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A la 6è année du mandat en cours : La récitation d’Otounga Ossibadjouo

Curieusement évasif au sujet de la découverte d’une cache d’armes en avril dernier sur l’île Nendjé, peu convainquant quant à sa promesse de remettre de l’ordre dans la troupe, assimilant maladroitement les militaires à des fonctionnaires, le ministre de la Défense nationale s’est contenté de faire du rabâchage, le 15 novembre dernier sur la matinale de Radio Gabon.

A l’époque où le président de la République actuel occupait votre poste, il disait avoir mis en place une «armée en or». Est-ce encore le cas depuis ces six dernières années ? Quels acquis avez-vous enregistrés à ce jour ?

Avant de répondre à votre question, j’ai appris comme la plupart d’entre nous les tragiques évènements qui ont coûté la vie à une centaine de citoyens parisiens en République française, suite à d’odieux attentats que nous déplorons tous. Je voudrais associer ma modeste voix à celle du président de la République et du Premier ministre, pour adresser à nos amis Français et surtout au ministre M. Le Drian, ainsi qu’aux forces de sécurité françaises, nos condoléances les plus attristées, leur dire que nous nous en préoccupons, parce que le combat contre le terrorisme est un combat universel.

Pour revenir à votre question, avant de parler des acquis, il faudrait peut-être que je présente la politique de défense du Gabon, et particulièrement le rôle du ministère de la Défense nationale. Vous savez, par la loi de la mondialisation qui est la nôtre, les notions de sécurité et de conflit subissent beaucoup d’évolution. Les administrations chargées de défendre le territoire, regroupées au sein de notre ministère, ont pour mission traditionnelle de veiller à la sécurité du territoire, à son intégrité et à la sécurité des institutions de la République. Dans ce contexte de mondialisation, de criminalité transfrontalière, les forces de défense et de sécurité que gère le ministère de la Défense nationale ont une série de missions que je pourrais résumer en cinq : elles se doivent d’abord de connaître et d’anticiper les menaces ; elles se doivent de les prévenir, de dissuader les éventuels auteurs pour que ces menaces ne deviennent pas des réalités ; elles se doivent de protéger les citoyens nationaux et ceux des pays amis qui résident légalement chez nous; enfin, elles ont pour mission d’intervenir en cas de rupture de la paix. Dans ces conditions, en plus du soutien au service public des autres ministères, les forces de défense sont une administration particulière. Particulières, parce qu’elles doivent être opérationnelles, c’est-à-dire, disponibles et disposées à agir en tout lieu. Elles doivent être républicaines, en évitant autant que faire se peut des abus. D’autant que pour leur permettre d’agir, l’Etat, la communauté nationale, leur confère des moyens de coercition assez importants. Mais il est aussi important que ces moyens ne soient pas dévoyés de leur but.

En termes d’opérationnalité, nous avons le privilège d’avoir enregistré, entre autres ministres de la Défense, l’actuel président de la République qui, pendant de son passage à la tête dudit département, a édicté ce concept d’«armée en or», donc opérationnelle et républicaine. Opérationnelle parce que les moyens doivent d’abord restés disponibles. Et il y a deux types de moyens : les moyens humains et les moyens techniques. S’agissant de l’opérationnalité des moyens humains, nous citerons le service de santé militaire, qui est un service de référence dans le pays. Le but de ce service est d’avoir des hommes et des femmes toujours prêts au service. Tel est le premier projet. Ensuite, il y a l’organisation matérielle. Ici, nous parlerons succinctement de l’effort qui a été fait en matière d’équipement en moyens roulants, volants et de tout genre. Lors de la Coupe d’Afrique des nations, par exemple, vous avez dû constater que nous disposions désormais d’hélicoptères médicalisés, qui servent aussi bien aux besoins des militaires qu’à l’évacuation des malades de l’intérieur du pays vers le centre de référence qu’est l’hôpital des armées.

Sur le plan de la couverture de notre façade maritime, un effort a été fait en vue de l’acquisition d’un certain nombre de bateaux. En 2010, nous avons acheté quatre bateaux pour accroître notre capacité opérationnelle en mer. Du côté de notre frontière avec le Congo-Brazzaville et le Cameroun, dans la zone de Minkébé qui était devenue une zone de non-droit, le gouvernement a déployé toute une garnison. Sur cette zone, nous avons constaté l’installation anarchique et massive d’étrangers qui venaient exploiter l’or qui y abonde. C’est fastidieux de citer tout ce qui a été fait. Retenons qu’il y a eu un effort important en matière d’équipement et de recrutement. Sur ce point, indiquons qu’on a recruté plus de 6 000 agents. Ce qui est un effort de lutte contre le chômage qui sévit dans notre pays. Les actions sont donc multiformes : elles vont de la construction des casernes à l’achat des avions de chasse ou au recrutement des jeunes Gabonais.

S’agissant du phénomène de l’insécurité qui continue de grandir dans le pays. Les opérations lancées il y a quelques temps sont-elles appelées à se pérenniser ?

