s’accorder les priorités à mettre en avant. En fait, le volontarisme de Daniel Ona Ondo ne fait pas de doute, mais peut-être le manque de solutions pour certains problèmes, fait que le front social soit aujourd’hui crispé. Plus grave, la société paraît, d’une manière générale, plus crispée qu’auparavant à cause, sans doute, des dépenses somptuaires au sommet de l’Etat et du (trop) peu de solutions données ou envisagées aux revendications sociales. La société, dans son ensemble, paraît aussi plus déterminée à obtenir ce qu’elle revendique en termes d’amélioration des conditions de vie et de travail en raison des incertitudes liées à la situation politique. Peut-être que la rencontre Ali Bongo – Centrales syndicales du 17 novembre dernier viendra quelque peu mettre un terme à ce dialogue de sourds.

La prospérité promise n’arrive qu’à compte-gouttes

En tout cas, le chef du gouvernement sait qu’il doit agir dans l’urgence. Il doit rapidement annoncer des mesures visant à décrisper le climat social. Mais, avec les tensions de trésorerie que connaît le pays, on se doute que sa marge de manœuvre paraît assez étroite. Il l’a lui-même à moitié reconnu dans une interview accordée il y a dix jours au quotidien L’Union dans laquelle il a indiqué que «les recettes pétrolières ne peuvent être ni stables, encore moins en augmentation» parce que ces recettes «étant corrélées principalement à la production nationale qui stagne, et au prix du brut dont on sait que les tendances sont baissières depuis quelques mois sur la marché international». Mais, dans le même temps, il a du, pour être optimiste, s’appuyer sur les indicateurs économiques pour revenir sur ces propos initiaux : «La situation économique n’est pas aussi sombre (…) au regard de la robustesse de nos indicateurs de performance macroéconomiques». Dans cet entretien, Daniel Ona Ondo souligne aussi que son gouvernement paie la dette aux entreprises, mais rechigne à publier les montants et les noms des sociétés bénéficiaires de ces règlements. Ce qui ne manque de jeter un trouble dans l’opinion… au moment où des entreprises, elles, s’étonnent de ces annonces gouvernementales faites par le Budget et le «2-Décembre».

Où est passé le Gouvernement des ambitions sociales ?

Concernant le front social, l’opinion a du mal à comprendre que la prospérité promise n’arrive que trop parcimonieusement. Elle avait cru qu’après l’étude réalisée par le Cabinet McKinsey sur l’état de la pauvreté au Gabon, le gouvernement mis en place en janvier 2014 et conduit par Daniel Ona Ondo travaillerait essentiellement sur l’investissement humain. Or, le Premier ministre a affirmé que «plus de la moitié du budget serait affectée au financement du Schéma directeur national des infrastructures», sans dire mot sur les 250 milliards de francs CFA annoncés par le chef de l’Etat lors des Assises sociales du mois d’avril 2014 pour lutter contre la pauvreté et la précarité, plongeant ainsi l’opinion dans le doute sur la capacité de l’Etat à financer, pour les trois prochaines années, la stratégie d’investissement humain. Pis, en annonçant que les ministres en charge du Budget et de l’Economie vont procéder, «dans les tout prochains jours», à l’apurement des arriérés dus aux entreprises au titre de la dette publique «à concurrence de 125 milliards CFA», l’opinion a du mal à comprendre que le gouvernement accorde la priorité au paiement de la dette publique et au financement des infrastructures au détriment du relèvement du point d’indice et de l’augmentation du SMIG. Ce qui pourrait donner raison à un responsable syndical qui a laissé entendre : «ce gouvernement n’a pas une souche sociale ; il n’est pas le gouvernement des ambitions sociales que l’on nous avait annoncé».

Passer au concret, car la rue grogne !

Sur le front politique, le gouvernement fait face à un climat largement détérioré marqué par des menaces en tout genre sur les principales figures de l’opposition, si l’on en croit les leaders de cette opposition. L’Exécutif ne tient, semble-t-il, pas à nouer des contacts, préférant laisser la situation aller jusqu’à la putréfaction. Mais cette façon de régler les problèmes porte en elle les germes d’une destruction du tissu social. Aucune action visant à décrisper le climat politique actuel qui trouve, il est vrai, son origine dans la contestation des résultats de l’élection présidentielle d’août 2009 et qui vient de s’exacerber avec la publication du dernier livre de Pierre Péan n’est perceptible.

300 jours après sa nomination, le chef du gouvernement donne, sur ce sujet-là, comme sur les dossiers économiques et sociaux, une impression d’impuissance, malgré son sens de la pédagogie et ses incessants appels à la responsabilité collective. 300 jours après, son équipe – même si elle a été remaniée en octobre dernier – donne le sentiment de louvoyer, de se chercher, de chercher à gagner du temps alors que les cloches de l’impatience sociale sonnent partout dans le pays. Il est temps, pour Daniel Ona Ondo et pour son équipe, de passer (enfin) aux actes ! La rue grogne, la rue gronde, elle attend des actes concrets. Le seul volontarisme de Daniel Ona Ondo ne suffit plus.

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