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Appel au rejet de toute candidature d’un Fang : Jean Ping contre la citoyenneté des autres ?

Vincent Essono Mengué, le maire d’Oyem, en compagnie de Jean Ping à Bitam. © D.R.
Vincent Essono Mengué, le maire d’Oyem, en compagnie de Jean Ping à Bitam. © D.R.
Les soutiens de l’ancien président de la Commission de l’Union africaine, notamment le maire d’Oyem, s’échinent non pas à promouvoir leur champion mais à empêcher toute une composante de la nation de briguer la présidence de la République. On baigne dans une logique tribaliste, d’exclusion voire de négation des droits civils et politiques.

La candidature de Jean Ping est-elle en train de virer en une candidature d’exclusion et de négation des droits des autres ? Depuis la sortie tonitruante et inopportune du maire d’Oyem, l’ancien président de la Commission de l’Union africaine apparaît sous les traits du faux nez de personnalités sectaires et développant le complexe de persécution. Porté au départ par un groupuscule de militants de l’Union nationale (UN) en quasi-rupture de ban avec leur parti, il s’est vite mué en réceptacle des frustrations des uns et des fantasmes des autres. L’instrumentalisation du fait ethnique, la déformation de la réalité historique, l’usage d’une vérité sélectionnée conduisent désormais certains de ses principaux soutiens à s’opposer à toute candidature de citoyen d’ethnie Fang, déniant du coup à près de 40% de la population nationale le droit de briguer la magistrature suprême. Les Fangs seraient brimés, mal aimés et rejetés par le reste de la communauté nationale. De là viendraient les raisons des échecs de Paul Mba Abessole et André Mba Obame. Les Fangs devaient le comprendre, l’accepter et se résoudre à se ranger derrière Jean Ping. Fondés sur le ressenti, occultant ostensiblement les déboires de Pierre Mamboundou en 1998, cette lecture porte en elle les germes de l’institutionnalisation du rejet d’une communauté ethnique. Elle traduit un tribalisme anti-fang à rebours. En conséquence, elle ne saurait être tolérée. Mieux : elle doit être combattue. Et d’abord par Jean Ping.

Quelque chose de plus personnel et sectaire

Et pourtant, au nom et en présence de l’ancien président de la Commission de l’Union africaine et d’un ancien Premier ministre, un ancien ministre de la République y est ouvertement allé de sa tirade anti-fang. Vincent Essono Mengué a avancé sa théorie, livré une lecture partiale et partielle des scrutins présidentiels depuis 1993. Contre toute attente, ce propos n’a ému ni Jean Ping ni Jean Eyéghé Ndong. Si ces anciens barons du PDG, ces chantres de «l’unité nationale» dont ils faisaient jadis d’Omar Bongo Ondimba le héraut n’ont rien trouvé à redire, il faut se demander si, au-delà de la désignation du candidat de l’opposition à la prochaine présidentielle, leur attitude ne masque pas quelque chose de plus personnel, de plus sectaire. L’exclusion de tout le groupe ethnique Fang de la course à la présidence de la République ne modifiera en rien les relations entre communautés et notre vivre ensemble. Elle ne contribuera pas non plus à l’amélioration du rapport de nos dirigeants à la chose publique, au bien commun et à l’intérêt général. Elle ne favorisera pas plus une compréhension partagée des enjeux du moment et de notre destinée commune. Autrement dit, Vincent Essono Mengué et Jean Eyéghé Ndong ne se battent pas pour faire progresser l’idée d’Etat unitaire, défendre la République, ou promouvoir la nation. Ils militent pour empêcher à tout citoyen d’ethnie Fang de jouir des droits dont bénéficie Jean Ping. N’est-on pas là en face d’une manifestation évidente du tribalisme et de l’exclusion ?

De façon implicite, Vincent Essono Mengué tente d’accréditer l’idée selon laquelle le soutien populaire dont ont bénéficié Paul Mba Abessole et André Mba Obame était exclusivement l’œuvre de Gabonais d’ethnie fang. Sans le dire, il insinue que les présidents des commissions électorales – Gibert Ngoulakia et René Aboghé Ella –, les ministres de l’Intérieur des années électorales – Antoine de Padoue Mboumbou Miyakou, Christian Clotaire Ivala et Jean-François Ndongou – ainsi que les membres de la Cour constitutionnelle, singulièrement son inamovible présidente – Marie-Madeleine Mborantsuo -, ont toujours été motivés non par le désir de conserver leurs privilèges indus mais par le rejet des Fangs. Sans s’en rendre compte, il sous-entend que Pierre Mamboundou n’a jamais eu de bonnes raisons de revendiquer de victoire à la présidentielle. Naturellement, l’ancien ministre des PME/PMI élude volontiers le passage de Léon Mba à la tête du pays. Doit-on l’entendre ? Peut-on le laisser poursuivre sur cette voie ? A l’évidence, en laissant dire de telles choses en son nom, en cautionnant de tels amalgames, Jean Ping engage sa responsabilité devant la nation. Evidemment, en observant le mutisme devant tant d’approximations, Jean Eyéghé Ndong prend quelque liberté avec l’histoire de sa famille biologique.

