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Recours déposé par Jean Ping au Gabon: les risques et les avantages

L’opposant Jean Ping a déposé jeudi 8 septembre un recours devant la Cour constitutionnelle du Gabon. Huit jours après la proclamation des résultats de la présidentielle, l’opposition conteste toujours la réélection annoncée d’Ali Bongo et notamment les résultats dans la province du Haut-Ogooué, où le chef de l’Etat sortant est crédité de plus de 95 % des voix avec une participation proche de 100 %. Une décision qui a été difficile à prendre.

Depuis plusieurs jours, la décision de saisir la Cour constitutionnelle a provoqué des débats au sein de la coalition. Il faut savoir que l’institution est décriée par l’opposition. De nombreux militants la jugent « inféodée à la présidence ». Elle est même surnommée « la Tour de Pise » car, dit-on, elle pencherait toujours du même côté, celui du pouvoir.

Les neuf juges sont nommés par le président du Sénat, par celui de l’Assemblée et par le chef de l’Etat lui-même. La présidente de la Cour, Marie-Madeleine Mborantsuo, est la belle-mère du chef de l’Etat. D’où ce problème de confiance.

D’un point de vue purement politique, l’opposition sait qu’en faisant ce choix, elle prend des risques. Si la Cour la déboute et confirme la victoire d’Ali Bongo, l’opposition pourrait se retrouver comme « liée » par cette décision de la plus haute instance juridique du pays et la base risque alors de lui reprocher sa naïveté.

« On sait d’avance qu’y aller c’est se condamner, mais si on n’y va pas, on va nous reprocher d’être des va-t-en-guerre », soulignait mercredi l’un des leaders de l’opposition. « Voilà pourquoi nous continuons à demander un recompte des voix bureau de vote par bureau de vote pour la province du Haut-Ogooué en présence des observateurs internationaux et en présence des représentants des candidats afin que les procès-verbaux de résultats soient confrontés et authentifiés avant d’être comptabilisés ».

C’est d’ailleurs ce que demande Jean Ping dans sa requête. « Une requête en reformation qui permet à une autorité supérieure de faire disparaître une décision prise par une autorité inférieure tout en lui substituant sa propre décision », peut-on lire dans le communiqué qui a été publié jeudi soir.

Les raisons du recours

Déposer ces recours, cela a deux principaux avantages : d’abord un refus aurait été difficile à justifier auprès de la communauté internationale, qui demande à ce qu’on utilise les voies légales de recours. « Nous ne pouvons pas prendre le risque de ne pas être compris, surtout à l’extérieur », affirmait mercredi un proche de Jean Ping qui expliquait : « Nous savons bien qu’en France, en Allemagne ou aux Etats-Unis, épuiser les voies de recours, c’est quelque chose de naturel ».

Deuxième argument qui a sans doute fait pencher la balance : la Cour dispose d’un délai de 15 jours pour vider le contentieux et proclamer les résultats définitifs. Cela donne un délai aux médiations… Une chance à la négociation et l’opposition espère « que la pression internationale pourra se faire » pour un examen équitable des recours.

Une mission de l’UA reportée

Une mission de haut niveau de l’Union africaine conduite par Idriss Déby était annoncée jeudi à Libreville. Elle a été reportée sine die selon le ministre gabonais des Affaires étrangères, qui l’a annoncé jeudi après-midi lors d’une conférence de presse. Raison invoquée : des questions d’agenda des chefs d’Etat.

Le Nigérien Issoufou, le Congolais Sassou-Nguesso, l’équato-guinéen Obiang Nguéma et peut-être le Sénégalais Macky Sall devaient accompagner Idriss Déby, tout comme les présidents du Kenya et de Namibie. Selon une source diplomatique, le mandat de la mission a également posé des problèmes : simple mission d’apaisement ou véritable médiation ? La question n’était pas tranchée. D’où peut-être aussi ce report sine die.

Comme l’analyse un diplomate de la région, Idriss Déby attendait un message fort d’acceptation de sa mission. L’assurance que l’opposition utiliserait les voies de recours légales mais surtout que les deux parties, pouvoir et opposition, seraient prêtes à dialoguer, qu’il y ait véritablement besoin d’un facilitateur. Ce signal visiblement n’est pas encore arrivé.

Restent à Libreville le Mauritanien Ahmedou Ould Abdallah, représentant de l’organisation de la Francophonie, Abdoulaye Bathily, le représentant de Ban Ki-moon en Afrique centrale et le diplomate algérien Smaïl Chergui, commissaire paix et sécurité de l’Union africaine, qui promet que la venue des chefs d’Etats est toujours à l’ordre du jour, simplement reportée et non pas enterée. Ces trois hommes vont-ils jouer un rôle en vue d’une solution politique ? Le peuvent-ils ? La question restait entière jeudi soir.

Publié le 08-09-2016 Modifié le 09-09-2016 à 00:24

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