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Violences post-électorales au Gabon: un millier d’arrestations en une journée

L’annonce mercredi 31 août de la réélection d’Ali Bongo a provoqué des violences presque immédiates. Le centre de Libreville était toujours quadrillé par les forces de l’ordre, dans la nuit du 1er au 2 septembre, notamment aux abords de l’Assemblée nationale, incendiée ce mercredi, mais également au QG de Jean Ping, dont les locaux ont été violemment pris d’assaut tôt ce jeudi matin. Et dans l’après-midi, des violences ont de nouveau éclaté à Libreville et dans plusieurs localité du pays.

Ce qu’il faut savoir :

► Au lendemain de la réélection contestée d’Ali Bongo Ondimba avec 49,80 % des voix, plusieurs émeutes et pillages ont éclaté dans la capitale du Gabon, Libreville. L’Assemblée nationale a également été incendiée. Dans la nuit de mercredi à jeudi, le QG de Jean Ping a été pris d’assaut par les forces de sécurité.

► Selon les dernières informations officielles (ministre de l’Intérieur gabonais), trois personnes sont décédées depuis mercredi soir.

► L’opposition gabonaise affirme que six de ses leaders ont été arrêtés, dont René Ndemezo’o Obiang, directeur de campagne de Jean Ping. Elle appelle ses partisans à manifester en fin de journée.

► Internet et les réseaux sociaux fonctionnent difficilement. Depuis le 28 août, la capacité de la bande passante a été réduite. Par ailleurs, près d’un millier d’interpellations ont eu lieu dans le pays depuis mercredi soir, selon les autorités.

Un millier d’interpellations en moins de 24h

L’assaut des forces de sécurité contre le QG de Jean Ping a fait deux morts : le premier est décédé dans la nuit, son corps a été emmené dans une ambulance ; la dépouille du second défunt est restée sur place jusqu’à 14h avant d’être enlevée par une société de pompes funèbres.

Par ailleurs, des centaines d’arrestations ont eu lieu tout au long de la journée. « Sur Libreville, il y a eu entre 600 et 800 interpellations, et 200 à 300 sur le reste du pays », a déclaré le ministre gabonais de l’Intérieur, Pacôme Moubelet-Boubeya, lors d’une brève conférence de presse tenue jeudi à l’issue de l’allocution du président Ali Bongo au palais présidentiel.

« Nous déplorons la mort de trois personnes, dont les identités seront données rapidement quand elles seront établies », a ajouté le ministre.
arrestations
De son côté, Jean Ping a rendu publique la liste de noms des personnes arrêtées (lire ci-dessus) la nuit dernière à son QG. Y figurent un certain nombre de hauts responsables de la campagne et de l’entourage du candidat.

Enfin, les informations concernant le blocage des connexions internet restent parcellaires. Il est cependant certain que des milliers de Gabonais n’ont plus accès aux réseaux sociaux ce 1er septembre. Dans ce genre de situation, la coupure brutale de l’accès au web par des pouvoirs contestés n’est pas une première.

■ Une vingtaine de personnalités retenues au QG de Jean Ping

Après l’assaut des forces de sécurité sur le quartier général de Jean Ping, tôt ce jeudi matin, 26 personnes étaient toujours dans l’enceinte du bâtiment dans la soirée, retenues par les gendarmes et les forces de défense.

Parmi ces personnes, des collaborateurs de Jean Ping et des personnalités politiques. Notamment l’ancien vice-président gabonais Didjob Divungi Di Ndinge, le directeur de campagne de Jean Ping René Ndemezo’o Obiang, ou encore le président du parti Union nationale Zacharie Myboto.

Zacharie Myboto a affirmé que lui et les 25 autres personnes « étaient séquestrées depuis 6h du matin » et qu’ils n’avaient reçu ni nourriture, ni médicament. Il a également indiqué que personne ne voulait passer une nouvelle nuit dans le quartier général de Jean Ping, dévasté lors de l’assaut des forces de sécurité.

Ces 26 personnes disent avoir parlé avec les gendarmes qui leur auraient annoncé un transfert vers la gendarmerie de Gros-Bouquet pour être entendues, mais pour l’instant elles n’ont aucune nouvelle de cet éventuel transfert. De son côté, le ministre gabonais de l’Intérieur restait pour l’heure injoignable.

■ 15h30 (à Libreville) : Ali Bongo s’exprime

« La démocratie s’accorde mal des succès autoproclamés, des groupuscules formés à la destruction. La démocratie s’accommode mal de la prise d’assaut d’un parlement et de la télévision nationale », a déclaré le président du Gabon Ali Bongo, lors d’une courte déclaration à la presse au palais présidentiel.

Un peu plus tard, Jean Ping a réitéré ses propos sur la télévision française BFMTV : « La seule solution c’est qu’il reconnaisse sa défaite parce qu’il sait qu’il a été battu. » A la question de savoir si le dépôt d’un recours devant la Cour constitutionnelle pouvait permettre d’éviter le chaos, il a répondu : « La Cour constitutionnelle, tout comme la Cénap (la commission électorale), sont des instruments aux mains du pouvoir, ça ne change rien (…) Ils disent ce que le pouvoir leur dit de dire. »

Jeudi en début de soirée, c’est donc le statu quo le plus total au Gabon.

De son côté, le président Hollande, qui exprime « sa profonde inquiétude » appelle à « l’apaisement » et à « la transparence » (lire les réactions de la communauté internationale).

