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Défaite de Yahya Jammeh: la fin du règne de la peur en Gambie

En Gambie, Yahya Jammeh a reconnu ce vendredi 2 décembre sa défaite à l’élection présidentielle et félicité l’opposant Adama Barrow, crédité de 45,5% des voix, contre 36,6% pour le président sortant.

L’annonce a fait l’effet d’un coup de tonnerre. Beaucoup pourtant donnaient le résultat de cette élection joué d’avance. Yahya Jammeh lui-même s’était dit certain de sa victoire. « Ce sera le plus grand raz-de-marée de l’histoire de mes élections », avait-il lancé jeudi, après avoir voté.

Le président gambien avait probablement sous-estimé le ras-le-bol général qui avait fini par gagner ses concitoyens. Car la Gambie va mal. L’économie tourne au ralenti. Depuis trois ans, la situation s’est dégradée. Les sanctions contre Yahya Jammeh et les critiques, notamment américaines, ont isolé un peu plus l’ex-président. La fermeture des frontières avec le Sénégal en début d’année n’a rien arrangé.

« L’effritement du régime de Jammeh a probablement commencé quand la présidence a été attaquée en décembre 2014 », estime Abdoulaye Saine, professeur à l’université de Miami et auteur de plusieurs ouvrages sur l’histoire de la Gambie. Alors qu’ils craignaient auparavant Yahya Jammeh à cause de ses méthodes répressives, les Gambiens ont peu à peu commencé à faire entendre leur voix. Jusqu’à provoquer sa chute.

Jammeh, celui dont on n’osait plus prononcer plus le nom

La victoire de l’opposant Adama Barrow met ainsi fin à 22 ans de règne sans partage, débuté en juillet 1994 par un coup d’Etat. Elu en 1996, Yahya Jammeh avait ensuite été largement réélu tous les cinq ans. Il soignait son image et sa stature. Il portait un boubou blanc immaculé, des colliers autour du cou et tenait à la main Coran et chapelet. Son nom, aussi, s’était allongé de titres honorifiques tout au long de ses années de pouvoir. « Son Excellence Cheikh Professeur El Hadj Docteur » était devenu il y a quelques années « Babili Mansa », « le roi qui défie les rivières ».

Il avait également marqué l’actualité africaine par des sorties spectaculaires. La plus marquante reste celle concernant le sida. Yahya Jammeh avait prétendu qu’il était capable de traiter le VIH à base d’herbes médicinales.

Il était devenu celui dont on ne prononçait même plus le nom. Il gouvernait grâce à la peur, un sentiment instillé petit à petit à coup de provocations, d’arrestations et de menaces contre toute voix un tant soit peu dissonante. « On avait même peur de son frère ou de son cousin parce qu’on ne savait pas si c’était un agent secret », raconte la Sénégalo-Gambienne Aisha Dabo, journaliste, blogueuse et membre du réseau Afriktivistes. Un numéro vert avait été mis en place pour signaler tout comportement suspect.

La peur régnait même à la présidence. Yahya Jammeh se méfiait de tout le monde. Le président paranoïaque dirigeait dans la crainte d’un coup d’Etat contre lui. Ses ministres ne restaient jamais très longtemps en poste, pas plus que les officiers de l’armée.

Acharnement contre les médias

Tour à tour, les défenseurs des droits de l’homme, les homosexuels, la communauté internationale ont été les boucs émissaires de ce régime autoritaire. Les journalistes ont également fait les frais d’un véritable acharnement. Yahya Jammeh a fait passer plusieurs lois qui ont restreint considérablement le périmètre des médias. On lui attribue également l’assassinat du journaliste Deida Hydara, abattu en décembre 2004 à Banjul dans des circonstances qui n’ont toujours pas été élucidées. Et ça n’était pas allé en s’arrangeant.

Cléa Kahn Sriber, responsable Afrique de Reporters sans frontières, décrit ainsi un pays où les journalistes vivent dans un climat d’autocensure permanent, où des médias sont régulièrement suspendus, des éditeurs de presse condamnés et maintenus en prison par un système judiciaire instrumentalisé. Autant de raisons qui ont conduit RSF à intégrer Yahya Jammeh dans sa liste noire des « prédateurs de la liberté de la presse ».

Au soir de sa défaite, Yahya Jammeh a souhaité dans une déclaration télévisée « le meilleur à tous les Gambiens ».

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