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Boxeur, beau gosse et pro-cannabis : la « Trudeau-mania » déferle sur le Canada

Se poser en anti-Harper a été la recette gagnante pour Justin Trudeau, grand vainqueur des législatives canadiennes. Six choses à retenir sur l’enfant chéri des Libéraux, lui-même fils de Premier ministre.

En remportant 54,4% des voix et 184 sièges au Parlement canadien (cinq fois plus qu’en 2011) lundi 19 octobre, les Libéraux réussissent l’improbable : décrocher une majorité absolue qu’aucun sondage n’avait anticipée et éjecter du premier rang de la vie politique Stephen Harper, Premier ministre depuis presque dix ans, contraint de quitter la tête du Parti conservateur.

A seulement 43 ans, la nouvelle coqueluche du Parti libéral, Justin Trudeau, n’est pas pour rien dans ce triomphe. Face à deux adversaires aguerris, il a réussi à profiter du vote-sanction contre Harper et à doubler sur sa gauche le chef du NPD (centre-gauche) Thomas Mulcair, canalisant un fort désir de changement au sein du pays. Voici six choses à savoir sur le nouveau venu au sein du G7.

1. Le sans-faute d’un habitué des gaffes

En élisant largement Justin Trudeau à leur tête en 2013, les Libéraux, alors moribonds, avaient fait un pari risqué. Outre sa réputation de « fils à papa » sans expérience de la politique, Trudeau junior est un habitué des bourdes, comme lorsqu’il traite le ministre de l’Environnement de « piece of shit » en pleine Chambre des communes en 2011, ou qu’il provoque la colère des défenseurs des animaux en posant sur une carte de Noël avec toute sa famille vêtue de manteaux de fourrure.

Autre controverse : en novembre 2013, à la question « quel gouvernement admirez-vous et pourquoi ? », il répond : J’ai un certain niveau d’admiration pour la Chine, parce que leur dictature leur permet de faire un virage économique soudain. »

Tollé immédiat, auquel il répondra très vite sur Twitter que « le Canada est le meilleur pays du monde »…

Stephen Harper avait ainsi misé sur une campagne-marathon, de deux mois et demi, faisant le pari que son principal adversaire se mettrait lui-même hors-course par ses gaffes à un moment ou l’autre… Mais le quadra a réalisé un parcours sans fautes, menant une campagne « positive » et gagnant en assurance au fur et à mesure de la campagne.

Face à un Harper qui n’hésitait pas à polariser le débat sur la question du port du niqab, Trudeau a dénoncé « une politique de peur et de division ». Il promet également de relancer l’économie en finançant des infrastructures par le déficit, de taxer plus les riches ou d’annuler l’achat d’avions de chasse… Jamais le Parti libéral n’aura été aussi à gauche.

2. Un nom synonyme de progressisme

Trudeau est un nom qui a marqué l’histoire contemporaine du Canada. Le père de Justin, Premier ministre pendant 15 ans (1968-1979 et 1980-1984), a même donné son nom à l’aéroport de Montréal (Pierre Eliott Trudeau). Il avait notamment présenté le « Bill Omnibus », qui légalisait le divorce et décriminalisait l’homosexualité et l’avortement (1969). Sous son mandat, le Canada abolit la peine de mort, établit des relations diplomatiques avec la Chine communiste et Cuba.

Une vague de progressisme inédite dans un Canada encore profondément chrétien, qui suscite un engouement à l’origine de l’expression « Trudeaumania », reprise aujourd’hui pour son fils. La mère de Justin Trudeau, Margaret Trudeau Sinclair, était quant à elle une jet-setteuse habituée des scandales. Mère de trois enfants, elle n’hésitait pas à convoler avec des rock-stars, comme ce soir de 1979 où elle est photographiée en mauvaise posture dans un club newyorkais avec les Rolling Stones… au moment même où son mari perdait les élections.

Mais comme disait ce dernier dans une phrase restée célèbre : « L’Etat n’a rien à faire dans les chambres à coucher de la nation ».

3. « Parfaitement bilingual »… jusqu’au surréalisme

Montréalais pur jus mais farouche opposant de l’indépendantisme québécois, Pierre Elliott Trudeau reste néanmoins une figure contestée au Québec, où son engagement pour le « non » au premier référendum pour l’indépendance de la province en 1980 reste un souvenir douloureux dans les rangs souverainistes.

