spot_imgspot_img

EDITORIAL : Discours insidieux

desire_enameLes Fang sont les mal aimés du Gabon. Un Fang remporterait-il une élection haut la main comme ce fut le cas de Mba Abessole et d’André Mba Obame qu’elle lui est arrachée. Tout comme des résultats des concours sont inversés lorsqu’un Fang est en tête au profit d’une personne d’une autre ethnie. Aussi, est-il préférable que les Fang se mettent derrière le « Bilop » Ping qui a la solution pour la prise de pouvoir au Gabon de façon pacifique. Ce sont là quelques-uns des aspects développés par Vincent Essone Mengue, maire de la commune d’Oyem et responsable provincial de l’Union nationale (UN) dans son adresse aux populations de la ville de Bitam. Faut-il le suivre ? Faut-il y apporter des réponses ? Certains disent oui. D’autres pensent que non. A chacun ses choix. Certains sont-ils libres de soutenir Ping ? Oui. D’autres sont-ils aussi libres de ne pas le soutenir ? Oui. Faut-il s’inquiéter de ce discours ? Oui.

L’histoire qui se construit au Gabon depuis 2012, pour prendre ce repère – car c’est cette année-là que feu André Mba Obame avait lancé l’appel à une Conférence nationale souveraine révèlera tôt ou tard la sincérité de cette prise de position. Mais il n’en demeure pas moins que le maire de la commune d’Oyem vient de prendre la responsabilité historique de corroborer des thèses fumeuses et sectaires de conseillers du chef de l’exécutif qu’il a lui-même évoqués. En effet, quelle différence entre l’expression de rejet de Michel Ogandaga, et l’attitude recommandée par Essone Mengue à sa communauté ? Ainsi donc, pour ne pas être liquidé, bouté au-delà des frontières du Gabon, comme l’a préconisé Michel Ogandaga, celui que ses amis appellent affectueusement « VT » propose la renonciation pure et simple à l’ambition présidentielle. Il propose de se mettre dans l’étoffe du rejeté et du laissé-pour compte. Et mieux, de se mettre à la remorque du « parrain » Jean Ping pour que demain la communauté Fang retrouve un semblant d’espace d’expression dans la République gabonaise grâce à ce «leader désigné». Si l’on suit le cheminement de ce discours, quel sort devrait-il être réservé à tout Fang qui oserait le braver ? Serait-ce un traître ? Un collabo du régime ? Ou la mauvaise graine de ces rebuts de la société gabonaise ? Et pourtant ce ne sera qu’un Gabonais qui, au même titre que le «parrain», est couvert par la légalité constitutionnelle qui lui intime l’ordre de dire son ambition à présenter une autre offre politique, afin de redresser le Gabon. Ce sera son devoir et son droit.

La question à poser à Essone Mengue est : le Fang, qu’il soit du Woleu Ntem, de l’Estuaire, du Moyen-Ogooué, de l’Ogooué-Ivindo ou de l’Ogooué-Maritime, est-il Gabonais ? A-t-il le droit de défendre la République au même titre que les Gabonais des 51 autres ethnies que compte le pays ? A-t-il oui ou non le droit d’avoir la même prétention de porter le drapeau gabonais et parler au nom de la République au même titre que ses autres compatriotes ? A-t-il oui ou non le droit, au même titre que les autres Gabonais, de prétendre à la revendication nationale ? Ces questions se posent, aujourd’hui, à cause d’un discours qui consacre l’exception Fang et qui est en train de vouloir éteindre le feu de l’unité nationale qui doit être sans cesse attisé pour bâtir le Gabon.

Un « Josué » à la suite d’un « Moïse » inconnu.

C’est en cela que ce discours inquiete. Parce qu’il ébranle les fondements du vivre ensemble. Ce n’est pas par le repli communautaire ou identitaire que l’on réparera les frustrations occasionnées par les manigances politiciennes, durant des décennies, d’un groupuscule de personnes avides de conserver des strapontins et le pouvoir. Le repli dans la frustration n’arrangera la condition d’aucun Gabonais. C’est en étant avec les autres. C’est en affirmant son identité que le Gabon sera construit. C’est ce qu’enseignent les pères fondateurs de cette République. Que le « parrain » se présente en tant que ce qu’il est culturellement, parce que c’est cela son « être » gabonais. Et non pas en tant qu’un «Josué » à la suite d’un «Moïse» inconnu dont on prétend reprendre le flambeau. Se parer de cette peau, c’est de la politique politicienne. Les pères fondateurs ont montré leur originalité. Ils ont avancé avec leur culture, avec leur visage. Pourtant ils ont été acceptés en pays fang pour ce qu’ils proposaient. Et non par le biais d’un jeu de camouflage identitaire. Vincent de Paul Nyonda a récolté 200 voix à Bitam où il n’avait jamais mis les pieds. Grâce à ses idées et non pas à cause de petites politiques géo-ethniques. Ses alliés sur place n’ont pas appelé au déni identitaire pour le propulser.

Lorsque l’on cite Paul Mba Abessole, force est de l’associer non pas au repli communautaire, mais de le restituer dans sa conception de la diversité ethnique au Gabon. Qu’on l’aime ou pas, cet homme a toujours vu dans nos différences une immense richesse qui doit contribuer à bâtir le Gabon. L’ethnie n’est pas une tare, mais un atout de développement et d’épanouissement. Parler d’AMO et associer son échec au simple fait fang est encore un autre déni de l’œuvre de cet homme, mais surtout un déni de l’adhésion des autres communautés du Gabon à ce Fang du Nord. Voudrait-on dire que les centaines de millier de personnes qui ont accompagné André Mba Obame lors de ses obsèques étaient tous des Fang ? Massés autour de sa dépouille, passant des nuits blanches, ils étaient Batéké, Nzebi, Apindji, Kota, Adouma, Omyènè, Obamba, Varama, Punu, Ghisir, Massango, etc. C’est ceux-là aussi qui avaient préféré ce Fang à une autre personne de leur ethnie ou proche, aux élections de 2009. C’est aussi à eux que la victoire a été volée. Etre membre de l’Union nationale et porter un discours de cloisonnement ethnique est en déphasage avec l’idéal d’un « Gabon pour tous » qui se passe de clivages.

En 2005, Pierre Mamboundou remportait, dans les urnes, l’élection présidentielle. Le résultat officiel fut en faveur d’Omar Bongo Ondimba. Mamboundou n’était pas Fang. Le politicard de 64 ans a-t-il perdu le fil de l’histoire électorale du Gabon pour ne se souvenir que de quelques étapes ? Ou s’agit-il d’une sélection délibérée des faits historiques pour faire passer une pilule ? Les Gabonais ne sont pas dupes. Au-delà du déni identitaire, le déni de l’histoire est encore plus dangereux. Et la petite combine, prétendument tactique, qui sommeille en arrière-plan de ce discours finira par être éventée.

Exprimez-vous!

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici

spot_imgspot_img

Articles apparentés

spot_imgspot_img

Suivez-nous!

1,877FansJ'aime
133SuiveursSuivre
558AbonnésS'abonner

RÉCENTS ARTICLES