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Économie : le Gabon sur le fil du rasoir

Le Fonds monétaire international (FMI) a approuvé, lundi 19 juin, un prêt pour la période 2017-2020 de 642 millions de dollars (573 millions d’euros) au Gabon. Il était temps : le prix du pétrole a reculé de plus de 15 % en un mois.

Si Libreville a été obligé, toute honte bue, de souscrire pour la première fois un plan de sauvetage auprès du Fonds, c’est que la crise était devenue insupportable. Une croissance en berne (+ 4,4 % en 2014, mais + 2,1 % en 2016, selon le FMI), des soldes budgétaires qui ont viré au rouge (+ 2,3 % en 2014, mais – 6,6 % en 2016), une dette publique qui a doublé (33 % du PIB en 2014, mais 64 % en 2016), des réserves de change tombées en trois ans de 5,3 mois d’importations à 1,4 mois… La situation exigeait de vigoureusement redresser la barre.

« L’effondrement des recettes budgétaires en provenance du pétrole et du manganèse, qui représentent la moitié des recettes de l’État, a provoqué d’importantes difficultés dans la trésorerie publique », explique Yves Picard, directeur au Gabon de l’Agence française de développement (AFD).

« Il n’y avait plus rien dans les caisses, et les grèves se sont multipliées dans les douanes, les impôts ou la justice, poursuit-il. Les investisseurs ne viennent plus. La Banque africaine de développement (BAD) a fourni 200 millions d’euros et doit en apporter 300 millions d’ici à la fin de l’année, mais l’accord avec le FMI était indispensable. Cet accord lui donne trois ans de répit pour attendre une remontée des cours du pétrole et pour ne pas réduire brutalement les déficits. »

Crise des liquidités

« Le Gabon ne vit pas une crise de solvabilité, et il n’y a pas de risque de défaut imminent, souligne Stéphane Colliac, économiste senior Afrique chez Euler Hermes. Mais la crise de liquidités oblige la Banque centrale à mettre en place un contrôle des capitaux sans le dire ; les entreprises ont beaucoup de mal à se faire payer par l’État et à obtenir des devises. D’autre part, la crise politique a entamé la réputation du pays. Il fallait donc le FMI, son argent mais aussi son assistance technique pour ajuster le budget. »

Le programme arrêté avec le Fonds prévoit, en 2020, une disparition du déficit budgétaire, qui doit être contenu à 4,6 % du PIB dès cette année, et un déficit du compte courant réduit à 3 % du PIB, contre 10 % aujourd’hui. La dette devra revenir de 64 % à 50 % du PIB en cinq ans.

Pour cela, des économies sont indispensables. En matière de recettes, les exonérations fiscales seront revues. En matière de dépenses, de nombreux efforts sont programmés dans la loi de finances rectificative 2017 en cours d’adoption.

Efforts budgétaires

Les investissements publics, diminués des deux tiers depuis 2013, feront l’objet d’une surveillance accrue et d’une analyse coûts-bénéfices systématique pour les projets supérieurs à 20 milliards de F CFA.

La masse salariale de la fonction publique sera réduite de 0,5 % du PIB (environ 70 millions de dollars) sans réduction d’effectifs : le gouvernement jouera sur les 1 200 départs à la retraite prévus à l’horizon 2020, qu’il compensera par l’embauche de débutants moins payés.

Les promotions ne seront plus automatiques, mais fondées sur le mérite, et l’attribution de bourses pour les étudiants poursuivant des études à l’étranger connaîtra le même sort.

Le FMI n’a pas préconisé une médication sévère, car le Gabon doit servir d’exemple aux cinq autres pays de la Cemac

La lancinante question des quelque 800 milliards de F CFA d’arriérés de paiement de l’État sera réglée de la façon suivante : le gouvernement s’engage à apurer dès 2017 les 165 milliards de dette extérieure, et le paiement des 638 milliards de dette intérieure sera, lui, étalé sur quatre ans.

Les fournisseurs de l’État peuvent espérer toucher d’ici à la fin de 2018 les 250 milliards qui leur sont dus par le Trésor, et tout le secteur privé devrait être remboursé de 348 milliards d’avance de TVA en quatre ans.

Apparemment, le FMI n’a pas préconisé une médication sévère, car le Gabon doit servir d’exemple aux cinq autres pays de la Cemac qui connaissent les mêmes difficultés. Reste à savoir comment le gouvernement « vendra » ce plan de sauvetage à sa population et comment celle-ci – notamment les fonctionnaires – réagira…

Par Alain Faujas
Alain Faujas est spécialisé en macro-économie (mondiale et tous pays) ainsi qu’en politique intérieure française.

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