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Gabon – Opposition : les démons de la division toujours là

À huit mois de la présidentielle, l’opposition gabonaise est loin d’être en ordre unitaire de bataille. Bien au contraire, ses leaders sont encore à couteaux tirés.

Par notre correspondant à Libreville, Pierre-Eric Moog Batassi

À ce jour, seuls quatre opposants au pouvoir d’Ali Bongo Ondimba ont annoncé leur candidature au prochain scrutin présidentiel prévu en septembre 2016. Il s’agit notamment de Dieudonné Minlama Mintogo de la Convention nationale de l’interposition (CNI), de Moussavou King du parti socialiste, de Pierre Claver Maganga Moussavou du Parti social démocrate (PSD), et de l’ancien président de la Commission de l’Union africaine Jean Ping. Le président de l’Union nationale (UN) Zacharie Myboto, l’opposant Pierre André Kombila, président en exercice du front de l’opposition pour l’alternance (un regroupement de plus de 20 partis), Louis Gabon Mayila du parti pour la nouvelle république, le président du mouvement patriotique et démocratique pour la refondation, Jean-François Ntoutoume Emane, quoique présents sur la scène politique nationale n’ont pas encore affiché leurs prétentions présidentielles. Autant dire que d’ores et déjà l’opposition gabonaise n’a pas encore de stratégie unique pour réussir l’alternance face au Parti démocratique gabonais (PDG) au pouvoir depuis près de 50 ans. Cela dit, deux tendances lourdes apparaissent d’ores et déjà : l’une est pour la mise à plat des institutions, l’autre, pour l’instauration d’alliances et de l’occupation du terrain.

Le camp de la refondation des institutions
Le professeur Pierre-André Kombila estime que seul un soulèvement populaire pour exiger la transparence électorale peut permettre de venir à bout du régime en place. « Depuis l’avènement de la démocratie, les Bongo n’ont jamais gagné une élection au Gabon. Les résultats des élections ont toujours été truqués. Donc, pour nous, le premier combat de l’opposition doit être celui de la mise en place des institutions libre, en vue de l’organisation d’une élection transparente et crédible dont les résultats seront acceptés par tous », a déclaré Pierre-André Kombila, lors d’une conférence de presse organisée en début d’année à Libreville par le Front de l’opposition pour l’alternance. Le leader du PSD, Pierre Claver Maganga Moussavou, partage les mêmes vues. Il a sollicité le 20 janvier dernier, lors d’un entretien avec les journalistes, la dissolution et la réorganisation de la cour constitutionnelle et de la commission électorale nationale autonome et permanente (CENAP), deux organes chargés de l’organisation et de la proclamation des résultats des élections au Gabon. « Tant que ces institutions seront dirigées par les proches de la famille Bongo, il n’y aura jamais d’alternance au pouvoir », a lancé le président du PSD.

Pierre-André Kombila, Pierre Claver Maganga Moussavou et bien d’autres acteurs politiques de l’opposition réclament avant l’organisation de la future présidentielle, la tenue d’un dialogue national inclusif, qui devrait déboucher sur la mise à plat des institutions et la révision constitutionnelle consacrant la limite du mandat présidentiel, ainsi que la mise en place des conditions devant permettre d’assurer la tenue d’une élection libre et transparente. Ils disent craindre, si rien n’est changé, la manipulation des résultats et le tripatouillage des urnes par le parti au pouvoir et ses alliés. L’ancien Premier ministre et ex-maire de Libreville, Jean-François Ntoutoume Emane, qui a quitté le Parti démocratique gabonais (PDG, au pouvoir) au mois d’octobre 2015, a invité également ses partisans le 22 janvier dernier, lors d’une causerie politique à Libreville, à rejoindre le camp de ceux qui réclament la dissolution et la recomposition des institutions chargées d’organiser les élections au Gabon. « Pour avoir travaillé avec le régime en place pendant plus de 40 ans, je vous assure qu’il ne sert à rien d’aller aux urnes dans les conditions actuelles. J’invite les leaders de l’opposition à taire leur ego et à exiger unanimement la mise à plat des institutions avant la tenue de la présidentielle. Prenons nos responsabilités devant l’histoire et ne trahissons plus le peuple qui aspire au changement », a lancé l’ancien maire de Libreville, devant des centaines de partisans.

Le camp des alliances et du travail de terrain
D’autres leaders de l’opposition gabonaise, à l’exemple de Jean Ping, semblent avoir opté depuis plusieurs mois pour une autre stratégie : occuper le terrain et rallier un maximum de personnalités politiques et d’électeurs à sa cause. Ainsi l’ancien président de la Commission de l’Union africaine a fait le tour du Gabon, pour écouter et partager ses ambitions politiques avec ses compatriotes. Il suit sa trajectoire et a, en ligne de mire, le fauteuil présidentiel. En quelques mois, il a mis dans son escarcelle de nombreux opposants dont l’ex-premier ministre d’Omar Bongo Ondimba, Jean Eyeghé Ndong, l’ancien ministre, René Ndemezo Obiang , les opposants Pierre Amoughé Mba, Albert Ya Ngari, Alphonse Louma et de nombreux cadres de la société civile. Dix-sept signataires de la charte du Front de l’opposition pour l’alternance, parmi les vingt-sept lui ont déjà fait allégeance. Petit à petit, le natif d’Omboué creuse son sillon, malgré les attaques de ses pairs de l’opposition et les écueils de la majorité présidentielle. Selon de nombreux analystes, il est pour l’instant le seul cadre de l’opposition capable de torpiller les chances d’une nouvelle élection d’Ali Bongo Ondimba.

Les signes de la division
« Je ne peux pas soutenir la candidature de Jean Ping. Je suis moi-même candidat à la présidentielle, avec ou sans le soutien de mes pairs de l’opposition », avait déclaré récemment à Libreville l’opposant Pierre Claver Maganga Moussavou, maire de Mouila, annonçant officiellement à la presse sa candidature à la future présidentielle. Le président en exercice du Front de l’opposition pour l’alternance, le professeur Pierre-André Kombila, n’est pas prêt non plus à laisser Jean Ping jouer les premiers rôles au sein de l’opposition. Tout comme le président de l’Union nationale (UN), Zacharie Myboto ou Dieudonné Minlama du CNI ainsi que Moussavou King, qui affichent de réelles ambitions présidentielles. L’ancien ministre Fréderic Massavala, qui a quitté le parti au pouvoir le 15 janvier 2016, a refusé également de cautionner la candidature de Jean Ping et a invité les leaders de l’opposition à procéder sans délai et démocratiquement au choix d’un porte-étendard dans la perspective de la future présidentielle.

L’hypothèse mal embarquée d’une candidature unique de l’opposition
La probabilité d’une candidature unique de l’opposition, qui devrait fédérer toutes les forces hostiles à Ali Bongo Ondimba, est donc très faible. Les leaders de l’opposition pourraient donc, comme par le passé, participer au prochain scrutin présidentiel en rangs dispersés. Cela ne manquera pas d’ouvrir un large boulevard au parti au pouvoir pourtant fragilisé par les dissensions internes et les démissions en cascade. Jean Ping, Zacharie Myboto, Jean Eyeghé Ndong, Louis Gaston Mayila, Moukagni Iwangou, Pierre Claver Maganga Moussavou et leurs pairs de l’opposition, en raison des positionnements personnels, vont-ils à nouveau faire le lit d’une nouvelle défaite à la présidentielle prochaine ?

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