Le souhait de tout le monde est que l’«Opération Nguéné» soit pérenne. Il s’agit d’une opération qui nous permet de réunir toutes les forces de sécurité et d’intensifier les contrôles. Cela suppose d’abord une disponibilité en moyens humains. Or, vous le savez, l’homme est la ressource la plus rare au Gabon. Donc, figer toute l’armée dans cette opération affaiblirait d’autres aspects de la sécurité. Il faut savoir que le rôle premier des forces de défense et de sécurité, c’est de garantir l’intégrité du territoire national. Si on dégarnit les autres coins du territoire pour concentrer les hommes sur Libreville essentiellement, ça pourrait causer d’autres problèmes, vu que «Nguéné» c’est en grande partie Libreville avant l’intérieur du pays. Sur le plan humain, vous voyez que cette opération ne peut être permanente. Elle ne peut être que localisée dans le temps et sur le plan du territoire. Ensuite, si l’on immobilise autant de monde, on mobilise également beaucoup d’argent : il faut nourrir ces gens en permanence. C’est en fait un état de guerre qui ne dit pas son nom.

Jadis considérée comme un corps d’élite, la gendarmerie nationale est aujourd’hui sujette à des critiques, en raison du comportement et du racket de certains agents lors des contrôles routiers. Qu’y répondez-vous ?

Pour ce qui est du contrôle dans le périmètre urbain, la gendarmerie, au Gabon et dans d’autres pays, se voit attribuer des zones précises, pour suppléer les carences en hommes que l’on enregistre dans les forces de police nationale. D’ailleurs, partout, la gendarmerie est une force mixte, mi-militaire, mi-sécuritaire. S’agissant des rackets, il s’agit malheureusement d’un phénomène qui n’est pas à minimiser. Nos forces, comme toute notre Fonction publique, deviennent de plus en plus corrompues. Il n’y a pas un seul service dans le pays où l’établissement d’un document ne se fait sans graisser la patte, y compris dans nos banques. Pour les gendarmes, le problème est que la mondialisation est aussi la mondialisation des mauvaises pratiques. A nos frontières, nous avons longtemps décrié certaines situations, qui ont fini par contaminer nos gendarmes, d’abord au niveau de ces frontières puis graduellement dans les villes. Mais ceci dit, ce ne sont pas des phénomènes à tolérer. Quand j’ai pris mes fonctions, j’ai fait le tour des casernes pour leur dire que je ne tolérerai pas les rackets ni autres comportements déviants, tels que l’usage des stupéfiants ou les autres maux qu’on subit dans le civil. Il y a donc des dispositions qui sont prises pour combattre ce phénomène mais la difficulté des chefs militaires est de prendre les gens sur le fait. Pour ce faire, nous avons édicté un certain nombre de mesures, comme le port de l’insigne, le port du numéro matricule. Je sais, en tant qu’usager, que ce sont des dispositions qui sont difficilement appliquées. Aussi, allons-nous mettre très prochainement en place un numéro vert par lequel les populations pourront nous communiquer tous ces comportements déviants.

Au regard des flux migratoires enregistrés ces derniers mois, l’opinion considère que nos frontières sont poreuses. Quel est l’état des effectifs des agents à nos frontières à ce jour ?

Ceci relève du secret-défense. Il faut simplement savoir qu’il s’agit d’une constante. Le Gabon, c’est 267 667 km2. C’est environ deux habitants au km2, avec une forêt dense qui constitue le deuxième poumon du monde après l’Amazonie. Alors, l’inéquation est là. Comment assurer la sécurité d’un territoire aussi grand que la moitié de la France, qui n’est habité que par moins de deux millions d’individus ? Nos frontières sont donc naturellement poreuses. Mais nous déployons des méthodes que je ne saurais dévoiler ici, pour compenser cette faiblesse en effectif.

Les Journées de la défense auxquelles les librevillois s’étaient habitués, et qui avaient suscité quelques vocations, auraient-elles encore lieu, alors que nous achevons l’année en cours ?

Wait and see. Il n’y a pas de raison qu’elles n’aient plus lieux. C’est devenu une coutume pour les forces de défense.

Parlons de cette découverte d’armes sur l’île Nendjé en avril dernier. D’aucuns ont prétendu qu’il s’agissait d’une opération montée par le gouvernement. Qu’en a-t-il été ?

(Rire). En tout cas, l’armée a procédé à une découverte. Il a y eu devant caméras les preuves de cette découverte, mais nous sommes un Etat organisé et un Etat de droit. Par conséquent, une fois que cette découverte est faite, l’armée passe le dossier à la justice. Et la justice étant indépendante et libre, nous attendons les conclusions de cette enquête.

Il y a, d’une part, la question des indemnités du contingent gabonais à la Mission des Nations-unies pour la Centrafrique (Minusca) et, de l’autre, celle des militaires retraités qui fulminent. Comment gérez-vous ces dossiers ?

