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Au Togo, l’opposition coincée après son échec à la présidentielle

Jean-Pierre Fabre s'adresse aux médias, à Lomé, le 29 avril 2015. - AFP PHOTO / ISSOUF SANOGO
Jean-Pierre Fabre s’adresse aux médias, à Lomé, le 29 avril 2015. – AFP PHOTO / ISSOUF SANOGO
Ils n’étaient que quelques centaines de militants réunis devant le siège de la coalition de l’opposition CAP 2015, vendredi 1er mai à Lomé. Ils écoutaient celui qu’ils appellent « le vrai président du Togo », Jean-Pierre Fabre, dénoncer depuis le balcon de la villa « le coup de force électoral » du pouvoir en place. Seul contre tous, M. Fabre dénonce la facile réélection, le 25 avril, du chef de l’Etat sortant, Faure Gnassingbé, avec 59 % des voix, selon les résultats de la Commission électorale nationale indépendante (CENI) confirmés par les observateurs internationaux.

Le cœur des militants de CAP 2015 semblait ailleurs. Il y eut bien quelques « Jean-Pierre président ! », lancés dans la nuit. Mais pas de déferlement populaire. Aucun débordement de joie ni de colère, non plus. Comme une forme de résignation. Comme si les arguments alambiqués du leader de l’opposition, prononcés sans ferveur, ne convainquaient pas totalement son assistance. « Finalement, il a gagné ou pas ? », demandait Mathieu, l’un des nombreux chauffeurs de zemidjan, ces petites motos-taxis de fabrication chinoises qui quadrillent la capitale, présents ce soir-là.

Une famille au pouvoir depuis 48 ans

Plus tôt, Patrick Lawson-Banku, directeur de la campagne de la coalition togolaise, avait pourtant annoncé ce qu’il présentait comme la victoire de leur champion. Cela aurait dû déchaîner les passions dans ce pays tenu depuis 1967 par la même famille, les Gnassingbé père et fils. Un record mondial de permanence seulement battu par la Corée du Nord. « Les travaux de décompte des voix (…), sur la base des procès-verbaux (…) qui ne présentent pas d’irrégularités majeures, donnent Jean-Pierre Fabre vainqueur de l’élection présidentielle », venait-on d’apprendre par la bouche de Patrick Lawson-Banku.

Sauf que pour en arriver à ce renversement de situation — 52,2 % pour Jean-Pierre Fabre contre 43,9 % pour Faure Gnassingbé — CAP 2015 a écarté 40 % des procès-verbaux électoraux qu’elle juge litigieux. Sans pour autant fournir d’éléments concrets qui permettraient d’étayer sa thèse d’une élection frauduleuse. CAP 2015 n’en avait pas non plus fourni, mercredi, aux présidents ghanéen et ivoirien qui les lui demandaient, a expliqué un diplomate africain présent lors de la rencontre.

Ces derniers, John Dramani Mahama et Alassane Dramane Ouattara, avaient de ce fait « fortement conseillé » à Jean-Pierre Fabre de reconnaître les résultats qui allaient être annoncés quelques heures plus tard. Les deux poids lourds régionaux auraient également agité la menace d’éventuelles sanctions de la part de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cedeao), actuellement présidée par le Ghana, en cas de violences.

Un scrutin jugé « crédible, libre et transparent »

Chacun a en mémoire le bain de sang qui avait suivi l’arrivée au pouvoir de Faure Gnassingbé en 2005 à la suite d’une présidentielle truquée, organisée dans la précipitation après la mort de son père Eyadéma. Rien de tel dix ans plus tard selon l’ONU qui a qualifié le scrutin de « crédible, libre et transparent », un constat partagé par les autres observateurs internationaux et nombre de diplomates étrangers de Lomé. Tout comme les trois autres candidats de l’opposition qui étaient sur les rangs pour ce scrutin à un tour n’ont contesté la large victoire du président sortant.

Face à un régime hégémonique qui contrôle les leviers économiques, politiques et sécuritaires de ce petit pays d’Afrique de l’ouest de 7 millions d’habitants, la marge de manœuvre d’une opposition qui, de plus, avançait en ordre dispersé pour une élection à un seul tour, est donc faible.

Certes CAP 2015 dénonce, à raison, une situation sociale tendue et une compétition politique togolaise qui se joue à armes inégales. Mais sa stratégie affiche des faiblesses. CAP 2015 a ainsi renoncé à porter les litiges présumés devant la Cour constitutionnelle en raison de la défiance qu’elle nourrit envers la seule institution habilitée pour les contentieux électoraux, mais qu’elle juge à la botte du pouvoir.

Il ne resterait donc que le recours à la rue. Cette menace, CAP 2015 l’a agitée avant même l’organisation du scrutin. À ce jour, le calme absolu qui règne à Lomé semble prouver que cette arme est difficile à déclencher même si une grande partie de la population exprime sa lassitude d’être gouvernée par la même famille depuis 48 ans. Vendredi soir, Jean-Pierre Fabre a d’ailleurs appelé « au calme » des partisans qui, de toute façon, ne semblaient pas vouloir en découdre avec des services de sécurité intransigeants. Un dirigeant d’UNIR, le parti au pouvoir, pouvait alors cruellement ironiser sur Jean-Pierre Fabre, « le président autoproclamé des plages de Lomé ».

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