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Gabon: Rétroviseur politique

leon_mba_bongosParce que, dixit Winston Churchill, «un peuple qui oublie son passé se condamne à le revivre», Ika Rosira, l’enfant terrible de Gabonreview, a commis cette fois un mémo à l’usage des jeunes générations. Ni traité d’Histoire, ni prétention à l’exhaustivité ou à la précision scientifique, juste une invite à regarder le rétroviseur… sur le long chemin politique du Gabon.

Un lieu, le Gabon. Mon cher pays, notre cher pays. Des dates, des faits. Des faits marquants, des choses et d’autres qui j’espère vous mettront la puce à l’oreille, des dates qui réveillent le ciboulot, qui activent les neurones endormis, sans être trop émotive, sans laisser de place à l’interprétation, rien que les faits réels.

Gabon, 1957. Jean Hilaire Aubame devrait être le Premier ministre, élu par les urnes. Quelques tours de passe-passe à l’Assemblée nationale et voilà Léon Mba, le polyglotte, le francophile, le paranoïaque, le dictateur, imbu de sa propre personne, hissé au pouvoir. Le seul président d’Afrique francophone à avoir milité pour que le Gabon devienne une province française ; le seul à n’avoir pas souhaité l’indépendance de son pays ; le seul à avoir déclaré publiquement que la France n’a qu’à donner l’indépendance à ceux qui la veulent mais que le Gabon n’en veut pas. Dans toute l’Histoire, le seul dont le nom ne doit pas figurer dans la liste des pères de l’Indépendance – au même titre que Senghor, Lumumba, Touré, Nkrumah, Houphouët, Youlou, Neto, Mandela, Cabral, Kenyatta, Nyerere qui sont considérés comme les pères de l’indépendance de leurs-, c’est Léon Mba. Celui qu’on désigne fièrement comme le Père de notre Nation a signé à contre cœur l’acte qui désigne le Gabon comme un pays souverain, le 17 août 1960. En 1961, Mba se présente à des élections présidentielles dont il est le seul candidat et les remporte à 100% des suffrages. Hum !

18 février 1964, plus d’une centaine de militaires gabonais assiègent les ministres et le Président Léon Mba. Ils l’obligent à signifier sa démission au peuple via Radio-Libreville, ils lui font déclarer que : «Le jour J est arrivé, les injustices ont dépassé la mesure, ce peuple est patient, mais sa patience a des limites… il est arrivé à bout». Aucun coup de feu n’est tiré, aucun soulèvement populaire n’en découle. Provisoirement, Jean Hilaire Aubame retrouve le siège du président de la République qui lui revient de droit. Il nomme un nouveau gouvernement. Mais c’est sans compter l’ingérence des Français, qui ne voient pas dans leur intérêt que Jean-Hilaire Aubame prenne le pouvoir. Moins de 24 heures plus tard, l’intervention de l’Armée française qui restitue à Léon Mba le pouvoir absolu, provoque environ 25 morts dont un seul français. C’était risible ; le fait que le seul coup d’État réussi de l’histoire du Gabon n’est duré que 24 heures, mais à bien y penser, beaucoup y ont laissé la vie.

Gabon, novembre 1967. Léon Mba meurt, Bongo-père hérite du trône. Moins de 5 mois plus tard il déclare tous les partis politiques et associations à caractère politiques illégales et crée le parti unique. Le Parti démocratique gabonais (PDG), né des cendres du Bloc démocratique gabonais issu de la fusion du BDG (Bloc démocratique dabonais) originellement créé par Paul Gondjout en 1952 avec le CMG (Comité mixte gabonais) créé par Léon Mba en 1946. Cette fusion qui permet justement à ce dernier de devenir Premier ministre, malgré sa défaite aux urnes face à Jean Hilaire Aubame, et à Paul Gondjout de devenir le président de l’Assemblée nationale en 1957.

C’est le 12 mars 1968 que l’illusion d’une réelle démocratie est anéantie au Gabon. Avec le parti unique, suivent des arrestations et des emprisonnements arbitraires, théories de complots, exécutions notoires au bord de mer (face aux galeries Hollando, juste à côté de la place de l’Indépendance pour ceux qui n’étaient pas encore nés comme moi). Je précise que c’est en face de la poste en ville que les esprits des morts errent encore réclamant Justice.

1973, 1979, 1986, on assiste aux mêmes scénarios. Qui dit parti unique, dit unique candidat aux élections présidentielles et naturellement on parle de suffrages qui excèdent les 99% de voix.

Ça a pris 22 ans, 22 longues années pour instiguer une conférence nationale inévitable, une conférence qui aurait pu être «souveraine» si le ver n’était pas dans la pomme ; si certaines des associations politiques présentes du 23 mars au 19 avril 1990 à la cité de la Démocratie n’étaient pas corrompues jusqu’à la moelle (et je pense bien au Morena de Paul Mba Abessolo). Évidemment Joseph Rendjambe, j’y reviens encore, inlassablement, s’est illustré en tant que tête forte de l’opposition gabonaise, d’abord en exigeant avec ses compères, que le multipartisme soit rétabli sur le champ alors que Bongo-père proposait d’entériner une loi qui devait faire du PDG, un parti unique «ouvert».