Son fils a longtemps semblé suivre le même chemin : en 2007, Justin Trudeau avait comparé les souverainistes québécois à des écoliers « braillards qui se plaignent pour obtenir plus d’attention », déclarant :

Le Québec ne se séparera pas, jamais. Le séparatisme est un mythe qui a été créé. »

Sur la question ultra-sensible de la langue, le jeune libéral a une position pour le moins… atypique. Des vidéos de campagne en 2008 dignes de Nelson Monfort, dans lesquelles le candidat montréalais change de langue jusqu’à cinq fois par phrase, ont marqué les esprits. Morceau choisi :

« You have no doubt noticed que ce vidéo est un mélange of english et de français. Although everything written on this site est disponible en anglais and in French, my personal videos seront bilingues. »

Mais soucieux des sympathies québécoises, Trudeau a depuis mis du « water » dans son « wine ». En février 2012, il affirme que les positions conservatrices de Stephen Harper sur l’avortement et le mariage homosexuel pourraient l’amener à vouloir faire du Québec un pays. Une petite phrase qui fait grand bruit dans la « Belle Province », historiquement plus à gauche que le reste du pays. Lundi soir, le Parti libéral du Canada de Justin Trudeau a d’ailleurs réussi une véritable percée au Québec.

4. Boxeur et sex-symbol malgré lui

Epoux d’une animatrice de télévision, Justin Trudeau, que les Canadiens ont découvert grâce à l’éloge funèbre qu’il prononce sur son père en 2000, a appris au fil des ans à soigneusement maîtriser l’appareil médiatique, tout en dépassant l’aspect émotionnel lié à sa famille (son frère Michel est mort dans une avalanche en 1998).

Le 31 mars 2012, il affronte le sénateur conservateur Patrick Brazeau lors d’un combat de boxe organisé pour recueillir des fonds pour la lutte contre le cancer… Le match, retransmis en direct sur les chaînes d’info, est un événement d’ampleur nationale.

Je vais le battre avec ma tête, mon coeur et ma longue portée », lance-t-il lors de la pesée.

Dans un combat où chacun est vêtu aux couleurs de son parti, il tient sa promesse en gagnant par KO technique au troisième round.

Cet ancien moniteur de snowboard aurait pourtant pu être entravé par son image de jeune premier athlétique. Il y a deux ans encore, nombreux étaient ceux qui brocardaient l’inexpérience de ce « beau gosse » creux et trop charmeur. Mais la longue campagne électorale qu’il vient de mener a galvanisé ses sympathisants et changé son image.

(« Ne faites pas en sorte que vos femmes puissent fantasmer pendant quatre ans sur le Premier ministre. Votez Stephen Harper. »)

5. La marijuana ? Il assume

En juillet 2013, Trudeau indique qu’il appuie la légalisation de la marijuana pour mieux la réglementer et la taxer. Plus encore, il compte même inclure le projet de légalisation dans sa prochaine plateforme électorale. Un mois plus tard, il admet avoir consommé de la marijuana alors même qu’il était député :

Nous dînions avec des amis, nos enfants étaient chez leur grand-mère et l’un de nos amis a allumé un joint qu’il a fait tourner. J’ai pris une bouffée. »

Il se positionne sur ce domaine en parfait libéral, comme son père avant lui. Quant à sa mère, elle était une consommatrice assumée de haschich.

6. Climat, réfugiés syriens : le ton va changer

Après une décennie d’isolement relatif du pays sur la scène internationale, le retour des libéraux pourrait se traduire par un réengagement du Canada, notamment sur la question du climat, tout en s’accompagnant d’un changement de ton sur les questions de sécurité dans le monde et l’accueil des réfugiés syriens.

Les libéraux ont offert pendant la campagne d’accueillir 25.000 Syriens avant la fin de l’année (contre 20.000 en quatre ans pour le gouvernement Harper). Le futur chef du gouvernement a aussi promis de ne plus participer, au sein de la coalition internationale menée par les Etats-Unis, aux frappes aériennes contre Daech.

Sensible à la question du réchauffement climatique, Justin Trudeau dénonce le fait que les conservateurs aient tourné le dos aux accords de Kyoto, fin 2011. Il prévoit notamment des dépenses d’infrastructures pour construire des édifices plus verts et veut revoir la part des énergies fossiles dans la production d’électricité au Canada.

Timothée Vilars

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