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Serge Maurice Mabiala à Sans-famille : Justice ou vendetta ?

Dans l’incarcération de l’ancien ministre de la Fonction publique, de nombreuses zones d’ombre et une inédite conjonction de faits donnent la fâcheuse impression d’une manœuvre politicienne.

Ironie du sort : un éminent membre d’Héritage et Modernité est interpellé par la gendarmerie puis placé sous mandat de dépôt pour… enrichissement sans cause. Les réseaux sociaux s’embrasent. Certains jubilent. D’autres ironisent. Il faut se déporter sur le terrain politique ou du respect des droits individuels pour voir le débat gagner en densité. L’affaire a tout d’un fait divers. Mais, elle va bien au-delà. Tout le monde a encore en mémoire le récent positionnement du mis en cause. Personne n’oublie sa dernière descente sur ses terres de Mouila. Chacun commente la tonalité de son intervention. Est-on en face d’une affaire relevant du droit commun, d’une tentative d’intimidation ou d’une machination politicienne ? La question reste posée…

Tout bien pesé, cette affaire renvoie d’abord au talon d’Achille d’une bonne partie de la classe politique nationale : les agissements du passé et le rapport à l’argent. Là où ils doivent parler de projets, de politiques publiques, de mobilisation, de conscientisation des masses, de liquidation de l’analphabétisme politique, les élites nationales sont systématiquement ramenées à des pratiques passées sur lesquelles se brisent tous les rêves. N’en déplaise aux esprits vengeurs, on aimerait bien scruter l’horizon, imaginer le futur, inventer l’avenir sans être invariablement condamné à regarder dans le rétroviseur. S’il n’est nullement question d’absoudre quiconque, le principe de l’égalité devant la loi commande de surseoir à ce type d’agissements, jusqu’à l’adoption d’une solution globale, applicable à tous, sans distinction aucune.

Positionnement politique

Dans l’affaire Serge Maurice Mabiala, certains ne manqueront pas de parler d’hommage du vice à la vertu. D’autres y verront une sorte de rappel à l’ordre. Il s’en trouvera même pour vanter le bûcher des vanités. Bien entendu, tout ceci induira un procès en règle des élites, accusées d’avoir trop souvent pris des libertés avec la morale républicaine et l’éthique démocratique. Mais peut-on instruire le procès d’un haut fonctionnaire sans interroger la responsabilité de sa hiérarchie, y compris politique ? Est-on fondé à engager une procédure contre un directeur d’administration centrale sans questionner le fonctionnement de l’appareil d’Etat ? Peut-on parler de poursuites contre un ancien ministre sans examiner son positionnement actuel ? A l’évidence, trop de paramètres donnent l’impression d’une justice volant au secours du politique.

La justice gagnerait à se prémunir des accusations d’instrumentalisation en approfondissant son enquête. Au-delà des pratiques ayant cours sous nos latitudes, les montants évoqués devraient normalement mettre en scène d’autres protagonistes, notamment des banques et/ou des entreprises. D’où venait cet argent ? Où est-il allé ? Sous quelle forme ? N’est-on pas en face d’une opération de financement occulte de la vie politique, de certains projets hors budget ou d’actions de médiation ? Dans un contexte où les relations incestueuses entre la politique et la finance ont souvent mis à contribution les régies financières, dans un environnement où la loi de finances et ses annexes ont avant tout valeur de caution, il faut bien répondre à ces questions. Si des éléments de preuves apparaissent contre Serge Maurice Mabiala, la justice devrait s’efforcer d’être la plus transparente possible, au risque d’être accusée de faire la courte échelle au politique.

En absence de transparence, cette affaire pourrait être polluée par un parfum de manipulation politicienne. Or, – et c’est une maxime connue – «quand la politique entre dans un prétoire, la justice en sort». Au bout du compte, il y a nécessité à mettre en œuvre tous les moyens d’enquête – audition, interrogatoire, confrontation, perquisition – afin de rassurer l’opinion. C’est connu : la garde à vue vise à empêcher à la personne mise en cause de fuir, altérer les preuves ou influencer d’éventuels témoins. Y avait-il ces risques en l’espèce ? C’est loin d’être évident… Au regard du positionnement politique de l’ancien ministre de la Fonction publique, sa mise sous mandat de dépôt pourrait être perçue comme un règlement de comptes, une manœuvre politicienne. Pour les membres du courant Héritage et Modernité, cela ne plus l’ombre d’un doute.

Doutes

Effectivement, Alexandre Barro Chambrier, Michel Menga et leurs amis sont bien conscients d’avoir pris de gros risques personnels en mettant en cause la gouvernance au sein du Parti démocratique gabonais (PDG) et plus largement du pays. Désormais, ils se disent prêts à en payer le prix. A leurs yeux, les accusations formulées à l’encontre de Serge Maurice Mabiala auraient pu l’être à l’endroit de n’importe lequel d’entre eux. Disant connaître les pratiques de leurs frères d’armes du Mouvement gabonais pour Ali Bongo Ondimba (Mogabo), ils disent être protégés par leur statut de parlementaire. Est-ce bien un hasard si le seul d’entre eux à ne pas jouir de l’immunité parlementaire se retrouve aujourd’hui à Sans-famille ?

Héritage et Modernité dit être «en face d’une tentative d’intimidation». Il s’étonne de l’occurrence de la procédure, se demandant si la mise sous mandat de dépôt était nécessaire pour la manifestation de la vérité dans des faits datés de sept à huit ans. Face au tohu-bohu suscité par cette affaire, devant l’inédite mobilisation du secrétariat exécutif du PDG, en présence de nombreuses zones d’ombre, cette lecture pourrait bien obtenir l’assentiment populaire. Naturellement, il subsistera toujours des doutes quant à une éventuelle manipulation des faits à des fins politiques voire leur véracité. Indubitablement, l’affaire Serge Maurice Mabiala sonne comme un hallali. Elle pourrait bien annoncer le déclenchement d’une chasse à courre ou la manifestation d’une justice à la carte visant à consacrer la domination politique d’un camp. Au-delà, elle pourrait déboucher sur un affrontement ouvert au sein du PDG. Aux uns et aux autres de le méditer…

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