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Ali Bongo au volant, Lionel Messi sur le siège du mort : Une certaine idée de la République…

Lionel Messi : Tapis rouge en culotte grunge au Gabon, mais costume cravate à Rome, à son arrivée au Brésil ou lorsqu’il est reçu par Cristina Fernandez de Kirchner, présidente de l’Argentine. Bug du Protocole d’Etat gabonais ? © D.R.
Lionel Messi : Tapis rouge en culotte grunge au Gabon, mais costume cravate à Rome, à son arrivée au Brésil ou lorsqu’il est reçu par Cristina Fernandez de Kirchner, présidente de l’Argentine. Bug du Protocole d’Etat gabonais ? © D.R.
Au lendemain de la visite controversée de la star argentine de football et au regard de la tournure prise par les événements, le débat sur le rôle du président de la République, ses implications et responsabilités se fait plus pesant que jamais.

Si l’actualité du week-end écoulé n’a pas été avare, l’attention du commun des mortels a été retenue par un fait curieux. Au lendemain de la visite controversée de Lionel Messi au Gabon, la capacité de nos dirigeants à habiter leurs fonctions est sujette à débat. Pourquoi ? En dépit des arguments développés par les zélateurs du pouvoir en place pour banaliser ou minimiser les faits, l’accoutrement de la vedette argentine du football et le comportement du président de la République sont passés au peigne fin.

Un gamin de 28 ans, vêtu d’un bermuda en jean’s dans le pur style grunge et d’un tee-shirt à tête de mort, accueilli au bas de la passerelle d’un jet privé par des ministres en costumes et cravates. Le même gamin, dans le même accoutrement, marchant sur le tapis rouge à côté d’un président de République en veston. Plus éloquent, on le retrouve aussi, assis sur le siège du mort ou à l’arrière d’un véhicule conduit par… un président de République. Il n’en fallait pas plus pour déchaîner les réseaux sociaux ou susciter la polémique. Le président de la République est une institution. Il est même la clef de voûte de tout le système institutionnel. Il représente la continuité et la légitimité de l’Etat. Chacun le sait : il assure la représentation extérieure du pays, détermine la politique nationale, promulgue les lois, nomme aux hautes fonctions publiques, assume les fonctions de président du Conseil supérieur de la magistrature et de chef suprême des armées, dispose du pouvoir de grâce et peut déclarer la guerre. Pourtant, un président de République a bel et bien servi de guide touristique et de chauffeur à une star dont le seul mérite est de bien jouer au football.

La controverse Messi

Y-a-t-il faute ? Si oui, où en situer la responsabilité ? A la fois être humain et institution, le président de la République dispose d’un cabinet et d’une administration censés le conseiller et l’aider dans la prise de décision et la conduite des affaires publiques. Dans un contexte où son statut juridictionnel lui confère une irresponsabilité pénale, civile et administrative, l’argument de la vie privée est difficilement soutenable. Dans bien des cas – et plus encore dans celui du Gabon – une confusion est savamment entretenue entre vie publique et vie privée, affaires publiques et affaires privées. Ainsi des agents publics se retrouvent-ils affectés à des tâches relevant de la vie privée. Sans prendre la précaution d’établir une différence entre affaires publiques et affaires privées, les deniers publics servent, tout naturellement, au financement de la vie de tous les jours.

Au lendemain de la controverse Messi, on doit bien pouvoir interroger le statut du président de la République. On est même en droit d’analyser les répercussions des agissements d’Ali Bongo sur l’autorité et la respectabilité de l’Etat. Naturellement, les arguments sont tranchés et contradictoires. Ils se fondent sur les avantages escomptés par les uns et les autres mais aussi sur leurs visions du monde respectives. Les militants PDG et plus largement les tenants de la politique d’Ali Bongo dénoncent une tempête dans un verre d’eau, évoquant une éventuelle reconnaissance du pays et de prétendues retombées au plan touristique. Les autres s’arc-boutent contre les règles de bienséance, le code vestimentaire édicté dans l’administration publique, le coût du déplacement de Messi et les tensions actuelles de trésorerie pour fustiger cette visite. Dans cette controverse, une réalité submerge : l’incapacité des citoyens à aller au-delà des intérêts particuliers et à s’accorder sur une lecture politique, juridique et institutionnelle.

Quel respect pour les institutions ?

Pourtant, il faut bien revenir aux fondamentaux. Le président de la République ne sera jamais un citoyen lambda. Ses pouvoirs exorbitants lui confèrent des droits particuliers, des protections exclusives, des avantages spécifiques. En revanche, ils lui donnent des devoirs sui generis, le soumettent à des expositions distinctives et lui imposent un comportement caractéristique. Pour lui, le quotidien se résume aux responsabilités et pas aux loisirs. Sa vie relève du sacerdoce et non du dîner de gala. Ses avantages en font une personnalité surveillée de près, dans tous les sens du terme. De ce fait, il doit avoir, en tout temps et tout lieu, une tenue exemplaire, digne de son rang. Pour toutes ces raisons, on ne peut tenir son attitude face à un footballeur, fut-il talentueux et de notoriété mondiale, pour une simple péripétie. On n’a pas le droit de considérer le comportement du footballeur concerné comme un vulgaire incident. Il suffit, pour s’en convaincre, de considérer son port vestimentaire face à la présidente d’Argentine – son pays d’origine -, Cristina Fernandes de Kirchner, ou au pape François. Qu’on le veuille ou non, une pointe d’insolence, d’arrogance voire de mépris suinte de l’attitude affichée par Lionel Messi. Qu’on l’approuve ou pas, Ali Bongo aurait gagné à ne pas se prêter à cette plaisanterie de mauvais goût. Pour le respect dû à son rang et au nom de la République, il pouvait, à bon droit, refuser de recevoir une star jouant les divas ou enfants capricieux.

Désormais, il appartient aux autres institutions, notamment la Cour constitutionnelle, et au cabinet du président de la République, particulièrement la direction générale du protocole d’Etat, et non aux militants zélés de se pencher sur cette question : l’existence éventuelle d’une ligne de démarcation claire entre l’institution président de la République et l’être humain président de la République. Pour le commun des mortels, cette distinction semble difficile à établir, à convenir et à acter. Le citoyen Ali Bongo étant président de la République 24h/24, 365 jours/365, on ne peut défendre les privilèges d’une fonction sans en accepter les servitudes. Au mépris de la prééminence du président de la République sur l’édifice institutionnel, il s’en trouve encore pour se poser en défenseurs d’une république du strass et des paillettes, d’une présidence de République à la portée voire à la hauteur de la première célébrité venue. Si ces citoyens-là ont une certaine idée de la République, on en vient à se demander quel respect ont-ils pour les institutions et ceux qui les incarnent ou les dirigent…

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