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Gabon: ministre de la Justice, pas de la Justesse

Voilà ce qu’on appelle des débuts fracassants. Nommée dans l’urgence au lendemain de la démission de Séraphin Moundounga, la nouvelle ministre de la Justice et des Droits humains du Gabon a donné lecture hier à Libreville d’un communiqué ubuesque, généreusement diffusé par les autorités. Lequel communiqué mérite à l’évidence une séance de décryptage. Le préambule hésite entre la grandiloquence et la maladresse. « Le président Ali Bongo, martèle Denise Mekam’ne, a confirmé il y a quelques jours une décision lourde, forte, celle d’engager pleinement le pays dans ce qu’il appelle ‘le processus exigeant de la démocratie’ ». Comment, déjà ? Après un septennat de pouvoir sans partage ? Tout vient à point à qui sait attendre…

Passons, car le pire est à venir. Celle qui fut tour à tour -prenez votre élan- ministre de Communication, des Relations avec les institutions constitutionnelles et porte-parole du gouvernement, puis titulaire du portefeuille de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, claironne ensuite ceci : « Le Gabon demande instamment à la Procureure près la Cour pénale internationale d’ouvrir une enquête et d’envoyer dans les plus brefs délais des enquêteurs sur place. » « Ceux-ci, poursuit la Garde des Sceaux, auront pour mission de constater les crimes déjà commis et de prévenir dans un proche avenir la survenance d’actes de déstabilisation du pays et de recours à la violence. » A en croire Mme Mekam’ne, les partisans de Jean Ping -et aux seuls- se sont rendus coupables lors de la flambée de violence du 31 août de « crimes contre l’humanité ». De même, ils auraient proféré des « propos incitant à la commission de crimes de génocide ».

Bien, par où commencer ? Un, il ne revient pas, sauf erreur, à Libreville de fixer le calendrier ni de définir le mandat de la CPI de La Haye. Deux, si la Gambienne Fatou Bensouda, patronne du tribunal planétaire, décide de dépêcher ses limiers au Gabon, tout porte à croire que le régime en place aurait bien vite à s’en mordre les doigts. Certes, le noyau dur des « anti-Ali » et les pillards que charrie par effet d’aubaine tout chaos ont commis des actes intolérables; reste que la brutalité des forces de l’ordre, notamment lors de l’assaut sur le QG de Jean Ping, pourrait bien conduire plus d’un caïd du pouvoir jusqu’au centre pénitentiaire de Scheveningen. Trois, cette charge apparaît comme un contrefeu malhabile à la requête adressée à la même CPI par les avocats du camp Ping. Tous les stratèges du ballon rond le savent : la meilleure défense, c’est l’attaque. Soit, mais de là à laisser ses cages ainsi dégarnies…

A propos de robes noires à jabot, la ministre de la Justice tient à préciser que l’Etat gabonais a fait appel à un collectif d’avocats, dont trois Français -Patrick Klugman, Ivan Terel et Christophe Ingrain-, étrangers aux « dérives de ce que l’on nomme la ‘françafrique’ ». Allusion transparente à l’engagement de Me Robert Bourgi aux côtés du challenger et ex-beau-frère d’Ali. L’ennui, c’est que ledit Bourgi, jadis porte-coton empressé de Bongo Père, adouba publiquement Bongo Fils au nom de la Sarkozye lors du scrutin pour le moins douteux de l’été 2009.

Une certitude : peu après avoir hérité d’un maroquin brûlant, la très fidèle Denise Mekam’ne a ainsi donné les gages de loyauté attendus d’elle. Et peut-être un peu plus. Donc beaucoup trop.

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