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Hollande en Afrique: «On ne peut plus parler de Françafrique mais d’Africafrance»

François Hollande s’envole mercredi soir pour une virée africaine éclair au Bénin, en Angola et au Cameroun. Un premier déplacement dans ces trois pays qui fait déjà polémique alors que le président de la République déclarait en 2012 que le « temps de la Françafrique [était] désormais révolu. Si le chef de l’Etat arrive à Cotonou moins de deux semaines après la nomination à la tête du gouvernement de l’homme d’affaires franco-béninois Lionel Zinsou, très proche du chef de la diplomatie française Laurent Fabius, les deux étapes suivantes, Luanda et Yaoundé, sont moins évidentes sur le plan des libertés et de la démocratie. Le président français rencontrera successivement José Eduardo Dos Santos, 72 ans, au pouvoir depuis plus de 35 ans et Paul Biya, 82 ans, à la tête depuis 1982 du Cameroun.

20 Minutes a solicité l’éclairage d’Antoine Glaser, auteur de Africafrance, quand les dirigeants africains deviennent les maîtres du jeu.

La rencontre de François Hollande avec les présidents Dos Santos et Biya constitue-t-elle une erreur diplomatique de sa part ?

C’est surtout une volonté de reprendre la main alors que l’armée française, très présente, sert de cache-misère à une présence française en déshérence. Les entreprises françaises subissent une forte concurrence sur ce continent où elles sont longtemps restées seules pendant la période de la guerre froide, non seulement de la part des puissances émergentes (Chine, Inde, Brésil, Turquie…), mais également de ses partenaires européens comme l’Allemagne (5ème exportateur vers l’Afrique, devant la France). S’il prononcera un discours très politique au Bénin, il se concentrera au Cameroun et en Angola sur la défense des intérêts stratégiques et géopolitiques de la France.

La realpolitik de Hollande justifie-t-elle ce manque de « morale » politique ?

Depuis le général de Gaulle, les intérêts stratégiques supplantent les discours moralisateurs promouvant la transition démocratique en Afrique. La forte concurrence subie par les intérêts français force le Quai d’Orsay à mener une diplomatie dite « économique », alors que le ministère de la Défense occupe une place de plus en plus importante dans les négociations entre la France et l’Afrique. Les chefs africains se savent puissants, ce qui limite la marge de manœuvre de Hollande.

La France a-t-elle réellement une responsabilité envers ces pays, comme le prétend Hollande ?

Le problème est inverse : la France n’a pas de « responsabilité » vis-à-vis de ces pays, mais elle en est au contraire de plus en plus dépendante. Les pays africains sont au cœur des enjeux internationaux. La France n’est plus un partenaire privilégié de l’Afrique, mais elle a toujours besoin de ces pays pour justifier son siège de permanent au conseil de sécurité des Nations-Unies et sa diplomatie d’influence dans le monde.

La visite de Hollande peut-elle avoir un impact réel sur les conditions de vie des populations locales ?

Il y aura, bien sûr, au cours de cette visite, des gestes de la part de Hollande vis-à-vis de la population. Au Cameroun, l’Agence Française de Développement mettra en place des projets urbains, sensés aider les populations locales. Mais ce n’est pas le but premier de cette visite. Hollande n’a que très peu d’influence sur les chefs africains, ces derniers n’acceptant plus les leçons de démocratie ou de gestion du bien-être des populations. Ils sont les maîtres du jeu et ils le savent.

Assiste-t-on à un retour officieux d’une Françafrique sauce Hollande ?

On ne peut plus réellement parler de « Françafrique », terme qui impliquerait que la balle est dans le camp de la France, et qui était valable du temps où cette dernière pouvait garantir la sécurité de ses partenaires africains en échange de leurs matières premières. La France n’a plus en Afrique l’influence dont elle disposait autrefois. Je parlerais plutôt ici d’« Africafrance » : une situation où les vrais patrons sont les chefs africains, dans laquelle les dirigeants français sont assujettis aux ressources de leurs partenaires ; la diplomatie classique passant alors derrière la valorisation des intérêts économiques et militaires.

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