Et là, 23 mai 1990, certains de ceux qui me lisent étaient déjà nés, certains se souviennent des larmes et des cris de douleurs poussés par les gens de chez eux, à l’annonce de l’assassinat de Rendjambe, le corps retrouvé sans vie à l’hôtel Dowé ; des spéculations d’empoisonnement ; des dames en blanc ; des rumeurs de l’hôtel Dowé en feu ; de l’hôtel Dowé effectivement incendié ; du peuple dans la rue ; de la peur au ventre ; des interviews de RFI ; des exilés politiques qui se sont mis à craindre pour leur vie ; du climat de terreur qui succédait déjà à un climat de grèves générales, initiées par les étudiants mécontents comme on le remarque depuis 2012. Pile-poil, 22 ans plus tard, les revendications s’intensifient, l’histoire se répète, le climat social et politique se désagrège de plus en plus. Un climat qui exige une conférence nationale «souveraine», cette fois pour que les décisions prises ne deviennent pas de simples propositions qui aboutiraient dans un tiroir sans perspective de réalisation concrète. Une conférence souveraine comme celle qui a permis aux Béninois de jouir d’une Constitution qui les protège dorénavant des élus qui voudraient battre le record Guinness de longévité au pouvoir détenu par Bongo-père.

Naturellement, la mort de Rendjambe a remis les perspectives en jeu, les ambitions personnelles des uns ont prévalues sur l’intérêt supérieur du peuple et les opposants ont peu à peu intégré les gouvernements escrocs qui se sont succédés au pouvoir. On nous parle de gouvernement d’unité nationale, hein ? En décembre 1993, Bongo père est réélu, je devrais dire, soi-disant réélu, avec 51% des voix et en 1998 c’est avec 61% qu’il montre tout son génie, qu’il prouve qu’il peut faire d’un chien un homme et d’un homme un chien, comme il l’a déclaré fièrement à la télévision. En 2005, «Les actes pour le Gabon». Un slogan. Un vaste programme. Les chinois nous offrent des infrastructures, les agences de pub se surpassent. On a l’impression que personne n’aurait jamais pu remplacer «valablement» celui qui dirige le pays avec brio et qui arrive à nous dégoûter des gens qu’on a aimé, des gens qu’on a suivi, des gens en qui on a cru, des gens pour qui on aurait donné nos vies, des gens qu’on entendait jadis crier haut et fort, à Nkembo, HÔPITAL CADEAU, ÉCOLE CADEAU, GABON D’ABORD ! En 2005, Bongo-père prouve sa suprématie politique et les grandiloquents opposants d’hier deviennent ses porte-paroles.

2009, l’année cruelle. Le 14 mars, on annonce officiellement le décès de la première Dame, Edith Lucie Bongo Ondimba, la fondatrice d’Horizons-nouveaux (qui s’occupe des enfants ayant des difficultés d’apprentissage, de graves problèmes de santé et des handicaps physiques et mentaux), de l’Organisation des Premières dames contre le Sida (OPDAS) pour ne citer que cela. C’est un choc émotionnel, infligé à toutes les femmes qui lui vouaient une certaine admiration. Le 8 Juin, moins de 3 mois plus tard, Bongo-père la rejoint. Mais on lui pardonne tout, tout ce qu’il n’a pas fait, tout ce qu’il a mal fait, tout le mal qu’il a fait, tout le bien qu’il n’a pas fait et tout le bien qu’il a mal fait ; surtout qu’il a déclaré, quelques temps avant de rendre l’âme, que Dieu ne leur a pas permis de faire du Gabon ce qu’ils en ont fait.

De Juin à Octobre 2009, on assiste à une mascarade politique. Rose Rongombé devient présidente intérimaire de la République. En Août, Ali Bongo, déclenche des élections «an-ti-ci-pées». Selon la pseudo-Constitution que la plupart des Gabonais brandissent comme document de référence, il suffit de 30 à 45 jours pour pouvoir organiser des élections au Gabon. 30 à 45 jours pour préparer les listes électorales, les bureaux de vote, assurer la sécurité et la fiabilité des systèmes de suffrage universel. 30 à 45 jours pour permettre au peuple de choisir à qui il pourra confier les rênes de son destin durant 7 ans. Mais Mborantsuo, garante de cette Constitution, et tous ceux qu’elle représente ont accordé un certain délai «compte tenu des circonstances», hein ?

Le 30 août 2009, Ali Bongo est soi-disant élu avec 41,79% des voix exprimées. Le système Bongo Ondimba a eu 22 ans de monopartisme, 20 ans de pseudo-multipartisme et on y rajoute 6 ans supplémentaires de faux et d’usage de faux. Nous sommes en 2015. Des gens sont nés sous Bongo, ont grandi sous Bongo, ont eu des enfants sous Bongo, travaillent sous Bongo, vivent et meurent sous Bongo, savent que leur avenir et celui de leur progéniture a été confisquée par les Bongo depuis novembre 1967 (dixit une de mes amies). Des faits, des dates, un lieu : le Gabon. Mon pays. Notre pays. Revendiquons-le. Récupérons-le. Reprenons-le. Maintenant.

#BringBackOurCountry

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