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Élection présidentielle au Gabon: Les enjeux d’une lutte familiale

ÉLECTION – Qui de la veille garde, construite sous le magistère d’Omar Bongo ou du renouveau dont le président sortant se veut l’incarnation, sera porté au pouvoir au Gabon? Difficile de prédire les résultats des urnes tant le rapport de force entre les principaux favoris à l’élection présidentielle gabonaise semble équilibré et les résultats incertains.

Ceux qui agitaient le spectre des violences post-électorales de 2009 ont été contredits. C’est dans le calme que les quelques 628.124 électeurs gabonais se sont rendus aux urnes, ce samedi 25 août, pour choisir le prochain locataire du palais du bord de mer. Dix candidats sont en lice pour occuper le fauteuil présidentiel pour les sept prochaines années, lors d’un scrutin à tour unique.

Le dépouillement des résultats devra confirmer la perpétuation de la dynastie Bongo ou les débuts d’une nouvelle classe dirigeante dans un pays d’un peu plus de 1,8 million d’habitants, affecté par l’effondrement des cours du pétrole ces dernières années qui a mis à mal la capacité d’investissement.

Ali Bongo mise sur un changement dans la continuité

Deux favoris principaux devront être départagés par le verdict des urnes. D’un côté, il y a ABO, né Alain-Bernard Bongo il y a 57 ans, devenu par une conversion de la famille à l’islam, Ali Bongo Ondimba (ABO). Candidat à sa propre succession, le président sortant brigue un second mandat à la tête de la “pétro-république“ d’Afrique centrale. Il a succédé, lors d’une présidentielle controversée en 2009, à son père Omar Bongo, mort après un règne de 41 ans.

Difficile pour l’aîné de la fratrie des 56 héritiers d’Omar Bongo de se départir de l’image du “fils de son père“. Et pourtant, dès son arrivée au pouvoir, ABO s’engage dans la réforme de la gouvernance qu’il veut différente du patriarche, marquée par la gabegie, les privilèges et les prébendes. Baby Zeus comme on surnommait avant son accession à la présidence veut mettre en avant une méritocratie et réduire les inégalités. Mais son projet social se heurte à une farouche opposition des caciques de l’ancien régime, mise sur la touche à la faveur d’une réforme dont le président-candidat avait fait un vœu pieux.

C’est sur cette vague de réforme que le candidat Ali surfe aujourd’hui en sillonnant le pays lors de la campagne électorale avec son slogan “Changeons ensemble“. Une semaine avant le scrutin, le président a présenté son bilan dans un document de 132 pages « Plan stratégique Gabon émergent (PSGE) » avec pour sous-titre un “panorama des réalisations 2009-2016“. Le président sortant y dresse un bilan critique son premier septennat avec des réalisations notamment dans le domaine des infrastructures.

Un exercice de transparence dans lequel le président pointe, avant même d’être attaqué là dessus, les insuffisances de ses réalisations. Sous son septennat, Ali Bongo n’a pas réussi à stabiliser le taux de croissance très dépendant des revenus du pétrole, encore moins le pouvoir d’achat des moins de 2 millions de Gabonais. Si la dette publique a plus que doublé, le président est aussi très en retard sur le volet du logement social où les constructions ne s’accélèrent pas.

Impavide face aux attaques d’une opposition bien décidée à l’éjecter du fauteuil, ce ne sont ni les anicroches de ses adversaires politiques, ni les rumeurs les plus persistantes sur sa filiation, ni même la contestation de sa légitimité qui ont entamé la détermination d’ABO à reprendre les rênes du pays pour, croit-il, parachever l’émergence et le changement de paradigme promis au Gabonais.

Un remake de « Dallas » se joue à Libreville

L’enjeu de cette élection présidentielle, c’est aussi de connaître le résultat de la lutte d’une saga familiale digne de la série américaine “Dallas“. Sur la route qu’il s’est tracé vers la présidence, Ali Bongo devra affronter son principal rival, Jean Ping.

