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Gabon : Marcel Libama, secoueur de cocotier

Marcel Libama se défend de vouloir entrer en politique. © DR
Marcel Libama se défend de vouloir entrer en politique. © DR
Il a lancé des grèves dans le Haut-Ogooué, fief électoral de la famille Bongo Ondimba, et fait tomber deux ministres. À la tête des syndicats de l’éducation, Marcel Libama est un infatigable rhéteur.

Dans sa langue maternelle, le ndoumou, parlée à Franceville (Haut-Ogooué), son nom est celui d’un insecte particulièrement redouté des amateurs de pêche fluviale. Silhouette longiligne, voix fluette, débit saccadé, le leader syndical est prolixe et, en matière de nuisance, ne pâlit pas de la comparaison avec le coléoptère aquatique. Marcel Libama et ses camarades de la Convention nationale des syndicats du secteur éducation (Conasysed), dont il est le délégué administratif, ont fait tomber les deux prédécesseurs de l’actuelle ministre de l’Éducation nationale, Ida Reteno Assonouet.

Léon Nzouba, pourtant promis à un bel avenir au sein du gouvernement, en gardera un souvenir cuisant. Empêtré dans l’affaire des recalés du baccalauréat 2014 (qu’il voulait octroyer au rabais, au-dessous de la moyenne de 10/20), il s’est heurté à la résistance d’élèves cornaqués par la puissante fédération des syndicats du secteur. Mis en minorité en Conseil des ministres, il a rendu son tablier le 31 août. Avant lui, Séraphin Moundounga avait connu le même sort, écarté du volca­nique ministère après avoir perdu un arbitrage relatif au baccalauréat 2013.

Ces dernières années, la Conasysed a également pu obtenir la création d’une prime d’incitation à la fonction enseignante, l’augmentation de l’allocation de rentrée scolaire de 25 000 à 62 000 F CFA (de 38 à 95 euros), ainsi que celle de la prime de transport, passée de 17 000 à 35 000 F CFA.

Des grèves dans le fief électoral des Bongo Ondimba

Poil à gratter de la République, Marcel Libama détonne parmi les enfants du Haut-Ogooué, la province d’origine du président Ali Bongo Ondimba. Dans le reste du pays, on s’étonne en effet qu’un Altogovéen puisse empêcher le pouvoir de dormir sur ses deux oreilles… Pourtant, il a été l’un des premiers syndicalistes à organiser des grèves dans le fief électoral des Bongo Ondimba.

« Montrer que la situation des enseignants dans le Haut-Ogooué était la même qu’ailleurs faisait aussi partie de mon engagement, explique-t-il. Nous avions passé des années sans avoir de salaires, les écoles se retrouvaient sans tableaux, sans craies, sans toiture. À l’époque, c’est un leader syndical, Samuel Ngoua Ngou [emblématique secrétaire général du syndicat des enseignants de l’Éducation nationale dans les années 1990], en visite à Franceville, qui m’a poussé à m’engager. »

Le syndicaliste nourrit-il des ambitions politiques ?

Aujourd’hui, à 47 ans, Marcel Libama est à la tête d’une organisation intersyndicale qui compte près de 15 000 sympathisants au sein des personnels du secteur de l’éducation. Mais pourquoi toutes ces grèves interminables, qui donnent de lui l’image d’un syndicaliste prompt à la surenchère ? « Chez nous, le dialogue est un vain mot, répond-il. Vous n’êtes écoutés que si vous faites grève. Il n’y a même pas de cadre de discussion possible… Nous nous battons depuis des années pour instaurer un Conseil national de dialogue social. »

Ses détracteurs soupçonnent le bouillonnant syndicaliste de nourrir des ambitions politiques, à l’instar de celle à qui il a succédé, Christiane Bitougat, qui accepta un poste de ministre du Travail dans le gouvernement de Jean Eyeghe Ndong (de 2006 à 2009), perpétuant ainsi une tradition de relations troubles entre pouvoir et dirigeants syndicaux.

Libama s’en défend. Lui veut s’inspirer du parcours de son ami défenseur de l’environnement, Marc Ona (président de l’ONG Brainforest), et de l’intransigeance d’une autre grande icône de la société civile, Gregory Ngbwa Mintsa (décédé l’an dernier, figure de proue de la lutte contre les « biens mal acquis »). D’ailleurs, au sein du syndicat, des mécanismes ont été mis en place pour éviter toute instrumentalisation. Libama est catégorique : « Plus question qu’après une rencontre avec le Premier ministre on vienne à la télévision pour dire que nous mettons fin à la grève sans passer par le vote. »

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