Camouflage et analyse tronquée

Paul Mba Abessole et André Mba Obame ont-ils vu leurs victoires confisquées au motif qu’ils étaient fangs ? Pierre Mamboundou ne s’est-il pas vu voler sa victoire en 1998 ? Sauf à réduire le fondateur de l’Union du peuple gabonais (UPG) au rôle peu enviable de menteur et hâbleur ou à changer son appartenance ethnique, on ne saurait valider de tels propos. Le postulat de Vincent Essono Mengué selon lequel les Fangs sont mal aimés et rejetés par le reste de la communauté nationale procède du ressenti. En réalité, c’est un écran de fumée pour naïfs, un camouflage pour arrangements d’arrière-boutique, un prétexte pour opportunistes. Au-delà, c’est une analyse tronquée et biaisée des implications de la «géopolitique» tant décriée et si bien appliquée par les gouvernants depuis 1967. Doit-on rappeler au maire d’Oyem que les potentiels candidats Fangs firent l’impasse de la présidentielle de 2005 sans que cela ne change grand-chose par la suite ? Est-on obligé de lui dire que les Fangs sont répartis sur cinq provinces parmi les neuf que compte le pays ? Faut-il lui dire que ce groupe ethnique représente près de 40% de la population ? Doit-on lui faire remarquer que dans la répartition des responsabilités au niveau de l’Etat, il y aura toujours 56% de chances de tomber sur un Fang tant qu’on raisonnera en fonction des provinces ? Or, du fait d’une mauvaise analyse de ces données objectives, les gouvernements auxquels Jean Ping, Jean Eyéghé Ndong et lui-même ont appartenu ont généralement été conduits à rejeter certaines compétences. Bien entendu, personne n’osera lui demander d’évoquer l’ensemble de ses liens, notamment sanguins et familiaux, avec son directeur de cabinet durant son passage au gouvernement. Naturellement, on ne lui demandera pas de dire à quoi les Fangs ont-ils droit, s’ils peuvent diriger d’autres institutions, être membres du gouvernement ou siéger dans la haute administration.

Le maire d’Oyem se veut un défenseur acharné de l’alternance. Il se pose en homme ouvert aux autres. Mais il estime que les Fangs sont brimés et ne doivent pas faire acte de candidature à la présidence de la République. Son propos est difficilement soutenable. En leurs temps respectifs, Paul Mba Abessole et André Mba Obame étaient d’authentiques leaders nationaux. Simplement, leurs ambitions allaient à l’encontre des privilèges de certains compatriotes, des collusions mafieuses et intérêts des réseaux de cette Françafrique de sinistre réputation. Si leur appartenance ethnique était au fondement de la confiscation de leurs victoires respectives, les Gabonais d’autres groupes ethniques l’auraient compris et n’auraient pas entrepris de continuer à faire chemin avec eux. N’en déplaise à Vincent Essono Mengué, la nation est une construction humaine. Elle procède d’un processus politique et s’accommode très mal des arrangements avec les questions identitaires. Au sens propre, elle désigne la communauté des habitants d’un territoire soumis à l’autorité d’un pouvoir souverain. Dans son idéal, elle se fonde sur la citoyenneté et partant la défense des droits civils et politiques. Or, le droit d’éligibilité est un droit politique, c’est-à-dire un élément constitutif de la citoyenneté. Demander à une partie de la communauté nationale d’y renoncer c’est vouloir la ramener au régime de l’indigénat, officiellement aboli par le colon français en 1946.

Dans une nation en construction, peut-on se permettre de manier des thèses exclusionnistes ? Peut-on en user à des fins tactiques, juste pour atteindre ses fins ? C’est la proposition de Vincent Essono Mengué. Les vrais patriotes, les démocrates sincères, les partisans acharnés du changement et les républicains convaincus ne peuvent s’y résoudre. Ils doivent le refuser. Ils doivent affirmer haut et fort que les Fangs sont et seront toujours des Gabonais à part entière et non des Gabonais entièrement à part…

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