Ce métisse de 73 ans, né d’un père chinois installé dans le pays depuis les années 20 et d’une mère gabonaise, connaît bien les arcanes du pouvoir pour avoir été un homme du sérail du régime de Bongo père. Plusieurs fois ministre notamment aux Affaires étrangères et aux Finances, Jean Ping s’est introduit au cœur de la dynastie Bongo qu’il a infiltrée en cultivant des accointances familiales. Il a longtemps été le compagnon de Pascaline Bongo Ondimba, la sœur d’Ali Bongo, avec qui il a eu deux enfants.

Président de la commission de l’union africaine à l’heure où son beau-frère s’installait sur le fauteuil présidentiel, Jean Ping entre en conflit avec le frère de sa compagne après avoir échoué à se faire réélire à ce poste. C’est en effet par les journaux que Jean Ping apprend que sa candidature à la commission de l’organisation panafricaine ne sera pas soutenue par son pays. Il claque alors la porte du Parti démocratique gabonais (PDG) au pouvoir, et rejoint l’opposition sous les protestations de son ex-compagne qui aura tenté en vain de le dissuader.

Mais l’homme jette toutes ses forces dans ce qui sera peut-être sa dernière bataille. Il sillonne le pays et rallie à sa cause des ténors de l’ancien régime, notamment Guy Nzouba Ndama, président de l’Assemblée nationale pendant 19 ans et l’ancien premier ministre Casimir Oyé Mba. Le jeu des alliances d’avant élection ont offert à Jean Ping le soutien d’un cousin du président sortant, Léon-Paul Ngoulakia mais aussi, à la dernière minute, celui du candidat indépendant Roland Désiré Aba’a Minko.

Alternance politique ou front anti Ali Bongo dirigé par un septuagénaire qui se sent mis à l’écart? En tout cas, Jean Ping prend la tête d’une coalition d’anciens caciques du régime rééquilibrant le rapport de force qui plaçait le président sortant en pôle position dans la course à l’investiture. Une rivalité entre les deux frères, devenus, enjeu politique aidant, de véritables frères ennemis.

Il faut dire que la campagne s’est déroulée dans une ambiance acrimonieuse avec des invectives émanant des deux camps. Jean Ping s’est fait le comptable d’un système qu’il a lui-même contribué à mettre en place. A ce titre, les communicants du palais n’oublient pas de lui rappeler ses casseroles comme cette sombre affaire de rétrocommissions pour l’attribution de marchés d’infrastructures à une entreprise chinoise dans laquelle son fils est impliqué.

Pas d’incident majeur

L’annonce des résultats finaux est attendue au plus tard mardi 30 août, mais d’ores et déjà les deux camps se disent confiants quant à leur victoire. Les procès-verbaux des bureaux de votes devront être acheminés sous escorte militaire vers les commissions régionales avant d’être livrés à la Commission électorale nationale autonome et permanente gabonaise (Cenap) qui annoncera le candidat vainqueur. Les 1.000 observateurs étrangers et la centaine de journalistes n’ont relevé aucun incident majeur dans le déroulement du scrutin. Pourtant Alain-Claude Nze, le porte-parole d’Ali Bongo dénonce des tentatives de fraudes massives mais aussi les intimidations des partisans du camp présidentiel.

Toujours est-il que l’issue de la présidentielle pose les enjeux d’une lutte familiale tout autant que ceux d’un clash de générations. Les résultats attendus à partir de ce lundi 29 août devraient définitivement sceller le sort de la dynastie Bongo ou la conforter dans un changement dans la continuité. En attendant, les résultats finaux qui seront annoncés par Commission électorale nationale autonome et permanente gabonaise (Cenap) vont être scrutés à la loupe par les Gabonais qui attendent de savoir le prochain occupant du Palais du bord de mer à Libreville.

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