La situation est la suivante : parmi les missions traditionnelles de l’armée gabonaise, il y a la participation aux opérations de maintien de la paix. C’est-à-dire que les militaires gabonais vont dans des pays en guerre pour apporter la paix aux autres, et à l’issue de leur démobilisation, la structure qui gère ce maintien de la paix doit verser un pécule aux militaires, pour service rendu. La question que vous abordez relevait d’une opération gérée par l’Union africaine. Or, au terme de leur démobilisation, les militaires qui ont combattu en Centrafrique attendaient et attendent toujours que l’Union africaine leur verse leurs indemnités. Ça a été le cas au Gabon, au Cameroun et ailleurs, bien que les autres ne l’aient pas encore exprimé. A ce jour, nous attendons toujours. Toutefois, comme le Gabon est soucieux de préserver sa paix, le président de la République a donné des instructions pour que, par anticipation, le budget gabonais verse à ces compatriotes leur argent. Aujourd’hui, ils ont perçu ce qui leur revenait.

Pour ce qui est des militaires retraités, ils sont considérés comme les retraités civils. D’autant qu’en fonction, on cotise pour qu’à la retraite on jouisse des fruits de cette cotisation. Seulement, le problème est que, naturellement, ce qu’on perçoit à la retraite ne peut plus être égal à ce qu’on percevait en activité. Ce que certains de nos compatriotes retraités, civils ou militaires, découvrent. Il y a une question que les militaires retraités gabonais posent, c’est celle de leurs services rendus. Mais là encore, je dirais que le ministère de la Défense nationale est un ministère qui emploie. Donc, les questions budgétaires ou autres relèvent d’autres départements. C’est pourquoi, il nous est difficile de répondre à nos retraités sur cette question. Aussi, pour atténuer les difficultés matérielles qu’ils vivent, un certain nombre de réflexions sont menées actuellement au sein du ministère, dont l’aboutissement devrait permettre aux militaires en activité, comme ceux à la retraite de faire face, au coût de la vie.

Au sujet de la disparition, il y a dix ans, d’un avion militaire dans la zone de Moabi. Qu’en est-il été exactement ? Info ou intox ?

C’est un fait réel. Un avion militaire, au cours d’une mission, a été accidenté. Nous savons que les avions, même s’ils considérés comme le moyen le plus sûr, peuvent connaître des crashs. Et malheureusement l’avion en question avait crashé, et on n’est pas arrivé à localiser l’épave jusqu’à ce jour. Ce sont aussi des choses qui arrivent. Que dire? Nous connaissons la densité de notre tissu végétal. Les recherches ont été entreprises. Nous espérons un jour pouvoir découvrir cette épave pour les familles.

Et qu’est-ce qui a été concrètement fait pour les familles du lieutenant Ndong Meye et du capitaine-major Pierre Clair Essone ?

Cela s’est produit il y a dix ans, et à l’époque je ne pensais même pas devenir ministre de la Défense. Toutefois, il s’agissait d’un Bandeirante immatriculé EMB 110 TRK NA, un avion de l’armée de l’air, disparu le 11 décembre 2000 à Moabi, sur le trajet Libreville-Tchibanga, avec à son bord le lieutenant Jean Ndong Meye, commandant de bord, et le capitaine-major Pierre Clair Essone, co-pilote. Après la détresse déclenchée par les services de l’Asecna, les recherches ont été aussitôt diligentées par les services compétents, mais elles n’ont permis de ne rien retrouver. Dix ans après la disparition, cet aéronef a officiellement été reconnu comme accidenté et l’équipage considéré comme décédé. La procédure d’indemnisation des familles a donc été faite par la direction nationale des Assurances. Ce n’est pas une question matérielle car sur le plan financier, les familles ont été dédommagées mais tant qu’on ne retrouvera pas l’épave, ce deuil sera mal assumé, et nous comprenons la détresse des familles.

Un mot pour la fin…

Je réaffirmerai que les militaires gabonais sont au service des institutions et au service des citoyens gabonais et de toutes les personnes qui résident de manière régulière et légale sur le territoire national. C’est un engagement que les plus hautes autorités de la République ont pris pour qu’à tout instant le Gabon soit préservé des menaces que nous connaissons. Mais c’est un engagement qui doit tous nous intéresser, parce que l’efficacité de nos services, c’est aussi l’efficacité des citoyens, qui les renseignent. Nous savons qu’à nos portes, il y a une nouvelle menace : Boko Haram. Le terrorisme est une menace pernicieuse, qui ne vient pas au grand jour. Or, pour que nos hommes luttent efficacement contre cette nouvelle menace, il faut encourager les citoyens à être vigilants et à signaler toute personne suspecte. Ainsi, l’action de défense du territoire ne doit pas être dévolue aux seuls hommes en armes. Chacun d’entre nous doit jouer sa partition pour que l’ensemble du pays continue de vivre en paix.

Source : interview réalisée par Hass Nziengui et Kennie Kanga pour Radio Gabon

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