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Le Gabon sous tensions après la victoire étriquée d’Ali Bongo

Des échauffourées ont éclaté à Libreville, mercredi soir, après la contestation des résultats par Jean Ping, le rival du chef de l’État. Il exige la publication des résultats bureau de vote par bureau de vote. Une demande soutenue par l’Union européenne et la France.

L’attente a pris fin au Gabon et la colère s’est libérée. Sans surprise, la Commission électorale nationale (Cénap) a annoncé, mercredi en fin d’après-midi, la victoire du président sortant Ali Bongo. Une victoire étroite, avec 49,80 % contre 48,23 % pour son rival Jean Ping. Sans surprise non plus, les partisans de Jean Ping ont immédiatement contesté ces chiffres, dénoncé une fraude et proclamé leur triomphe. Signe des tensions à venir, le vice-président de la Cénap et représentant de l’opposition dans cet organisme paritaire a démissionné, affirmant que l’élection avait été «volée».

À la nuit tombante sur Libreville, la capitale, les partisans de Jean Ping ont pris les rues, défiant l’imposant dispositif des forces de l’ordre, hurlant «Ali doit partir». La police, la gendarmerie et des parachutistes, appuyés par des petits blindés et des canons à eau, quadrillaient la ville. Mais des échauffourées ont éclaté malgré tout, et la ville a sombré dans la confusion. Selon l’AFP, l’Assemblée nationale a été attaquée. Le Palais Léon Mba, situé sur le boulevard Triomphal, le cœur de la capitale, serait atteint et des témoins signalaient une épaisse fumée alors que des hélicoptères militaires tournaient sans cesse dans le ciel.

Mercredi, les autorités gabonaises ont déployé un important dispositif de sécurité à Libreville.

Dès l’annonce des premiers chiffres, un début de manifestation, partie du QG de Jean Ping dans le quartier de Charbonnage, a été rapidement réprimé en fin d’après-midi à coups de gaz lacrymogène. Dans les hauts de la ville, les quartiers populaires, de petites barricades se sont vite mises en place. C’est dans ces lieux déshérités où les oubliés du système Bongo se concentrent que la colère est la plus vive. Ils n’ont rien glané des 42 ans de règne d’Omar Bongo, puis du premier septennat de son fils, Ali. En 2009, lors de la première victoire d’Ali, les violences avaient été extrêmes dans ces ruelles sales, comme à Port-Gentil. «Les heures qui viennent vont être capitales», analysait mercredi un diplomate européen. La situation est d’autant plus tendue que le résultat est furieusement serré, et que la campagne électorale, délétère et méchante, a chauffé à blanc des esprits qui n’en avaient pas besoin. Ali Bongo n’a officiellement qu’à peine plus de 5.500 voix d’avance sur quelque 627.000 électeurs inscrits, une source immense de contestation, de frustrations et de fureur pour envenimer la situation. «C’est le plus mauvais des scénarios. Aucune élection n’est parfaite ; nulle part. Il est évident qu’avec des résultats aussi serrés, chacun pourra contester sans mal le résultat et avec raison. Nous sommes dans une phase très dangereuse», se lamente le diplomate.

« Il n’y a plus qu’à prier pour le Gabon. Nous sommes sortis de la politique pour entrer dans autre chose. Maintenant, il faut craindre des pertes en vie humaine. »

Il est vrai que pour le clan présidentiel l’étroitesse de la victoire est gênante. Certes, on se dit «serein». «Nous sommes satisfaits. Tout est fait dans les règles. Le reste, c’est une polémique artificielle montée par l’opposition qui sait qu’elle a perdu et qui a tenté de manipuler le résultat», souligne Alain Claude Bilie By Nzé, le porte-parole d’Ali Bongo. De son côté, Jean Gaspard Ntoutoume, le porte-parole de Jean Ping, s’avoue «navré»: «Il n’y a plus qu’à prier pour le Gabon. Nous sommes sortis de la politique pour entrer dans autre chose. Maintenant, il faut craindre des pertes en vie humaine.»

La colère se concentre sur la province du Haut-Ogooué, fief d’Ali Bongo, qui a officiellement voté à 95 % pour lui avec plus de 99 % de participation quand ailleurs elle ne dépasse pas 60 %. Sur 71 000 électeurs inscrits, une grosse cinquantaine seulement ne se seraient pas prononcés. «C’est ridicule. Ces chiffres sont tombés en dernier pour permettre à M. Ali de combler son retard. C’est de là que se tient la fraude», accuse René Ndemezo Obiang, le directeur de campagne de Jean Ping.

Ces chiffres, aussi écrasants qu’étranges, qui ressemblent fort à un passage en force, ont semé le trouble jusqu’au sein du PDG (Parti démocratique gabonais), le parti au pouvoir. Son secrétaire général a ainsi appelé mercredi à la «transparence», une déclaration peu commune.

Dans la soirée, se sentant en force, Jean Ping a exigé une fois encore, pour «la sérénité» du pays, la publication des résultats bureau de vote par bureau de vote. Une demande soutenue par l’Union européenne au nom également de la transparence, tout comme par la France.

Le camp présidentiel s’y refusait mercredi. «L’UE n’a pas à imposer ses lois au Gabon. Ce n’est dans les textes», s’agace Arnaud Engandji, conseiller spécial d’Ali Bongo.

Mais pour le gouvernement et Ali Bongo, il semble délicat de rester insensible à ces pressions. On tente donc, par-delà de la fermeté affichée, d’apaiser les choses et de faire des gestes d’ouverture. «Il faut féliciter Jean Ping pour sa campagne. Son résultat est bon et il faudra en tenir compte», glissait ainsi Claude Bilie By Nzé.

Peu probable cependant que ce que cela suffise à convaincre l’opposition de baisser pavillon. «Nous avons gagné. Nous n’avons pas l’intention de lâcher maintenant», rétorquait un proche de Jean Ping.

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