L’intervention de la garde républicaine au QG de Jean Ping

Vers minuit, la garde républicaine est intervenue, appuyée par des hélicoptères. Des soldats ont fait tomber la barrière qui entoure le QG de Jean Ping, et sont entrés dans l’enceinte du bâtiment. Les bérets verts ont tiré à balle réelle sur les nombreux partisans de l’opposition qui étaient rassemblés. Une partie d’entre eux avaient participé aux manifestations pour contester le résultat de la présidentielle quelques heures plus tôt.

Contacté par RFI, un membre de la Commission électorale (Cenap), qui se cachait à l’intérieur, a décrit les assaillants : des militaires tirant à l’arme lourde. Il parlait de M-16, de Famas. Jointe par téléphone, une militante cachée quelque part dans le QG murmurait que les soldats étaient entrés à l’intérieur du bâtiment et disait avoir vu des victimes avant que la ligne ne coupe.

A ce moment-là, les blessés ont dû se contenter de soins rudimentaires.

■ Les forces de l’ordre lancent l’assaut

On a passé toute la nuit à se cacher, on était à l’intérieur du QG
Jean-Didier présent au QG de Jean Ping au moment de l’assaut

Vers 6 h, les forces de l’ordre ont donné l’assaut. Jean-Didier, un témoin interrogé à l’hôpital par notre envoyé spécial, raconte : « Ils sont venus, peut-être à trois, quatre contingents. C’est d’abord la gendarmerie, ensuite la GR a contourné pour nous encercler. On a passé toute la nuit à se cacher ! On était à l’intérieur du QG.
Ils sont rentrés avec force. Ils ont cassé toutes les portes ! » Les occupants ont tenté de rester cachés mais les forces de l’ordre ont fini par les déloger.

Tous ceux qui se trouvaient à l’intérieur du bâtiment ont été sortis, un par un. « Ils nous ont repérés à 5h30-6 h, par là… Ils nous ont fait sortir de force. Il y a des gens qui sont blessés », poursuit Jean-Didier.

La plupart d’entre eux ont été mis à genou et contraints à décliner leur identité.

Les leaders politiques ont ensuite été installés sur des chaises. Selon François Ondo Edou, vice-président du parti d’opposition Union nationale, René Ndemezo Obiang, directeur de campagne de Jean Ping, Paul-Marie Gondjout, commissaire de la Commission électorale qui avait claqué la porte la veille, et Zacharie Myboto, président de l’Union nationale, auraient été emmenés par les forces de l’ordre. Plusieurs témoins qui se trouvaient sur place confirment cette information.

Ali Bongo doit s’exprimer et l’opposition appelle à manifester

Alors que le chef de la police annonce l’arrestation de 200 pillards, l’opposition gabonaise affirme que six de ses leaders ont été arrêtés. Il s’agit de René Ndemezo’o Obiang, directeur de campagne de Jean Ping, Paul-Marie Gondjout, commissaire de la Cenap et sa femme Michèle Myboto, Zacharie Myboto, président de l’Union nationale, Didjob Divungi Di Ndinge, ex-vice-président du Gabon, et Alexandre Barro Chambrier, président du Rassemblement Héritage et Modernité.

Ailleurs dans la capitale ce jeudi matin, les rues étaient quasiment désertes. Même chose à Port-Gentil, la deuxième ville du pays. Il y a peu de monde dans les rues, mis à part les forces de l’ordre. Peu de circulation et les commerces sont fermés, rapporte notre envoyé spécial. L’opposition a appelé à manifester en fin de journée et la presse a été conviée à une allocution imminente d’Ali Bongo.

Les réactions à l’assaut de la nuit du gouvernement et de Jean Ping

« Aux environs d’1 h du matin, le QG a été bombardé par hélicoptère et cerné au sol par des troupes de la garde présidentielle, de la police et des mercenaires », a expliqué Jean Ping, joint au téléphone par RFI cette nuit. « Ce scénario se répète depuis cinquante ans. L’opposition gagne toujours les élections, mais n’accède jamais au pouvoir par les mêmes procédés, les mêmes procédés qui sont utilisés par un clan depuis cinquante ans et qui confisque le pouvoir. Vous savez que le pouvoir au Gabon, depuis cinquante ans, est entre les mains d’une famille et d’un clan. Et c’est un remake permanent », poursuit Jean Ping.

Informé de cet assaut, le candidat de l’opposition, qui assurait se cacher quelque part en lieu sûr, déclarait un peu plus tôt dans la nuit : « C’est de la folie. Une folie meurtrière venue de quelqu’un qui veut s’accrocher au pouvoir par tous les moyens. » Il parlait bien sûr du président Ali Bongo réélu à la tête du pays.

De son côté, le porte-parole de la présidence gabonaise assurait cette nuit que l’assaut du QG de Jean Ping visait « des criminels » qui avaient incendié l’Assemblée nationale. « Des personnes armées qui ont incendié le siège de l’Assemblée nationale se sont repliées au QG de Jean Ping en même temps que des centaines de pilleurs et de casseurs (…) Il ne s’agit pas de manifestants politiques mais de criminels », a déclaré à l’AFP Alain-Claude Bilie-By-Nze, porte-parole d’Ali Bongo.

Publié le 01-09-2016 Modifié le 02-09-2016 à 01:59

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