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Climat socio-politique : Derrière le tohu-bohu, l’acrimonie

Alain-Claude-Billié-Bi-Nze-460x190La légèreté et le mépris dont font preuve certains ténors de la majorité et une presse réputée proche de la présidence de la République à travers leurs diatribes anti-opposition traduisent une certaine incapacité à soutenir le débat d’idées et une forme de haine de l’autre motivée par la défense d’intérêts particuliers. Une situation inquiétante pour le débat public.

L’inexistence supposée d’une alternative crédible à la majorité au pouvoir ou d’un projet alternatif de l’opposition est une antienne reprise à l’unisson par certains médias et hommes politiques. Seulement, en démocratie la question du programme se pose durant les campagnes électorales. Hors de ces périodes, elle s’adresse d’abord aux gouvernants. S’il n’est nullement question de dénier à la majorité le droit de polémiquer, il est en revanche nécessaire d’examiner la doxa dominante, le ton et les mots utilisés par les tenants de la majorité ne militant pas toujours pour un apaisement du climat, une conduite du débat public dans la sérénité et un raffermissement de la démocratie.

Depuis plus d’un an maintenant, la majorité n’a de cesse de dénoncer «les ingrats», «les vieillards», «la haine», «le repli identitaire», «la xénophobie» et «l’absence de projet de l’opposition». Si ces accusations souvent proférées sur un ton martial n’ont rien de nouveau, elles n’en traduisent pas moins une certaine conception de la chose et du débat publics. On ne le dira jamais assez : l’opposition est dans son rôle quand elle conteste les décisions de l’exécutif, réfute ses moyens d’action, met en garde contre leurs conséquences et fait des contre-propositions. On ne cessera de le répéter : l’Etat est un bien commun et non la propriété de certains. Même inaudibles, même si elles restent d’abord dans le registre institutionnel et administratif, les propositions de l’opposition existent. Même s’ils ont fait l’essentiel de leurs carrières politiques sous la bannière PDG, ses principaux ténors sont d’abord des commis de l’Etat. Dans le passé, ils ont avant tout bénéficié des errements de la gouvernance d’alors et des avantages conférés par le service à la communauté nationale. Or, sans se soucier des dégâts d’une telle vision, la majorité les dépeint sous les traits de grabataires revanchards, immoraux et sans gratitude. Tout est bon pour les couvrir d’opprobre. Une dissidence politique assimilée à de «l’ingratitude» ? Toute la conception patrimoniale et monarchique de l’Etat s’étale.

Absence de projet

Il est pourtant possible dire des choses nettement plus pertinentes pour attaquer l’opposition. La majorité peut, par exemple, accepter de mettre en débat les compétences de la Cour constitutionnelle ou de la Commission électorale nationale autonome et permanente en matière électorale. Elle a également le loisir de contester la nécessité du retour au scrutin à deux tours pour les élections uninominales, battre en brèche l’opportunité de la limitation du nombre de mandats présidentiels, démontrer le bien-fondé d’une loi sur les réunions publiques datant des années d’indépendance, établir la différence entre nationalité et éligibilité, disserter sur l’incidence des critères d’éligibilité aux différents scrutins sur les conditions de promotion et de nomination au sein de la haute administration et des cabinets politiques. Elle est tout aussi libre de justifier la privatisation des médias publics au bénéfice de la majorité, gloser sur la liberté d’opinion des agents publics et soutenir des hauts fonctionnaires notoirement engagés politiquement. Ces débats-là, le citoyen en est privé. Pendant ce temps, on accuse les uns de manquer de projet et choisit délibérément d’abaisser le débat au niveau des individus, y introduisant même les familles.

