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Mort de Charles Pasqua, dernier homme de la « Françafrique »

L’homme politique français Charles Pasqua est mort, ce lundi, à l’âge de 88 ans, des suites d’un problème cardiaque. Très proche du général de Gaulle et ancien proche de Jacques Foccard, cet homme de réseaux apparaît comme un des derniers hommes de la « Françafrique », héritée de la décolonisation.

Charles Pasqua ne laissait pas indifférent. Petit-fils de berger corse, fils de policier, « Prairie », comme il se faisait appeler dans la résistance française qu’il intègre à l’âge de 15 ans, a su profiter de liens forgés dans la guerre pour se hisser aux plus hautes fonctions de l’Etat. Il a su se lier à de multiples personnalités du monde politique et économique, du général de Gaulle à Jacques Chirac, qui lui permettront d’étendre ses réseaux notamment en Afrique.

Il apparaît comme l’héritier d’une tradition d’hommes d’Etat, au service de la France, liés au général de Gaulle, dont les connivences se forgent au moment où ils dirent « non » à la collaboration. Ils devinrent par la suite la colonne vertébrale de ce qu’on appela la « Françafrique ». « La démocratie s’arrête là où commence l’intérêt de l’État », avait déclaré Charles Pasqua en tant que ministre français de l’Intérieur dans les années 80. C’est ce précepte qu’il applique dans ses relations avec l’Afrique.

On ne peut négliger non plus la force du lien « fraternel » construit avec des politiques ou des militaires africains qui furent parmi les premiers, lors du dernier conflit mondial, à prendre le parti de la Résistance, à rallier le Général de Gaulle et à verser leur sang pour la France. Ces compagnons de la Libération ne sont naturellement pas devenus étrangers les uns aux autres, au lendemain des Indépendances !

Il devient le numéro deux de l’entreprise Ricard

A l’issue de la seconde Guerre mondiale, il intègre le Rassemblement du peuple français (RPF) créé par le général de Gaulle puis devient, en 1959, l’un des cofondateurs du Service d’action civique (SAC) avec deux autres anciens résistants : le secrétaire général de l’Élysée aux affaires africaines et malgaches de l’époque, Jacques Foccart et Achille Peretti. Cette « milice privée » du parti gaulliste est accusée de virer progressivement dans l’illégalité, prête à tout pour défendre son héros.

De 1952 à 1967, Charles Pasqua mène une carrière parallèle dans le commerce au sein de la société Ricard où il ira jusqu’à accéder au poste de numéro 2. Il apparaît comme le parrain politique de Jacques Chirac avec qui il crée le RPR, en 1976. Il s’en écarte progressivement dans les années 90 après avoir été ministre de l’Intérieur du gouvernement Chirac, de 86 à 88, puis d’Edouard Balladur, de 1993 à 1995, date à laquelle il soutient ce dernier dans la course à la Présidentielle. La victoire de Jacques Chirac est un coup d’arrêt dans son ascension politique. Il dira plus tard, autour des années 2000, quand il se déclare candidat au scrutin présidentiel de 2002, que les nombreuses affaires judiciaires dans lesquelles il est progressivement inculpé à la même période ont été une façon de l’écarter du jeu politique.

Daniel Léandri et Jean-Charles Marchiani

Cela ne l’empêche pas de tisser son réseau en Afrique, plus ou moins imbriqué dans celui de Jacques Foccart ou de Jean-Christophe Mitterrand, le fils du Président. Proche de l’ancien chef d’Etat centrafricain, Ange-Félix Patassé, et de la famille de l’ancien Président congolais Mobutu Séssé Seko dont il accueille le fils en France, en 1994, contre l’avis du ministère français des Affaires étrangères, il côtoie le Président tchadien Idriss Déby et angolais José Eduardo Dos Santos notamment, ainsi que Mba Abessolé, adversaire déclaré d’Omar Bongo au Gabon [1].

Ses fidèles s’appellent Daniel Léandri, ancien brigadier de police et un de ses plus proches conseillers qui occupera un emploi fictif au sein de l’entreprise Elf, et Jean-Charles Marchiani, un ancien officier du Service de documentation extérieure et de contre-espionnage (SDECE), qui a la haute main sur les affaires africaines, en particulier sous la Présidence de De Gaulle et de Valéry Giscard d’Estaing. Les deux hommes multiplieront les voyages en Afrique au service de Charles Pasqua, notamment pour rencontrer Denis Sassou N’Guesso, du temps de Pascal Lissouba au Congo. Il participera, dans ce pays, au financement d’une rébellion indépendantiste dans la région angolaise enclavée du Cabinda, riche en pétrole, au sud du Congo.

Une manière « gaulliste » d’intervenir en Afrique

Il tentera de préserver une manière « gaulliste » d’intervenir en Afrique, de façon directe, intéressée, au service de la France, ne concevant pas un monde où les liens entre la France et le continent ne seraient pas étroitement perpétués. Au Togo où il soutient le Président Eyadema père, il n’hésite pas à rencontrer Gilchrist Olympio, le fils de l’ancien Président assassiné. Il sera cité à plusieurs reprises dans l’affaire Elf, du nom de la première compagnie pétrolière francaise, rebaptisée depuis Total, qui finançait, par le versement de commissions et rétrocommissions, la vie politique française.

On lui prêtera aussi des relations privilégiées avec les nombreuses personnalités corses qui travaillent sur le continent africain comme les frères Felicciaggi au Congo, Jean-Pierre Tosi, ancien membre du SDECE, et Michel Tomi, au Cameroun et plus récemment au Mali. A l’image de la génération avec qui il tisse ce réseau d’influence en France et en Afrique, il restera très discret sur les personnalités qu’il côtoie. Au cours des années 2000, il sera cité dans six affaires dans lesquelles il sera relaxé et condamné, deux autres fois, à de la prison avec sursis, notamment dans celle de « l’Angolagate » aux côtés de l’homme d’affaires Pierre Falcone et de son associé, Arcadi Gaydamak.

En 2010, alors qu’il est en procès devant la Cour de justice de la République où il sera condamné à de la prison avec sursis, l’avocat général, dans son réquisitoire, évoque un homme au « parcours exceptionnel » ne présentant « aucune âpreté personnelle au gain, ni aucune volonté d’enrichissement crapuleux » dans les différentes affaires qui le touchent, mais relevant « deux faiblesses : celle de la passion politique qui lui a fait perdre de vue les limites de la légalité et celle de la passion familiale et amicale ».

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