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Redevance audiovisuelle : qui va trinquer, qui va en profiter ?

Le gouvernement envisage d’instituer une Redevance audiovisuelle et cinématographique (Rac), dont les contours sont plutôt flous jusque-là. La ponction en préparation est inquiétante, lorsqu’elle ne pousse pas à se demander si le ministre en charge de la Communication n’aura pas une totale mainmise sur l’argent généré.

C’est en mars 2015 que le projet a été évoqué pour la première fois à l’occasion du conseil d’administration du groupe Gabon Télévision. Ces derniers mois, il a refait surface sous une nouvelle forme et sous une nouvelle appellation, la Redevance audiovisuelle et cinématographique. Porté par le ministère de l’Economie numérique, de la Communication, de la Culture et des Arts, et inscrit dans le nouveau Code de la communication, la Rac vise toujours le même but : financer les services et les entreprises publiques de communication audiovisuelle et cinématographique, tels que le Groupe Gabon Télévision et l’Institut gabonais de l’image et du son (Igis).

Recouvrée par les services de la direction générale des Douanes et des Droits indirects, la Rac sera payée par les opérateurs du secteur de la communication audiovisuelle, dont les distributeurs de services de médias audiovisuels fournissant des services au Gabon, les importateurs, les vendeurs ou revendeurs de postes téléviseurs. Une curiosité dans ce projet : contrairement à l’article 168 du Code de la communication qui dispose que «toute personne physique disposant d’un terminal numérique» devra payer cette redevance, dans la version du projet actuellement en examen au Conseil d’Etat, seules les personnes physiques disposant d’un appareil récepteur de télévision ou d’un dispositif assimilé dans un local ou dans une habitation seront exonérées.

Comme quoi, les contours de cette future redevance ne sont pas si clairs. Certains, y compris au sein de la haute administration publique, la jugent «floue» voire malhabile. «Il ne s’agit pas, en réalité, d’une redevance mais d’un impôt. Il ne peut, dès lors, lui être appliqué un régime distinct de celui de l’impôt qui doit passer obligatoirement par le Trésor», estime Olivier K., un haut fonctionnaire de l’Economie et des Finances, qui comprend mal que le gouvernemental envisage de reverser le produit de la Rac dans un compte d’affectation spécial (CAS) ouvert à la Caisse des dépôts et consignation (CDC). Question : Le ministre en charge de la Communication voudrait-il avoir une totale mainmise sur l’argent issu de cette redevance, sachant que si celui-ci est reversé au Trésor public, il lui sera difficile voire impossible d’y avoir accès ?

Pis, le fait que les opérateurs du secteur privé de la communication audiovisuelle, écrite et numérique figurent parmi ceux astreints au paiement de la Rac laisse songeur. Pour financer le fonctionnement d’un groupe public, le gouvernement envisage donc de mettre à contribution les entreprises privées, donc la concurrence, qui ne bénéficient pas forcément des prestations du groupe Gabon Télévision ou de l’Igis ? Autrement dit, Gabonreview, Direct Infos Gabon, Gabonactu ou Gabonews dont la survie sur le marché publicitaire est hypothétique sinon précaire, vont devoir trinquer pour financer le fonctionnement de Gabon 24 et Gabon Télévision ; de même pour La Loupe, Echos du Nord, Matin Equatorial et les télévisions privées (Canal Espoir, RTN, TV+, Télé Hermon, etc.) Ailleurs dans le monde, notamment en France où cette redevance a dû être copiée, la concurrence entre les médias est pure et parfaite, le marché publicitaire ouvert à tous. Au Gabon, du fait de leur ligne éditoriale ou de leur positionnement idéologique, de nombreux médias fonctionnent, au petit bonheur la chance, avec des artifices autres que publicitaires. Pourquoi cette redevance arrive-t-elle avant que le secteur de la publicité ne soit régulé et mieux organisé ?

Le ministère de la Communication qui a visiblement mal adapté la loi française sur la contribution à l’audiovisuelle (ex-redevance télé), n’a pas arrêté de clamer, ces derniers temps, son vœu de transformer les médias en entreprises viables. Or, tel que préconisée, cette redevance va, pour reprendre une expression ivoirienne, «compliquer la culotte» aux médias privés, déjà à la peine. Et puisqu’on n’invente pas la roue, il faut souligner que certains pays dans le monde, à l’instar des Pays-Bas et de la Belgique pour ce qui est de la région flamande et de la capitale Bruxelles, ont supprimé cette taxe ou redevance. Il ne faut pas tirer sur l’ambulance.

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