Peu importe si l’effet boomerang était couru d’avance, les hérauts de la majorité ont longtemps mis en doute l’éligibilité voire la nationalité de Jean Ping et Jacques Adiahénot. Des accusations relayées par une presse réputée proche de la présidence de la République, étayées par une méconnaissance du Code de la nationalité et une lecture spécieuse de la Constitution. Mais, pourquoi cette stratégie hasardeuse, incohérente et inconséquente ? Sans doute tient-elle au passé et zigzags idéologiques des principaux scribes et porte-voix de la majorité. Sans doute traduit-elle un décalage des éléments programmatiques contenus dans le Plan stratégique Gabon émergent par rapport à la réalité et, partant, une absence de projet. Sans doute révèle-t-elle un préjugé plus prosaïque mais absolument à rebours de la République et de la démocratie : le pouvoir d’Etat appartient et appartiendra toujours au PDG voire à la parentèle de son fondateur. Si un jour l’opposition y arrive, elle bradera et liquidera inévitablement la propriété d’autrui. Pour ainsi dire, certains sont conçus pour diriger, et d’autres pour obéir, subir ou se résigner. Naturellement, une telle conception conduit fatalement aux outrances, à l’enfermement, à l’acharnement et au rejet de l’autre.

Discrimination par l’âge

Mus par une farouche détermination à diaboliser les ténors de l’opposition, la majorité en est arrivée à s’en prendre à l’âge de Zacharie Myboto, Jean Ping, Jacques Adiahénot, Casimir Oyé Mba, Divungui Di Ndinge, Jean Eyéghé Ndong, Luc Bengono Nsi, Jean Ntoutoume Ngoua, Benoît Mouity Nzamba, Paulette Missambo… «La vieillesse est un naufrage», a lancé le porte-parole de la présidence de la République, paraphrasant Chateaubriand repris par Charles de Gaulle puis Bernadette Chirac. Bien entendu, Jean-Boniface Assélé, Marcel Sandoungout, Michel Essongué, Antoine de Padoue Mboumbou Miyakou, Rose-Francine Rogombé, Jean-Pierre Lemboumba-Lepandou, Daniel Ona Ondo, et d’autres ténors de la majorité ne sont nullement concernés par cette maxime. Pour sûr, elle concerne uniquement les leaders du Front de l’opposition pour l’alternance. Evidemment, Alain-Claude Billié-by-Nzé, Liban Soleman, Maixent Accrombessi, Etienne Massard Kabinda Makaga, Ali Akbar Onanga y’Obegué, Magloire Ngambia, Ernest Mpouho Epigat, Guy Betrand Mapangou, Pacôme Moubelet-Boubeya et toute la garde rapprochée d’Ali Bongo sont des habitués de la fontaine de jouvence. Ils échapperont au processus naturel du vieillissement.

Vitupérant contre le Front de l’opposition pour l’alternance, la majorité choisit donc d’abaisser le niveau du débat public. Les attaques sur l’âge ne relèvent pas seulement d’un manquement à nos valeurs traditionnelles. Elles traduisent aussi un défaut d’arguments, une absence d’idées et donc de… projet. Au-delà, elles révèlent une sorte de sectarisme, une forme déguisée de… «repli identitaire» et de «haine». La discrimination par l’âge sera toujours susceptible de porter atteinte à la jouissance de certains droits individuels. En vigueur dans les régimes totalitaires, elle semble gagner du terrain sous nos latitudes. On a le droit de s’élever contre la prétendue volonté de certains à demeurer éternellement sur le devant de la scène publique. Mais le désir de nuisance ne doit pas déboucher sur des formules faussement percutantes, gratuitement vindicatives et véritablement hors de propos. Des formules, chacun peut en asséner à la pelle. Mais, il ne sera jamais opportun de les utiliser hors contexte juste pour blesser et porter atteinte à l’identité d’autrui. La majorité veut elle se poser en victime ? Dans le tohu-bohu initié et entretenu par elle, on ne la percevra jamais que comme un regroupement de personnes habitées par la rage, prêtes à tout pour défendre leurs intérêts personnels et pécuniaires. Avec de tels propos et face au silence complice de ses «vieillards» à elle, il lui sera difficile de masquer l’acrimonie qu’elle nourrit pour l’opposition.

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